21/01/2018 Le marathon musical





Mise en situation : écrire à l'écoute de 7 morceaux de musique qui vont s'enchainer et nous mener vers de nouveaux rythmes, de nouveaux ressorts littéraires, de nouveaux horizons...




Texte d'Evelyne :

Sucré comme une friandise de fête foraine, l'air sentait le printemps et Rosalie gambadait légère et joyeuse dans la prairie ensoleillée. Quinze ans, le monde à ses pieds ; tout était possible. Le chant d'un oiseau accrocha son oreille. D'où venait il ? Elle ne reconnaissait pas ces mélodies de sirop, habituelles friandises maternelles.
Emportées dans un rythme rapide ses jambes la poussèrent à dessiner une ronde autour d'un totem imaginaire en forme de cactus. Cette musique lui chantait des pays lointains, inconnus, envoûtants. Elle s’abandonna à la transe. Elle ouvrit les yeux sur un vaste paysage ; canyon aride, angles acérés, pics rocheux -le vertige- elle avança attentive à la sûreté de ses pas. L'air était brûlant, le désert minéral.
Une inquiétude la saisit. Tous les sens en alerte elle avançait.
Sous ses pieds une vibration, l'air chaud soulevait une brume de sable lui rappelant
l'incertitude de son errance. Une rumeur s'élevait du sol, une rumeur comme un appel au secours. Des pierres semblait monter une mélopée de sirène prise au piège d'un océan figé.
Envoûtée, elle se perdait dans ce chant. Le tournis la fit vaciller. Elle tomba. La plainte devint un chant d'allégresse. Des voix d'enfants.
Des enfants, comme elle sans doute, toute une communauté qui l'accueillait au-delà du temps et de l'espace. Elle se laissa bercer. Son corps se dépliait et ondulait sur cet espoir inattendu. Des bulles sonores l'emportèrent sur les couleurs d'un arc en ciel jeté entre deux mondes. Elle se laissa glisser sur la courbe de lumière vers le pays magique : une évidence, le chant de la Terre l'appelait. Elle se sentit femme pour la première fois. Ses pieds, ses jambes, son corps tout entier ne faisait plus qu'un avec le monde. Jusqu'à la nuit le chemin l'a guidée.
Un frisson la réveilla dans un sursaut. Autour d'elle, l'herbe humide, la prairie bleue, là-haut, la lune veillait.
Son rêve avait-il duré si longtemps ? D'enfant à femme ?





Texte de Francine :

Envie d’ailleurs - besoin d’espace. Langoureusement se laisser porter par les vagues. Le soleil caresse les corps nus. Rêver et partir loin- là-bas - le miel coule - les femmes fleurs dansent. Etat de béatitude.

Sonorité d’îles – invitation. La jeunesse éclatante – les peaux luisantes – les doigts qui tambourinent à l’appel de la danse – à l’offrande – la communauté soudée comme un seul arbre – ses racines profondes – les branches qui s’élancent vers le ciel. Tous – rassemblés autour du tronc – solides et fiers.

Le voyage comme la fumée en un nuage opaque s’élève et plane parmi les étoiles. Rideau de cheveux qui obscurcissent le regard. L’âme est en somnolence – zombie qui se désolidarise du corps, qui chute – se ratatine – en soubresauts et se meurt – lovée au coin du feu.

L’aurore suit l’absence - la flamme danse. Le zombie désarticulé se fond dans le ciel gris. Un amoncellement de cumulus épais – menaçants – s’élancent sur nous et nous absorbent. Le gris – partout – et le chant entêtant comme un mantra, une obsession.

Soudain un cri, puis le ciel se déchire - le bleu inonde. C’est une douce torpeur. Les insectes frétillent – la flamme danse – des hordes d’enfants semblent prendre possession de l’espace, allégresse fraternelle. Une note d’espoir.

La musique nous prend dans ses bras, nous berce, nous réconforte. Les cauchemars se diluent, ne sont que souvenirs fugaces et inexistants. Le sein maternel apaisant – rassasiant – sentiment de sécurité. L’âme plane encore, elle est joyeuse et se fait accueillante. Un rayonnement de bien-être et de satisfaction. Espérance d’éternité.

Plaintes et louanges. Le Carmina burana des indiens d’Amérique en un son de communauté monte comme une prière. Voyage initiatique – plongée dans les entrailles de nos corps maladroits. Le chamane nous montre la voie – poussière d’étoiles – potion létales. Des pincées de poudres magiques crépitent dans les flammes. Les nuages se disloquent – rapides. Nous – ou un vol d’aigle, regard transperçant – puis il file par-delà les monts. Danse des hommes – danse des flammes. Les yeux aveugles dansent dans les orbites.
Puis le calme revient. Le voyage fut épuisant. Envie d’ailleurs – envie de repos. Le monde est multiple -l’âme tourmentée. La solitude parmi la multitude. Angoisse. Se prendre dans les bras et encore rêver.




