24/11/2014 Anadiploses

Incursion chez les Lechou par le biais des anadiploses et autres concaténations.

Texte de SUZANNE

Madame Lechou ne fond en aucune façon devant les pâtisseries sirupeuses de son Bouddha de mari. Mari qu’elle aurait préféré d’ailleurs, un peu moins rondouillard. Ses paroles onctueuses dégoulinantes de miel, miel qui englue chacun de ses gestes, ont anéanti à tout jamais, l’image initiale de celui qui avait su la séduire il y a 20 ans, qui lui donnerait de beaux enfants, enfants qu’elle n’a pas eus. Bref, l’image d’un homme empreint de virilité. Virilité, le charcutier du bout de la rue n’en manque pas lui !

Fièrement dressé entre ses rosettes et ses jambons suspendus au plafond, il tâte fermement, celui qu’il va vous vendre, avant d’en trancher la ficelle d’un coup sec, de son couteau aiguisé. Puis il l’enveloppe sans chichis dans un papier métallisé. Point de ficelle terminée par un nœud harmonieux, seulement les deux bouts froissés énergiquement. Ses gestes sont précis, vifs, vifs et agiles, agiles et prompts.

« Et avec ça ? » demande Monsieur Ledru aux cheveux taillés en brosse.
On est loin des paroles mièvres : « Ma petite dame, encore une douceur ? » de Monsieur Lechou secouant ses boucles blondes.

Madame Lechou regarde tristement sa vitrine. Vitrine identique avec ses gâteaux alignés en rang d’oignons depuis des années. Années qui se sont écoulées sans qu’elle s’en rende compte. Le compte de ses gestes immuables, elle ne l’a jamais fait. Cela l’attristerait encore plus !

C’est décidé ! Noël est dans 8 jours, elle va préparer une vitrine de fête, tout en volumes.
Tout en fredonnant une chanson de Patachou, Madame Lechou commence par créer une forêt d’éclairs piqués sur les branches de sapins en plastique. Au pied des sapins-éclairs, elle dispose des champignons de meringue. Puis elle forme de jolies boules de mini-choux multicolores. Dans un coin, elle installe une crèche en nougatine surmontée d’une étoile en sucre filé adroitement fabriquées par Monsieur Lechou. A l’intérieur, le bœuf et l’âne en pâte d’amande, ainsi que le petit Jésus, veillé par 2 religieuses représentant Marie et Joseph. Une farandole de gâteaux de soirée parés de leurs plus beaux atours, se présente devant la crèche. Des têtes de nègre en forme de hérissons, des moutons en sucre, des mini poules en chocolat, une multitude de sujets en pain d’épice ou en massepain, complète cette pastorale, saupoudrée d’une fine pellicule de sucre glace du plus bel effet.

Tous les enfants du quartier s’arrêtent éblouis pour contempler la vitrine, derrière laquelle trônent les yeux brillants de joie, de Monsieur et Madame Lechou réunis.




Texte de JOËLLE


Maitre Lechou, artisan d'amour

A proximité du pâtissier, le fromager, maitre Reblochon. Tout en rondeur et délicatesse, il regarde ses fromages avec les yeux énamourés d'une jeune fille. Il les tourne, les retourne, les hume, les caresse, rehausse leur charme avec des parures de fruits aux couleurs vives, en parle avec fougue, les présente, les décrit, vente leurs qualités et leurs mérites à tous ses clients. Il est magnifique à voir, plein de verve et d'amour.
Maitre Lechou et maitre Reblochon se comprennent. Ils ont une même affection pour leur métier. Une amitié solide les lie.
Madame Lechou et madame Reblochon se regardent en chien de faïence. Sourire figé d'un côté, sourire narquois de l'autre, lèvres pincées d'un côté, lèvres serrées de l'autre.
Pas un mot, pas une phrase plus haute que l'autre, simplement la politesse.
Une politesse glaciale, une politesse froide comme ces deux glaçons.
Il faut dire qu'elles étaient sorties du même moule, pas un moule à pâtisserie, ni un moule à fromage, non!

Elles avaient la même mère, on l'appelait "l'Iceberg", sa profession? Marchande de glaces.

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