24/03/2014 Le portrait à la loupe

Décrire une personne en détail, c'est en dire parfois davantage sur elle que n'importe quelle narration.


Portrait proposé par MARIE-HÉLÈNE :


Hélène était une vieille femme revêche et immense aux cheveux jaunâtres, courts, frisés et ternes. Son torse était plat, ses épaules anguleuses. Elle punissait son corps sec sous de longues robes noires d’étoffe rude.  Ses mains diaphanes aux doigts nerveux s’agrippaient à une canne vernie. La pluie avait délavé ses yeux gris, froids et sévères. Altier, son visage ridé et émacié, aux lèvres fines et au nez péninsulaire jaillissait d’une chantilly de dentelle mousseuse mais aucun maquillage ne savait adoucir sa pâleur cendrée. Ses pieds, chaussés de lourdes bottines grandes comme des rames, bondissaient d’un océan de jupons immaculés. Elle brinquebalait sur les chemins  tel un vieil échassier fourbu.
Sa voix, cassante, était une averse de grêle et ne savait qu’ordonner.

L’été elle arborait fièrement un vaste chapeau de paille avachi et j’aurai voulu la planter au milieu du potager à la place du vieil épouvantail au sourire édenté.



Portrait proposé par SUZANNE :


André, dont le visage buriné laissait entrevoir deux yeux gris-bleu, vifs et perçants, se tenait légèrement voûté, comme tous les hommes longilignes et secs.

Il avait des mains délicates aux ongles nets, témoignant d’un parcours professionnel plus intellectuel que manuel. L’annulaire droit s’ornait d’une chevalière.

Toujours élégamment vêtu, il avait les gestes mesurés de celui qui sait prendre le temps de la réflexion et des manières raffinées, mais non affectées. Il était séduisant, empreint d’un charme ineffable.

Le bas de son visage imberbe, était barré de deux lèvres minces s’étirant sur un perpétuel sourire bienveillant. Ses cheveux gris coiffés en arrière,  dégageaient son front. Son regard malicieux, apportait une certaine jeunesse sur sa peau mate de vieux loup de mer, sillonnée de rides.

Le rituel était immuable.

Bien calé au fond de son fauteuil club de cuir patiné, il vidait consciencieusement sa pipe, à l’aide d’un cure-pipe. Puis, avec lenteur, les yeux mi-clos à la recherche des mots qu’il allait nous offrir en partage, il la bourrait de tabac gris, qu’il tassait et dont il jaugeait la quantité d’un index expert. Ensuite il craquait une allumette, qui dans un éclair figeait la scène, tout en faisant grésiller les brins de tabac. Enfin, creusant les joues à l’extrême, les lèvres serrées sur le tuyau de la pipe, il aspirait goulûment à grandes lampées. Le fourneau, véritable brasier, en devenait incandescent.

Sa voix grave, mêlée de l’accent chantant du Sud, colorait chacune de ses anecdotes, parfois déjà entendues, d’un éclat particulier. Captivés, nous l’écoutions bouche bée.



Portrait proposé par JOELLE :


Tout d'abord il ya la cour faite de terre battue où outils, vieux morceaux de bois et fleurs désespérées se battent l'espace. Sous un petit porche une balançoire archaïque faite de bric et de broc nous tend ses bras de cordes. C'est là que j'aime me retrouver tranquille, en sécurité.
Elle, je la vois vieille du haut de mes quatre ans, des cheveux plus sels que poivres serrés dans un chignon sur la nuque, une blouse sombre à petites fleurs, portée par toutes les femmes, enchainées par des deuils successifs et la taille serrée d'un éternel tablier noir, protection et essuie mains à la fois.
Le visage, une vieille pomme toute ratatinée percée de deux perles rieuses et fanées. Sa bouche chantonne les complaintes de son Italie natale, pendant que ses mains s'activent.  Bien stable dans ses sandales en cordes, ni chétive, ni trop ronde, elle vous rassure au passage,  d'une caresse ou d'un sourire.
Elle n'a jamais eu d'enfant ou alors c'était il y a bien longtemps et ils ne sont plus là, ou alors je ne le sais pas. Dans sa cuisine, je suis la reine surtout lorsqu'elle me concocte des gratins de purée et qu'elle trace mes initiales sur le dessus avec les dents d'une fourchette.
Ce n'est pas ma grand mère, je ne suis pas de sa famille, mais elle est là pour nous.
Ses mains sont tavelées et rêches, mais ses caresses les rendent douces, sa voix est chevrotante mais chaude comme le soleil de son pays quand elle nous raconte ses histoires d'il y a longtemps et son cœur,... son cœur est tendre comme un caramel fondant sur la langue.


Je sais qu'elle m'aime et je suis bien. 

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