05/10/09 Après le tremblement

Inventer l'après

Texte de M

LUNDI APRES LE TREMBLEMENT

« Il n’y avait pas de neige fraiche dans les rues. Seul des vieux blocs durcis et sales s’étaient empiles de deux cotés de rues tels des mots tombés en désuétude »


Des trainées boueuses sillonnaient les ruelles, passaient sur les décombres, coulaient dans les flaques d’eau glacée.
Dans le quartier coréen les portes des bars étaient fermées, les murs fendus, les chaussées défoncées n’attiraient pas le client. Les filles qui faisaient le tapin se chauffaient les mains et les fesses autour d’un brasier allumé sur la place.
Les petites constructions appuyées les unes contre les autres tenaient à peine, à l’angle de la Rue des marins et du Boulevard du Port des gros madriers renforçaient tout un pâté de maisons.
Tout était silencieux, des gens arpentaient les ruines avec douceur, déplaçaient les débris amoureusement guettant le moindre souffle annonciateur de vie. Pas d’éclat, pas de coup ni fracas qui puisse déstabiliser ce qui était encore debout.

Plus loin dans le quartier des affaires, devant la fontaine disloquée du centre commercial un camion distribuait des boulettes de riz et de la soupe, le vent faisait vibrer les vitres brisées des buildings et par le trou béant qui avait été la porte de la galerie marchande se précipitaient des groupes de salarimen, pressés de trouver un moyen de rentrer chez eux.

En face du Shibura Square des voisins se groupaient devant l’. « EPICERIE BERORAI » dont l’enseigne, en forme de flèche, détachée de son support et tenue par le seul fil électrique signalait maintenant l’entrée du fast food d’à coté.
Ils ne se pressaient pas, chacun chuchotait sa commande à la vendeuse a travers la grille fermée du magasin, en retenant son haleine, en traquant le plus élémentaire frémissement sous ses pieds.
Les arbres du square caressaient la terre inquiète de ses racines profondes.
Le cœur de la ville battait doucement, très doucement.