21/02/2016 Vibrations chromatiques

Marie Nimier dans son dernier roman, « La plage » s’amuse à attribuer des couleurs aux mots, soutenant l’idée selon laquelle les mots ont une identité chromatique. Pour elle, camion, c’est beige par exemple;

1/Couleur des mots

Quand certains mots s’imposent à nous en couleur…

EVELYNE :

Ville grise et blafarde, ciel blanc. Des mots couleur d’enfance.
Amitié ; jaune-soleil, jaune-sourire et joie de vivre. Comme un pays qu’il fait bon parcourir.
Voyage ; rouge-vie, rouge-action, rouge-sang dans les artères d’un monde enivrant.
Liberté ; arc en ciel, pays volatil entre eau et lumière.
Nostalgie ; encens capiteux, offrande divine pour la quête ultime d’une réalité en couleur.
Richesse ; orange soyeux du désir, nectar d’éternité.



FRANCINE :
  
Les mots chantent, les mots se libèrent. Ils se promènent, de toutes les formes, de toutes les couleurs.
Couleur d’ailleurs comment est-il ? bleu, vert, rouge, une palette de nuances, un arc en ciel de dégradés.
Le monde, boule ronde, verte et bleue
Les nuages, roses. La fumée blanche. Les arbres droits et fiers. La tête dans les étoiles scintillantes, argentées, pourquoi pas jaunes, lisses et lumineuses.
Le vin qui coule, rouge violacé, parfois noir.
Vain, un mot court, qui coupe, qui cingle, triste et gris acier.
Espoir qui débute sur l’envolée et finit sur le blanc immaculé, vierge, à remplir.
Culture. Mot qui se bouscule dans la bouche. Des jeunes pousses qui s’élèvent du vert tendre à la floraison d’idées et de projets.
Ecole, tableau noir, fenêtre ouverte, des reflets d’éclats de rire, le cristal translucide.
Bégonia ça me fait penser à une petite vieille ratatinée, sombre avec les lèvres peintes.
Araignée, noir, plein de pattes, qui vous fait un carcan dans le dos…
Le dos justement. C’est chaud, c’est rond, c’est orange, rouge protecteur.
Les fesses, c’est rose, talqué et souriant.
Nacelle. Jaune tressé, solide et éphémère.
Ballon, rouge, deux syllabes pour jouer et se le renvoyer.
Brioche, chaud, ça sent le pain frais, doré et croustillant.
Poule. Rousse. Une boule entre les joues, ça caquette et ça sent le fumier.
La ville, mot qui vrille, vrombit, sale et pollué.
Horizon. Bleu. Infini. Le son qui s’éternise et résonne en sourdine.
Désir, couleur victoire, flamme jaune qui s’échauffe, braise rouge bordée de bleu, le vert déborde et se fond. Mot musical qui étire les lèvres sur un sourire.

2/Autour d’un tableau : Klimt

1/ Evoquez la ou les couleurs dominantes du tableau reproduit sur la carte postale que vous avez choisie.

2/ Racontez le décor de fond, le sol, les détails : motifs, aplats de couleur, formes géométriques, symboles…

3/ Décrivez le sujet peint pour le rendre visible

4/ Restituez l’ambiance générale du tableau

5/ Devinez le tempérament du personnage

6/ Interprétez l’œuvre, pénétrez-là et divaguez…


EVELYNE :

Elles

Tu vois ce tableau ?
Imagine.
C’est une histoire ancienne…
Ambiance rouge, luxuriante, un fond couleur saumon. Sur ses longues pattes d’échassier un oiseau multicolore semble monter la garde. Alangui dans un parterre de fleurs une espèce de héron somnole, un peu plus haut, clin d’œil sombre dans cette histoire, un petit coq noir s’égosille.
Les nuances pastel du décor se déclinent en teintes soutenues sur la robe de la jeune femme au centre du tableau.
Soutenue l’intensité de la couleur, soutenues les lignes accentuées des plis de l’étoffe, donnant forme et volume à ce corps féminin, de profil, main gauche contre le cœur.
Une femme prend la pose. Un long cou de danseuse, une coiffe enturbannée rehausse un visage ovale et blafard. Deux grands yeux noirs étonnés, une bouche rouge charnue.
Attiré vers la gauche, ce corps rejoint celui de l’amie, alanguie et nue dans un jeu de miroir amoureux. Les deux corps n’en font qu’un.
Le rose aux joues, les yeux  clairs en amande, un sourire sur la bouche, la femme dénudée se blottit contre sa compagne. Des parfums d’Orient flottent dans l’air de cette véranda.

