15/11/2015 Ecrire dans une roulotte

Un dimanche d'écriture dans un lieu atypique et fantastique, entourées par un siècle de roulottes chaleureuses.

Merci Pierre Le Fur !!



Première proposition :
Vous vous réveillez dans un lieu inconnu : une roulotte. Trouvez la raison de votre présence en ce lieu ! Comment y êtes-vous arrivé et pourquoi ??


Texte d’ ÉVELYNE :
Dans la roulotte
L’odeur du feu de bois me fait ouvrir les yeux. Ça scintille de partout, au plafond, sur les murs, aux fenêtres. Je suis dans une navette spatiale propulsée au feu de bois ; le doux balancement de l’habitacle me confirme cette intuition première.
En un clin d’œil je fais le tour de cet abri inconnu.
Le lit occupe la largeur de la pièce, un guéridon, une chaise, un fauteuil. Un poêle à bois près de la porte diffuse une chaleur odorante.
L’espace réduit ouvre grand ses fenêtres sur le monde. A croire que la vie est toujours ailleurs. 
Toujours ailleurs… - la voix de ma grand’mère résonne.
Une rafale de vent, les murs tanguent, je me sens des fourmis dans les pieds. Je saute du lit, un pas, me voici dehors.
Un campement de roulottes se déplie tout autour de moi dans la clairière.
« Une roulotte, un cheval… »  grand’mère ? c’est toi qui a rendu possible ton rêve ?
A la seconde je comprends ces deux mots aperçus près de la porte
O kolo, Lacho Drom
Braise de la vie, Bonne route !
A moi d’attraper le rêve…

Et ma vie bascule




Texte de SUZANNE :
Une  délicieuse trille,  me sort doucement d’un sommeil de plomb.
Mais où suis-je ?
Je n’entends pas la rumeur bourdonnante des voitures sur le boulevard, ni le piétinement des enfants  qui vivent  à l’étage supérieur. C’est le silence ! 
J’ouvre doucement les yeux et découvre au-dessus de moi un plafond bas et arqué. Je suis étendu sur un grand lit, recouvert d’un splendide boutis rouge et or. Une ravissante table basse carrée, en bois, servant de chevet flanque le lit. A la tête et au pied de celui-ci, deux fenêtres tendues de voilage pourpre se font face.
L’endroit est douillet, chaleureux.  J’ai l’impression d’être dans une roulotte.
Sur la table de chevet, un petit bout de papier écorné est coincé sous le pied  de la lampe. Je le tire et lis ces deux mots mystérieux :
« Dikave » et « O Tchirklo » illustré d’un dessin d’oiseau. Je regarde attentivement le dessin stylisé d’un flamant en vol et mes pensées le suivent… Soudain, la mémoire me revient.
Mais oui, c’est ça !
C’est la Féria des Vendanges et en fervent aficionado j’avais assisté hier, à l’extraordinaire combat opposant Nimeño II et son 2e taureau de la manade Aubanel. Une bête fière et farouche.
Après la musique assourdissante du Paseo, les sifflements à l’entrée des picadors, les hurlements de la foule enchainant les « olé » à la pose des banderilles, la foule admirative devant l’élégance du matador et sa vaillance devant le taureau puissant et franc, s’était soudain tue. Jusqu’à la mise à mort, un silence religieux avait envahi les arènes. Nimeño II avait été récompensé pour sa remarquable faena, des deux oreilles et la queue.
Ebloui, j’étais parti pour le féliciter à la sortie des arènes, quand j’avais été bousculé, piétiné, avant de tomber à ses pieds. Puis le trou noir.
Je me lève un peu meurtri, pour découvrir l’autre partie de la roulotte masquée par une porte à double battant. Elle est délicieusement décorée, dans les mêmes tons rouge et or, de tableaux, d’affiches de corrida et d’une magnifique tête de taureau. Un bouquet de roses rouges, souvenir d’une admiratrice est fixé au mur. Un christ contemple d’un air bienveillant ce décor.
J’ouvre la porte et me retrouve en pleine campagne,  au milieu du camp gitan de Nimeño II.

Le  bonheur total !



