06/12/2015 La grande Fabrique des mots
1/ La pensée associative
A partir de trois mots : Monde - Fabriquer - Mots, imaginez
un pays où les gens ne parlent presque pas. Dans cet étrange pays, il faut
acheter les mots et les avaler pour pouvoir les prononcer.
2/
La grande fabrique des mots
Vous avez le
début de votre histoire. Maintenant, le récit vient s’appuyer sur cela, en
suivant l’histoire d’un enfant qui ne peut pas s’acheter tous les mots qu’il
souhaiterait, alors ceux qu’il a prennent une valeur inestimable.
3/ Ecrire à partir d’un mot qu’on ne connait pas !
Je partage avec
vous ce joli mot sur lequel je suis tombée au hasard d’une promenade dans le
jardin des mots : le ouaouaron.
Imaginez ce que
c’est, par le biais de votre personnage qui vient de le découvrir.
Texte d'EVELYNE :
Langarie, à perte de vue la lande.
Texte de SUZANNE :
Texte d'EVELYNE :
Langarie, à perte de vue la lande.
Les
brumes matinales s’accrochaient aux maigres arbrisseaux. Un pâle soleil
arrivait en milieu de journée et l’on apercevait quelques rares habitations
frêles et vaporeuses, tremblantes au moindre souffle de vent.
Hommes
et femmes vaquaient à leurs occupations de façon mécanique. L’humanité
économisait la parole. Un seul endroit bourdonnait de rencontres verbales
« la grande fabrique ».
Grosse
boule de verre et de métal, elle se déployait au cœur de chaque village ; elle
renfermait tous les mots du monde, toute sa diversité.
Chacun
pouvait venir y acheter les mots-messagers nécessaires. C’est alors qu’il
fallait ajuster sa voix car les mots s’échangeaient contre des mélodies, des
airs, du souffle.
Le
vent de ce pays avait modelé les coutumes et les croyances.
Chaque
étage circulaire de la fabrique abritait les mots assemblés en famille :
verbes, noms, adjectifs… chaque famille avait son alcôve, chaque alcôve son
représentant à qui vous deviez exprimer votre désir d’acquérir un mot en lui
soufflant une ritournelle, une chansonnette ou un air d’opéra. Vous deviez
émouvoir le vendeur.
Au
dernier étage, une salle d’entrainement où, mots en bouche, chacun venait les
mastiquer, les croquer, les déguster avant de les avaler. Une fois digérés, ils
vous appartenaient à jamais. C’est ainsi que l’on constituait son vocabulaire.
Les
mots, sensibles aux différents souffles, laissaient s’envoler des symphonies,
des blues, des oratorios, des valses à mille temps… Seul le vent de Langarie
les prenait sur ses ailes.
Les
Langariens, eux, ne jouissaient pas l’au-delà des mots. Ils les consommaient.
Ils les digéraient.
Par
une journée encore chaude et humide, elle arriva à la fabrique. Elle pouvait
tout juste pousser la porte.
Depuis
ses premiers pas elle attendait ce moment. Depuis ces six longues années ses
oreilles frémissaient.
« Lia »,
ce mot qui la désignait, lui faisait du bien du haut en bas
« maman »,
c’était chaud en dedans
« papa »,
ça faisait des bulles de rire
« chocolat »,
c’était si bon dans sa bouche
« frère »,
« sœur », « jouer », « manger »
Ces
mots là, elles les connaissaient depuis toujours.
Maintenant
elle s’aventurait dans la lande. Elle quittait la maison pour voir le monde. Près
d’une maison voisine ses oreilles grincèrent.
« vas-t-en ! »,
« colère », « guerre »
Pétrifiée,
paralysée ; ces mots inconnus lui glacèrent le sang d’un coup. De retour
chez elle, rien ne sortait de sa bouche : le silence envahit son corps.
Le
vent se fit violent pendant sept jours et sept nuits. Une trille d’oiseau la
sortie de sa torpeur. Elle suivit ce chant dans la lourde chaleur. Elle arriva
devant la boule de verre. Désir et peur se renvoyaient leurs chants
désaccordés.
Elle
a poussé la porte.
Elle
était prête, elle connaissait les airs, elle aurait les mots. Elle voulait
chanter jusqu’à plus d’air, dévorer les mots jusqu’à plus faim.
…
une chanson douce pour « framboise »
…
au clair de la lune pour « roudoudou »
…
petite musique de nuit pour « étoile » et « lune »
…
une rumba pour « amitié »
Aucun
mot ne lui résistait. Dans ses oreilles la farandole tournait, tournait.
Etourdie elle tomba sur le sol.
La
boite était là, abandonnée. Personne pour la surveiller. Personne. Elle
pressentait un mystère. Pouvait-elle ouvrir cette boite sans un souffle
nouveau ? comme ça ? tout simplement ?
Tremblante,
Lia soulève le couvercle. Tout au fond elle lit
« Ouaouaron ». A peine lu, Ouaouaron s’empare de Lia. Elle
répète sans s’arrêter Ouaouaron, Ouaouaron. Comme un écho, l’onde se glisse, se
répand dans les alcôves. Tous les mots s’échappent, aspirés par le son. Ils
franchissent la porte de verre. Le vent devient brise légère. Les mots
s’envolent au quatre coins du nouveau monde.
