27/04/2014 Une journée en compagnie de Max Jacob

Surréaliste, poète cubiste, Max Jacob a laissé une oeuvre atypique, parfois hermétique mais transie de sensibilité.


I/ Réécritures de Confessions de l'auteur son portrait en crabe :


FRANCINE :

Dans la rosée déposée
Il ouvre sa coquille
Lisse ses ailes - pétales de fine dentelle,
Etire ses élytres aux rayons qui brillent.
Enfermée dans ma carapace
Je m’ouvre aux horizons austères
Comme poète en habit vert
J’accueille dans mes bras l’inconnu.
De ses pattes griffues et poilues
Il s’accroche à l’arbre de vie
Sur ses gardes – toujours aux aguets
Il frétille aux lumières du jour.
J’ai la force et la destinée
De l’insecte, scarabée d’or
Mon dos absorbe les coups du sort
Et me terre quand la fronde gronde.
Je me noie dans les flaques immondes,
Mais toujours tenace et têtue
Mes pattes agrippent les branches
Et je tombe au fonds du puits.
Le scarabée ouvre ses ailes
Il affronte les éléments
Comme lui j’ai le cœur qui chavire,
Les yeux aveugles, blessée aux dires,
Mes pas hésitent, s’ancrent, s’étirent.
Je résiste fidèle aux serments.
Je passe invisible et nue
Dans le grand livre du temps
Je ne suis hélas ingénue
Mais je luis aux reflets du vent.



JOËLLE :

Comme lui je me sens multiple.
Sa gueule de Dragon, sa puissance et mon feu,
nourrissent nos colères.
Dans son corps de Panthère, ses muscles crispés
roulent sous une échine tendue vers les caresses,
mais la peur aussitôt retrouvée,
le font, d'un bond, s'éloigner.
Comme lui, tour à tour,
pattes de velours
ou griffes en dehors,
j'attends, je guette ou je rejette.
L'animal mythique, de ses ailes déployées,
file vers sa liberté.
Pour moi, pas d'ailes à dérouler,
l'envol, le départ, je ne fais qu'en rêver.


II/ Kaléidoscope : 

Ecrire à la suite de l'incipit suivant :

« Tout avait l’air en mosaïque : les animaux marchaient les pattes vers le ciel sauf l’âne dont le ventre blanc portait des mots écrits et qui changeaient ».


TEXTE DE FRANCINE :

« Tout avait l’air en mosaïque : les animaux marchaient les pattes vers le ciel sauf l’âne dont le ventre blanc portait des mots écrits et qui changeaient ».
Les mots dodus, ronds comme des melons, se dessinaient, s’emmêlaient, se déformaient, devenaient images –miroir de colombes- et disparaissaient dans le pelage clair.
Les « je t’aime » « tu es belle » « mon ami » « mon amour » s’élançaient en farandole et se chantaient en cadence au carnaval des mastodontes. Le jeune girafon le cou tendu entre les pattes s’émerveillait du spectacle. Les antilopes fines mimaient les demoiselles. Le  tigre du Bengale fouettait l’air de la queue. Le lion majestueux, à l’endroit à l’envers, restait le roi incontesté, acclamé par les babouins à qui, bras dessus bras dessous, dans un sens ou dans l’autre le décor appartient.
Animal de sagesse l’âne gris -porteur de messages- avançait le sabot timide, humble bête au regard doux.
Immuable le marbre froid reflétait le défilée.
Notre innocent camarade gisait là, éventré. Les tripes encore chaudes se déversaient comme cascade rubiconde…
Naïve mosaïque, carrousel trompeur. De ton ventre meurtri s’envolait le bonheur.



TEXTE DE JOËLLE :


Tout avait l'air en mosaïque: les animaux marchaient les pattes vers le ciel sauf l'âne dont le ventre blanc portait des mots écrits et qui changeaient.
Couché sur le côté, pattes recourbées, il présentait son flanc, telle une ardoise, à la danse des mots sans suite effacés par la douceur d'un nuage ou les larmes de la pluie.
Des mots sans suite et répétitifs "gâteau, fleur, chantilly, fantôme, montagne..." et ça recommençait.

Les mouches promenaient leur ennui sur le plafond de verre et l'araignée tricotait dans son coin.  Tout ce petit monde regardait l'écran du ciel se refléter sur le ventre de l'âne endormi et restait médusé, les yeux exorbités et ça,  jusqu'à la nuit.

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