Texte de JOËLLE :
Le jour d'après,
Le bruissement des branches doucement agitées par le vent et le pépiement des oiseaux effilochent l'ouate de mon sommeil. Un rayon de soleil vient doucement chatouiller mes paupières. Je suis bien. Encore engourdie, j'attends avant d'ouvrir les yeux, je tente de poursuivre ce rêve qui m'échappe, je n'en saurais jamais le fin.  
Au moindre mouvement mon lit couine, les murs de la chambre balancent au rythme des grincements.
"Zut et zut, te voilà repartie pour une crise de vertiges."
Cette pensée suffit pour me faire ouvrir les yeux. Je dois être en plein rêve, rien ne ressemble moins à ma chambre que cet espace rétréci aux chaudes couleurs. Le plafond vouté brun et verni s'est rapproché de mon visage. La fenêtre aux petits carreaux négligés est si près de mon lit que mes doigts la touche sans effort. Le dessus de lit en laines multicolores réchauffe mon corps inquiet et égaye la minuscule pièce. 
Je me crois dans une maison de poupée. Dehors c'est la campagne, mais pas la mienne. J'ouvre doucement la porte de séparation et me retrouve dans un espace de vie chargé de bibelots aux pendeloques, de vieilles bouteilles et d'éventails. D'anciens rideaux faits au crochet obturent des ouvertures exigües. Les teintes chaudes, des rouges et des grenats donnent une ambiance rustique à ce cocon.
"Où suis-je? Comment suis-je arrivée là? Qu'est-ce-que je fais ici?"
Les araignées ont brodé des toiles dans les coins de rideaux à l'abri des intempéries. Je suis comme elles, je me sens en sécurité, mais je ne sais toujours pas ce que je fais là.
La main sur la poignée, prête à ouvrir cette minuscule porte et retourner à ma vie, mes yeux sont attirés par un feuillet plié sur lequel sont inscrits deux mots en manouche: "Yack et Tchi", "l'œil et le rien".
Et là, le déclic. La verdine, la diseuse de bonne aventure, la boule de cristal, la lecture de mon avenir, les mots... Ces mots terribles, ces mots insupportables, le cri terrible sorti de ma gorge et mon corps qui tombe, tombe, enfin le néant.



Texte de FRANCINE:
Le noir peu à peu se dissout. L’étrange torpeur qui me tétanisait semble s’effilocher en dentelles crémeuses. Je bouge le bout des doigts, respire, les narines testant l’air, et me décide à oser un coup d’œil.
Que s’est-il passé ? Je ne me souviens de rien. Ce n’est pas un rêve, du moins je ne le crois pas.
Quelle étrange pièce. Des murs en bois, le plafond de même, le tout peint de bleu pastel et de jaune soleil. Des fenêtres rouges décorées de rideaux ajourés. Au fond de la pièce, un lit transversal aux lourds édredons rouges et fleuris d’où je découvre le décor. Puis une banquette avec des coussins de tendres pastels. Une table ronde, une vieille édition de « La case de l’Oncle Tom »posée négligemment dessus. Deux chaises bleues. Un petit poêle bleu aussi qui se cache dans l’angle. Les parois ornées de tableaux représentant des scènes de vie, me semble-t-il tziganes ou de gens du voyage.
Au fond une porte, rouge avec deux ouvertures.
Je me lève, puis courageusement ouvre la porte. 

Un paysage pastoral m’entoure. Calme, serein, tiède et rassurant.
Je suis dans une roulotte. Une belle roulotte verte et rouge avec quelques planches de bois en guise de terrasse, trois marches pour rejoindre la terre ferme. Dans un interstice  je découvre un petit papier. Je le ramasse. Deux mots sont écrits à l’encre bleue. Du manouche, dans une roulotte c’est certain. Bal d’un côté, balnave de l’autre. Machinalement je le mets dans ma poche.
L’atmosphère dégagée est faite de quiétude et d’invitation au voyage. Voyage sur les routes et les chemins herbeux. Voyage intérieur dans cet univers qui a tant vécu. Je vois ma cabane ambulante avançant cahin caha au rythme des mules qui inlassablement emmène le convoi à la découverte des terres hospitalières, loin de ces contrées hostiles où on les chasse et les méprise. J’observe les familles heureuses et soudées, les enfants aux cheveux flottant librement au souffle léger de l’alizée. Les femmes foulard sur la tête, les mains aux bijoux lourds finement décorés, un châle coloré sur les épaules et les yeux loin sur l’horizon.
On les dit menteurs, mais ils ne racontent que les histoires portées par le vent. La veillée et le partage. L’avenir pour seule direction.
Je suis assise sur les marches. Ce peuple me parle et m’ensorcelle. J’ai envie moi aussi de partir loin, de feu sauvage et de grandes prairies.
Mes cheveux prennent vie. Ils sont mon étendard, ma signature.
Le soleil au zénith me chauffe les épaules. Un sentiment de liberté infini me berce. J’envie ce peuple libre, détaché de nos contraintes.

Je ferme les yeux. Je pars avec eux. 


