13/09/2015 Sépulveda ou l'art de l'essentiel

Souvent, les descriptions de paysage sont un moyen de mettre à l’épreuve notre capacité à écrire avec style.

A démontrer notre talent littéraire tout en plongeant le lecteur dans un décor crédible et attirant.

Incipit de « Le vieux qui lisait des romans d’amour » de Luis Sépulveda :


« Le ciel était une panse d’âne gonflée qui pendait très bas, menaçante, au-dessus des têtes. Le vent tiède et poisseux balayait les feuilles éparses et secouait violemment les bananiers rachitiques qui ornaient la façade de la mairie. »

A partir de cet incipit vous détenez des clés indispensables pour écrire. Suivez l'itinéraire tracé par Sépulveda et votre imagination suivra !


Textes de SUZANNE :

Texte 1 :
Le ciel roulait furieusement ses galets. Les nuages pesants s’entrechoquaient, tourbillonnaient au-dessus de nos têtes, poussés par un vent déchaîné, qui venait se briser dans un mugissement, sur le phare au bout de la jetée.
Par un temps pareil, les habitants de Penmach restaient tapis à l’abri derrière leurs volets. Seuls un poète comme moi, amoureux de la beauté sauvage du lieu et le vieux fou de Séraphin, qui peignait avec le vent, pouvions affronter ces éléments impétueux.
Souffle Eole !
Le vent fier se renforçait. Aussitôt les mains du peintre s’agitaient frénétiquement sur la toile. Le visage barré par ses longs cheveux, en transe, il semblait s’adresser directement au vent et disait des mots sans suite :
Oui, souffle Eole – guide mes mains – donne-moi ton énergie vitale – apporte moi l’inspiration – anime mes toiles – donne leur la vie.
Les bateaux surgis de ses pinceaux semblaient soudain partir pour une destination lointaine…


Texte 2 :
Le ciel avait subitement épousé la mer et cachait leur étreinte, sous un édredon dense  de brume humide et oppressante, avant de sombrer dans la nuit sans lune. Seul veillait telle une vigie Théodule L’Ange, au sommet du phare dont il était le gardien.
Le phare de la Vieille, était l’un des derniers phares habités de tous ceux de la mer d’Iroise. Les gardiens ne se battaient pas pour assurer la relève bi mensuelle dans ce lieu inhospitalier, vibrant sous les coups de boutoir des vagues déferlantes et assailli de tous côtés par les vents hurlants. Même les vieux loups de mer solitaires, frissonnaient le soir au pub en pensant à leur terreur pendant leur tour de garde. Théodule L’Ange, se sentait investi d’une mission divine et les marins accoudés au bar, l’ovationnaient toujours dès son entrée, admiratifs et restaient suspendus à ses lèvres :
L’autre soir, disait-il, les pieux de chêne qui soutiennent le phare craquaient tellement sous la violence de l’assaut des vagues, que j’ai bien cru ma dernière heure arrivée… Mais tel un capitaine avant le naufrage, je me devais de rester à mon poste, sacrifier ma vie, pour sauver un éventuel navire en péril. La brume était impénétrable même à la lumière du phare, qui ne parvenait pas à la percer. J’ai soufflé alors comme un fou dans ma corne de brume. A la lueur d’un éclat du phare, j’ai aperçu furtivement la proue d’un navire qui s’est déroutée juste à temps pour éviter les récifs meurtriers.
Croyez-moi, ce n’est pas leurs phares automatisés, sans âme, qui sauront protéger  nos marins des naufrages. Des histoires comme celles-là, j’en ai des centaines. Unissons-nous !


Texte 3 :
Le ciel écharpe de tulle, presque diaphane, nimbait d’une douce lumière le village perché sur son piton, qui apparaissait tel un mirage, au détour du chemin.
Cordes sur Ciel portait bien son nom, suspendu à l’azur. Ficelle, le vieux vannier du lieu était déjà à l’ouvrage. Tous les jours quelques chats errants des environs, se donnaient rendez-vous et s’installaient tranquillement à ses pieds. Pendant qu’il tressait de ses doigts agiles les brins d’osier pour fabriquer des paniers à chat, le vieil homme s’adressait parfois à cet auditoire improvisé et silencieux :
Vous savez, il y a plusieurs années j’ai quitté Cordes sur Ciel, pour bourlinguer à travers le monde. L’une de vos congénères, d’un beau noir de suie m’accompagnait. Ses yeux couleur mirabelle suivaient chacun de mes mouvements. Un soir d’été, son pelage s’est fondu dans la nuit, me laissant orphelin de sa présence fidèle. Toutes mes recherches furent vaines et je suis revenu ici.
Chacune de mes pensées quotidiennes lui donne vie. Je lui prépare tous les jours un panier pour qu’elle puisse se reposer de ses errances et je l’attends…

Texte 4 :
Le ciel véritable brasier, léchait de ses flammes les dernières minutes du jour, avant de disparaître dans le lac profond.
Les anciens se souvenaient bien de Savines, ce village englouti sous les eaux du barrage de Serre-Ponçon. Mais celui qui avait le plus d’histoires à raconter, c’était bien Ernest le fossoyeur, celui qui toutes les nuits parcourait les rives du lac, pour discuter avec les morts ensevelis, dont il ne pouvait plus entretenir les tombes immergées.
Vous qui viviez paisiblement dans ce cadre bucolique, vous qui en avez remué comme moi, chaque grain de terre, ôté tant de cailloux pour en faire des terres cultivées, sur lesquelles vous pensiez raisonnablement finir vos jours en paix au milieu de vos ancêtres, votre dernier regard a été noyé sous des tonnes d’eau, pour faire de ce lieu idyllique un lugubre paysage  de béton et de puits sans fond.


Texte d'EVELYNE :

Le ciel était un couvercle soudé à la mer par l’horizon d’écume. La pluie inlassablement repeignait d’un gris uniforme le décor délavé. Seul, le phare de la pointe élevait sa fière silhouette. Au loin, l’hôtel abandonné avait perdu de son orgueil.
Le bleu dans les yeux, Loïc tenait la barre du « Penn Ar Bed ».
Chaque jour on pouvait le voir quitter le port pour arriver avant le soleil en peine mer ; une renaissance quotidienne. Sa famille à lui c’était les sirènes de l’île, les déesses sous-marines. Elles lui racontaient les grands voyageurs, les naufragés et les rêves de tous ceux qui hissent les voiles.
Chaque jour, du coin de l’œil, on guettait sa silhouette au détour de la balise.
Sa pêche déchargée, tout le monde l’attendait au café du port.
Habitués et badauds initiés, avaient pris place devant un verre, l’air de rien, suspendu à un souffle…
Loïc poussait la porte, le temps s’arrêtait - Kenavo ! les paroissiens !!
Sa voix tanguait sur la houle. La mer s’ouvrait.
Tous les moussaillons du bistrot baissaient pavillon, les yeux au sol, honteux d’être restés à terre si longtemps.
- Sortez les pieds de la boue !! Hissez les voiles !! Sur la mer la terre bouge, ne restez pas en cale sèche ! Moussaillons embarquez ! –

Le vent du large balayait le comptoir. On larguait les amarres, Loïc tenait la barre.



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