Clara avait désiré ce rendez-vous. Elle avait décidé de vivre les langueurs de l’Orient décrites à longueur de pages par ses auteurs préférés.
Puis elle l’a rencontrée et tout fut possible. La véranda, dans le secret de ses plantes tropicales, garderait le secret de leur tendre amitié.
L’Art Nouveau se faisait jour. Ce siècle portait l’espoir d’un Nouvel Art de Vivre.



FRANCINE :

Malgré les couleurs pastel, le tableau est fort et puissant. La fillette, bien campée sur ses deux jambes fixe le spectateur. Elle n’est nullement intimidée, au contraire, elle nous stigmatise comme si nous étions des intrus.
Elle est légèrement défiante, sur la défensive et occupe tout le décor.
Ce qui nous interpelle dans ce tableau, c’est que toutes les lignes sont souples, mais le trait est torturé, il n’y a pas de rond que des formes allongées, ovalisées.
Le mouvement est donné par la frise du bas qui semble se hérisser, alors que les touches de couleur du fond dégoulinent sur le mur. Au sol les formes s’étalent en taches hachurées.
Ce tableau au premier plan calme est en fait tout en mouvement, en touches. Le chat lève la patte, plus haut la robe de la fillette gonfle, ses yeux sont expressifs et son regard est décidé.
Il y a une impression de vie dans cette toile. On s’attend à être apostrophé par l’enfant. Elle a l’air cultivée et déterminée. Elle a presque une figure d’adulte. Elle n’a pas l’innocence de l’enfance. Elle nous juge et ne nous pardonnera rien. On n’est pas du même monde.
On peut s’imaginer que l’enfant est témoin d’une scène qui la surprend. Peut-être un visiteur impromptu ou une bravade face à une réflexion de sa mère.
La robe, les chaussures nous montrent une classe aisée, habituée à être écouté.
Les fleurs de la tapisserie en forme de couronnes de laurier désignent le rang supérieur de cette famille.
Le fond rose et bleu fait penser à un ciel d’orage alors que le sol vert ressemble à un bocage. Puis le sable de la plage et le flux de la mer.
La fillette est immense par rapport à ce monde synthétisé, ce qui lui donne tant d’importance.



3/Le chant des couleurs

A la manière de Kandinsky, décrivez en une phrase, l’impression « sonore » que vous procure les couleurs ou nuances (nacré, doré, argenté, lie-de-vin, alizarine, bleu lavande ou bleu azur…)

EVELYNE :

« le blanc sonne comme un silence, un rien avant tout commencement. » Kandinsky

Le nacré tintinnabule comme des cloches de cristal.
Le doré glousse une roucoulade alambiquée.
Le vert crisse aux oreilles de Joëlle.
Le bleu azur trompette un air joyeux.
Le jaune citron aboie son éclat dans le buisson vert.
Le bleu-lavande murmure une sérénade de nuit d’été.
Le rubis susurre des mots sucrés.
Le fuchsia crie son impatience.


FRANCINE :

Nacré – écho qui nous revient en irisation marine
Doré – bruit sourd du bouclier vainqueur
Alizarine – clochette tintinnabulante en goutte de sang
Argenté – métal qui bruisse
Marron – bruit d’écrasement, un fruit qui tombe au sol
Orange – le souffle qui gonfle un ballon, une grande respiration

Cerise – un glissement furtif, un baiser sur la joue

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