Deuxième proposition : Ecrire c'est réinventer le monde et son histoire.
Le niglo (hérisson) est l'animal emblématique des gens du voyage. Aussi serait-il bienvenu d'inventer un conte sur l'origine des piquants du hérisson.  
         
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Conte d'EVELYNE :
Niglo le hérisson aimait une souris.
La souris hautaine n’avait que faire de cette espèce de souriceau au charme zéro.
Le hérisson se lamentait. Comment exciter la curiosité de la belle ?
Son ami le coiffeur aurait, c’est sûr, une idée ébouriffante !
Après un shampoing de pattes en museau. Il lui colle un à un les poils les plus beaux sur le dos.
Du bout du peigne il lisse, coiffe et fixe les poils au gel surpuissant – le voilà habillé de neuf !
La souris s’étonne : « quel piquant ! cet étranger… »

C’est ainsi que l’Amour a transformé les hérissons en boule de piquants attrape-cœur.




Conte de SUZANNE :
Ninon, la jeune cousette travaillait sans relâche, sous les ordres d’une patronne irascible.
Nourrie d’un quignon de pain et d’un bout de fromage rance, vêtue de haillons, elle découpait, faufilait et cousait toute la journée, des robes de princesses dans de somptueux tissus soyeux. Leurs couleurs chatoyantes miroitaient sous la lampe, car son cagibi ne comportait hélas, point de fenêtre.
Courbée sur son ouvrage, lorsqu’elle manipulait avec adresse ces riches étoffes, Ninon rêvait de rencontrer un jour, celui qui la délivrerait de ce trou à rats.
D'ailleurs, Ninon n’avait pour seule compagnie que celle d’un ravissant souriceau mutin, aux yeux pétillant d’intelligence. Celui-ci aimait à se balancer entre les pieds de la jeune fille, sur le pédalier de la machine à coudre. De temps en temps, il grimpait tout en haut, hypnotisé par le va-et-vient rapide de l’aiguille, qui martelait délicatement le tissu, essayant en vain de l’arrêter. Ce jeu amusait  Ninon et la distrayait de ses journées harassantes.
Un jour, sa patronne entra précipitamment en criant. Apeuré, le souriceau se faufila pour aller se blottir sous la pelote d’épingles qui lui servit de carapace.
Qu’est-ce que cette chose piquante vociféra la mégère ?
Ninon lui répondit que c’était son hérisson.
Dehors toi et ton niglo, espèce de va-nu-pieds,  gitane, ensorceleuse !
Ebahie, Ninon fut d’abord éblouie par le soleil. Puis elle ouvrit les yeux pour découvrir à ses côtés son souriceau/hérisson transformé en beau jeune homme, qui l’admirait dans sa robe de princesse.


Conte de JOËLLE :
La grande question,
"Oh c'était il y a bien longtemps...Dit grand père hérisson.
Le regard de Niglo ne lâche pas les lèvres de son papé, le monde n'existe plus.
"Pourquoi? Oui pourquoi tous ces piquants?" A l'école personne ne veut s'approcher ou jouer avec lui. Niglo a fini par avoir honte de ses épines, tout ça le rend bien triste. Il a posé la question à papa et à maman, mais personne ne connaît la réponse. Ils haussent les épaules et continuent leur chemin.
"Niglo tu nous ennuie avec toutes ces questions. Avance!"
Grand père est vieux et marche doucement, mais surtout grand père adore Niglo et ses questions, il le trouve curieux et futé et il ne refuse jamais de lui répondre.
"Il y a longtemps, très longtemps reprend celui-ci, bien avant que je sois né les hérissons avaient une magnifique fourrure, soyeuse et brillante. Ils adoraient se pavaner devant les autres animaux et surtout les humains.
- Oh! dommage, ils avaient de la chance eux! Interrompt Niglo.
- Pas tant que ça poursuit grand père, ils étaient devenus prétentieux et imprudents, c'était sans compter sur les humains qui voulaient leurs peaux pour les offrir à leurs amoureuses. C'est ainsi que la grande chasse aux hérissons a commencée.
- Hou la la! j'aurai eu trop peur, gémit Niglo.
- Oui c'est sûr, car peu à peu tous les hérissons disparaissaient, ils avaient beau se mettre en boule, rien ne les protégeait.
Pourtant, il y avait un vieux hérisson, tellement vieux qu'il ne pouvait plus courir par contre il était considérablement futé, un peu comme toi mon petit Niglo. Un jour qu'un groupe d'humains tapaient les herbes avec des bâtons pour faire courir les hérissons et les attraper, Niglo l'ancien eu l'idée de se coller, avec de la résine, des épines d'églantier sur tout le corps puis il se mit en boule et resta sans bouger.
- Et alors? Demande le petit.
- Alors, le premier homme qui lui mit la main dessus s'enfonça des aiguillons et partit en criant. Les autres hérissons comprirent la leçon et prirent l'habitude de se coller aussi des épines.
- Super bonne idée! S'exclame Niglo.
- Oui, super idée. Depuis ce jour là les hérisson ont appris à se faire pousser les piquants et se mettent en boule lorsqu'ils sont en danger.
-Youpi! Ben il était très fort celui-là! Quand j'irai à l'école je n'aurai plus honte de mes piques, je pourrai l'expliquer à mes copains.
- Oui, surtout que tu peux devenir très doux toi aussi, il faut seulement rabattre tes piquants quand tu n'es pas en danger.