Texte de Suzanne :

C’est le printemps. Le soleil lui réchauffe le cœur. Il déambule, tout à la joie d’avoir retrouvé son amour de jeunesse. Un sourire illumine son visage, qui avait perdu ses couleurs.
Il avait souffert de son éloignement pendant toutes ces années. Son rejet l’avait meurtri au plus profond de lui-même. Ses mots blessants, ses mots épines, ses mots cactus l’avaient anéanti. Il l’avait suppliée de rester, au point d’en oublier sa dignité. Il l’aimait de tout son être et elle ne voulait pas de lui…
Elle était partie, le laissant avec ses doutes, ses peurs. Pris de vertige, il avait même pensé à l’ultime solution… Cette idée était devenue obsédante, l’avait envahi jour et nuit, martelant ces paroles : « A quoi me sert-il de vivre si elle n’est pas là pour partager ma vie ? »  Ou bien « Je veux partir moi aussi ! Je veux mourir ! Je veux mourir ! Je veux mourir ! ». Il s’était même retrouvé au bord du canyon…
Puis il était rentré chez lui, errant d’une pensée lugubre à une pensée morbide, déferlantes qui l’emportaient irrésistiblement. Il avait pris la bouteille de whisky, afin de trouver un quelconque apaisement dans les brumes de l’alcool. Peu à peu, sa douleur avait reflué. La chaleur du breuvage avait atténué le froid et la nuit qui s’étaient emparés de lui. Il s’était senti un peu mieux.
De joyeuses voix enfantines l’avaient tiré de sa léthargie. Il s’était levé et tapi derrière ses rideaux, il avait épié ces enfants de la Communauté religieuse qui dans la cour voisine, faisaient une ronde en chantant avec allégresse.
 La magie de leur joie spontanée, l’avait réveillé des ténèbres qui l’engloutissaient jusque-là et ramené en douceur, sur le chemin de la vie.
Décidé à oublier celle qui l’avait abandonné, il était parti à la découverte du monde. Il avait enchaîné la visite de nombreux pays, avide de découvrir d’autres façons de vivre, d’autres façons d’aimer. Il pensait avoir trouvé la paix, la sérénité, jusqu’au jour où le hasard ou plutôt le destin facétieux, l’avait remis face à l’Aimée et subitement, tout était revenu… Mais maintenant, elle ne le quitterait plus, il ne serait plus jamais seul la nuit. Il avait retrouvé son unité.





Texte de Mistraline :

Dans le silence de la nuit, le chant de joie de l’oiseau éveilla l’enfant sauvage. Il ouvrit les yeux sur le ciel faiblement étoilé. Bientôt, la pénombre disparue remplacée par un doux soleil. Comme chaque jour l’eau de la rivière lui murmurait mille promesses. L’enfant se souvint qu’il avait rêvé du lion, son grand-père.

Au village de l’impératrice, la femme qui faisait des tchips avec ses lèvres, vendait des pains de sucre, des bonbons et des poires cactus. L’enfant aimait la regarder se déplacer, elle ne marchait pas elle dansait. Elle avait inventé la chorégraphie de la dignité ; les hanches souples, le menton fièrement relevé et le regard droit.

Contrairement aux autres, elle ne le craignait pas, elle lui offrit une sucrerie et un clin d’œil. L’enfant quitta le village aussi furtivement qu’il y était entré puis il prit le chemin des canyons. Ses petites jambes couraient sans vertige et son cœur battait plus fort que d’ordinaire. Il avait décidé d’escalader la paroi abrupte jusqu’aux tombes des ancêtres.

Un souffle qui menait à l’errance habitait les gorges rouges. L’enfant grimpa pendant deux heures en récitant le chant vaudou qui éloignait le souffle sournois et la brume jaune. Et bien avant que le soleil ne brûle sa peau, il atteignit la tombe des dix-huit épouses. C’était une grotte à flanc de falaise, un endroit frais recouvert de peintures figuratives.

Sur la fresque aux couleurs d’ocre, elles étaient là, elles dansaient le long de la paroi avec leur djembé sous le bras, leurs enfants sur le dos et le soleil dans leurs yeux. L’enfant découvrait les dix-huit épouses de grand-père lion, celui qui avait dévoré toutes ses filles parce qu’elles étaient trop appétissantes.

Depuis lors, les larmes des épouses coulaient le long de la roche tendre comme du biscuit. Le lieu sentait la résine d’oliban, une odeur chaude et réconfortante qui enveloppa l’enfant et l’entraina dans le monde des esprits. Happé par un sommeil étrange, il s’assoupit aux pieds des sépultures.

En songe, il assista au départ des dix-huit vers le monde des morts, il les vit boire le poison et abandonner leurs fils à la terre nourricière. Soudain, l’impératrice apparu dans son rêve, elle le supplia de ramener les larmes magiques des épouses. Il voyait son ventre rond et ses seins pleins de lait, il voyait aussi du sang dans ses yeux quand elle regardait son époux. A la nuit tombée, couvert de sable rouge, l’enfant revint au village, il avait recueilli les larmes des épouses de grand-père lion dans sa petite calebasse. Il déposa l’offrande devant la porte de l’impératrice. Dès le lendemain, aux premières lueurs d’une aube pleine d’espoir, elle donna la vie à une petite fille magnifique que son mari délaissa.

Moralité : Il est parfois plus simple de vivre auprès d’un père qui ne vous voit pas plutôt que de grandir sous les yeux du désir.


III/ LE PETIT INVENTAIRE

A chaque nouvelle année, il est bon de faire le point sur ce qui a, ou non, changé dans le monde et dans nos vies.

Inventaire d'Evelyne :

le nouvel i phone est arrivé ; je vais y penser
Chaque jour un tweet de donald ; je vais m'abonner

Les vieilles canailles en ont perdue une ; sale caractère ?
Un aéroport avorté : notre dame des landes priez pour les actionnaires !
Ils m'ont quittée : des morceaux de famille

Jouer au loto ; demain je gagne
Naviguer dans le monde subtil : quel voyage !
Égalité des salaires hommes-femmes : les négociations continuent

Tester la solitude des sapins : je lis sylvain tesson
 

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