Texte de SUZANNE :
Au royaume de Rhétorie
Dans le
petit royaume de Rhétorie, le chant des oiseaux rythme les activités, au son d’une
musique céleste. Les bruits sont feutrés. Le royaume est ceinturé d’une forêt
aux essences multicolores, alimentées par de nombreuses sources et l’architecture
y est d’une beauté primitive. Très créatifs, les Rhétoriens et Rhétoriennes
sont manuels et doués pour les arts, particulièrement dans le domaine de la
peinture et de la sculpture, d’une grande finesse. L’origine du silence et de
la paix qui règnent sur ce royaume, provient de la spécificité de ses
habitants. En effet, les Rhétoriens et Rhétoriennes ne peuvent communiquer
oralement qu’après avoir échangé des mots contre un service ou un objet, avalé
ces mots afin de pouvoir les prononcer, ce qui donne plus de prix à leur
parole. S’ils s’expriment la plupart du temps par gestes dans la vie courante,
ils doivent toutefois faire appel au troc, pour obtenir les mots qui révéleront
leurs émotions, leurs désirs, leurs fantasmes, leurs maux, ou leurs idées. Une
grande bibliothèque, refuge de ceux qui souhaitent
enrichir leur vocabulaire, abrite les multiples boîtes dans lesquelles sont
rangés par catégorie les différents mots. Cet espace situé sur l’Agora, face au
Palais du Roi est tenu par le plus ancien du royaume. Les mots les plus
précieux étant évidemment les plus chers, les Rhétoriens et Rhétoriennes
doivent choisir le terme précis dont ils ont besoin. Seul Rhétorus, le Roi, a
accès gratuitement à tous les mots. A la naissance, chaque nouveau-né est doté
d’une vingtaine de mots nécessaires à sa survie. A partir de 7 ans, ils peuvent
étendre leur vocabulaire. Logorrhus qui vient d’atteindre cet âge, est invité
pour son anniversaire par le Roi. Quelques mois auparavant, Logorrhus a fait la
connaissance d’un conteur de passage dans le royaume. Ebloui devant tant
d’aisance verbale, il désire depuis ce jour pouvoir prononcer tous ces mots qui
l’ont fait rêver tels que voyages, monde, aventure, langages divers et s’agite
sans cesse, dans le but de se faire
comprendre des autres. Le Roi qui connaît la soif de l’enfant de s’exprimer,
lui remet pour présent le mot « réflexion ». Il lui demande d’en faire bon usage, de maîtriser
sa parole. Logorrhus s’incline devant Rhétorus pour le remercier et lui promet
de ne parler qu’à bon escient. Sa mère lui offre le mot « amour » et
son père « sagesse », deux termes très précieux qui devraient le
guider tout au long de sa vie. S’il souhaite retrouver un jour le conteur pour
échanger leurs idées et faire un bout de chemin ensemble, Logorrhus peu
fortuné, doit se mettre tout de suite au travail. Heureusement il bénéficie
d’un talent de peintre déjà reconnu au sein de sa famille. Inspiré par le
cadeau du Roi, il réfléchit où installer
ses pinceaux et ses pigments colorés, terre de sienne, bleu pastel ou
cæruleum, vert pomme, jaune d’or. Il choisit l’Agora et dès le matin, il
propose à tous ceux qui le souhaitent, de peindre leurs rêves. A chaque toile
rendue, il obtient en échange un bon numéroté pour l’une des boîtes de mots. La
plus grosse d’entre elles numérotée de 0 à 500, contient les mots d’usage
courant, accessibles à tous. De 501 à 600, ce sont des mots liés à la fonction,
au métier, à la capacité. De 601 à 800 la boîte contient les mots qui recouvrent
les émotions comme joie – peur – confiance – amour – générosité – haine –
curiosité – tristesse - empathie. A
parts égales, les deux boîtes suivantes, contiennent pour la première des mots
drôles et pour la seconde des mots méchants. De 901 à 999, ce sont les mots
rares, précieux, les plus chers. Logorrhus qui parle maintenant avec
discernement, sait poser les bonnes questions à ses clients et leur restituer
parfaitement la couleur de leurs rêves. Il acquiert de plus en plus souvent des
mots précieux comme amitié - courage - santé – sensibilité -
voyages – musique – histoires – aventures. Si l’une de ses toiles est moins
bonne, il obtient les mots déception – tristesse – regrets. Toutefois un jour
qu’il obtient le mot connaissance, il ose demander à l’Ancien, ce que renferme
la dernière boîte miniature qui l’intrigue qui porte le numéro 1000. Ce dernier
lui répond que c’est un mot mystérieux… Au fil des années, Logorrhus devenu un beau
jeune homme, a acquis une grande
maîtrise dans son art. Ses toiles reflètent toujours avec habileté les
rêves de ses clients, mais s’y est ajouté un côté secret, un double langage, une anamorphose. Vient le
jour où enfin il peut satisfaire sa curiosité. Lorsque l’Ancien lui ouvre
l’ultime boîte, il n’y découvre qu’un seul mot « Ouaouaron ».
Logorrhus dont le vocabulaire s’est prodigieusement enrichi est interloqué. A
quoi peut correspondre ce mot ? Serait-ce le nom d’un animal ? D’une
plante ? D’un objet ? Soudain une idée lumineuse lui traverse
l’esprit. C’est là qu’il retrouvera le conteur de son enfance, celui qui lui a
transmis le goût des mots. Il quitte Rhétorie et part pour Ouaouaron.
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