- Merci papé, elle était belle ton histoire. Niglo fait un câlin et court jouer avec ses amis.


Conte de FRANCINE :
Pour son jubilé, Lion, le roi des animaux, convie tous ses congénères pour un grand banquet. De la campagne, de la forêt, des montagnes ou des déserts, tous répondent présent et se précipitent vers la vaste savane.
Niglo le hérisson, comme tous les autres, court sur se courtes pattes. Son mignon nez pointu frémit d’avance aux douceurs promises. Ses petits yeux fureteurs luisent comme des onyx. Le souffle léger du vent caresse sa peau rose et nue.
Mais voila que le renard, gourmand, lui mordille le cuissot. Puis la vipère se tortille et vient lui renifler le mollet. Niglo sautille à droite, Niglo sautille à gauche pour fuir ses prédateurs trop entreprenants.
Il se réfugie sous un tas de feuilles, mais la course du cerf les fait voler en folle farandole.
De nouveau à découvert, Niglo se met en boule. Il s’imagine serti d’étoiles pour éloigner les opportuns.
Il va trouver Sylvia, la fée de la forêt et lui demande protection. Il lui explique qu’il veut juste être tranquille, ne pas finir en pitance pour les loups, et comme il est timide, se mettre à l’abri des curieux. La fée agite sa baguette magique, sous une pluie étincelante des épines se mettent à pousser sur la peau tendre du petit hérisson. Le voici transformé en sorte d’oursin terrestre !
Heureux il se déplie, gambade de toutes parts. Un chacal passe à proximité, vite avant qu’il ne le croque, Niglo se met en boule. Le chasseur se pique le nez et s’enfuit en aboyant.
Notre ami de la forêt s’aperçoit aussi que ses piquants retiennent les feuilles qui lui font une couverture contre le froid et les intrus.
Et c’est depuis que le hérisson vit couvert de son paillasson.


Troisième proposition : La beauté de la colère

Poème de FRANCINE :
Le long des routes désolées
Convoi serpentant et unis
Solidaires ils se déplacent
Couleurs criardes, foulards au vent
Des enfants nus, les pieds ballants
Sur les terrains abandonnés
Ils montent en rond leur campement
Le patriarche tonne, le respect plane.
Sous les persiennes entrecroisées
Sous les invectives violentes
Leurs doigts habiles nouent l’osier
Ou se perdent au fond de nos poches.
Le chien ne jappe plus
Apeuré il rentre la queue.

La nuit se fait plus belle
Devant le feu les violons pleurent
Les mains cadencent la musique
Le chant se libère
Sous le ciel étoilé…..

Le nomade devient résident
La caravane se modernise
Le cheval cédé au maquignon
Le livre traîne sous la télé
Les orteils s’enferment dans des baskets
Les cheveux se canalisent
Même la poule est micro-ondée.

La route se morcelle Adieu la liberté

Gitan le dos courbé, mais le regard fier de braise.


Poème de JOËLLE :
De cette femme aux bras nus
Qui se déhanche dans la nuit,
De cette guitare qui chante
Et pleure des notes de feu
De ces papillons de lumière
Virevoltants dans la touffeur,
La danse exprime la joie,
L'amour et la colère.
Les pieds frappent la cadence,
Les mains rejettent la misère,
Elles repoussent le désespoir,
Demain reviendra la lumière
Et lavera cette colère.



Poème d'EVELYNE
Autour des gitans

De roulottes en caravanes
De chemins de terre en nationales
Toujours en groupe ils se déplacent.
Les hommes aux semelles de vent
Font du présent leur liberté
De la rue, leur territoire
Où les enfants passent leur temps.
Code d’honneur autour du cou
Dans les cheveux, fleur rouge sang.
Du Nord au Sud en procession

la vierge noire en étendard.


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