28/01/2014 La Quête

Dans La servante du seigneur, Jean-Louis Fournier cherche sa fille.

Cette quête nous entraîne dans une langue labyrinthique où la métaphore file le train à l’expression avec un certain style.

« Je suis retourné à l’endroit où je l’avais laissée, elle n’y était plus. J’ai cherché partout. J’ai fouillé les forêts, j’ai sondé les lacs, j’ai passé le sable au tamis, j’ai cardé les nuages, j’ai filtré la mer… »



Texte de MARIE-HÉLÈNE :


Partout ! J’ai cherché partout.

J’ai peigné les buissons, j’ai déroulé les escargots pour regarder au fond de leur coquille, j’ai creusé les rochers, j’ai enfilé les tunnels, j’ai fureté dans les grottes, j’ai branché les lucioles, j’ai percé l’obscurité, j’ai humé le vent, j’ai épluché l’écorce des arbres, j’ai fouillé les nids, j’ai enlacé les cascades, j’ai délité les rivières, j’ai gratté l’horizon, j’ai clarifié les sources, j’ai emprunté mille chemins, j’ai crié, j’ai pleuré, j’ai asséché des puits sans fond, j’ai bousculé la lune, j’ai tangué sur le fil des falaises comme un funambule, j’ai inventé des ombres, je me suis perdue dans le dédale de monts de pitié, j’ai éclairé les ravines avec un filament d’étoile, j’ai aperçu un reflet, j’ai cessé de respiré, j’ai fermé les yeux, j’ai entendu un murmure :


« Ah bah quand même ! J’ai failli attendre ! »


Texte de JOELLE : 



J'ai fouillé la forêt, j'ai reniflé les feuilles mortes, j'ai dépêtré les cailloux, j'ai ébouriffé les arbres, j'ai retroussé les ronces. Je n'ai rien trouvé.

J'ai désossé l'armoire, j'ai purgé les tiroirs, j'ai tourneboulé les matelas, j'ai écorché la tapisserie. J'ai cherché partout.

J'ai vidé mon sac, j'ai étripé la doublure, j'ai tarabusté papiers et portefeuilles. Je n'y ai rien vu.

J'ai fouaillé la botte, j'ai supprimé brindilles après brindilles, j'ai anéanti ce monde végétal. Je n'ai encore rien trouvé.

Chercher une idée quand tout à été dit... c'est vraiment trop difficile !


Texte de FRANCINE : 

J’ai démêlé les écheveaux des routes
J’ai aplani les dômes des vallées
J’ai fracturé les pierres de basaltes
J’ai labouré l’or des champs des poètes
J’ai déraciné les bosquets d’épineux
J’ai essouché les mousses des grands arbres
J’ai dénervé les feuilles du vieux chêne
J’ai décapité les glands jonchant le sol
J’ai effeuillé les tendres violettes
J’ai asséché les perles de rosée
J’ai foré les humus fertiles

J’ai libéré les rêves oubliés…


Texte de SUZANNE :



 … J’ai escaladé les plus hautes montagnes, scruté la moindre anfractuosité, passé au peigne fin jusqu’aux plus sombres grottes, nivelé au passage les stalactites et stalagmites. J’ai arpenté jusqu’aux plus petits chemins de terre, enjambé des buissons épineux, fouaillé les ronces, labouré les ornières. J’ai dévalé les torrents impétueux, provoqué des geysers à l’aide de ma pagaie, sassé le limon des rivières. J’ai arpenté la forêt sans relâche, interrogé sans réponse, le chêne sage ou le lierre crampon.  J’ai consulté les oiseaux. J’ai battu la campagne. J’ai envoyé des signaux aux nuages, me suis connecté directement à la voie lactée.

J’ai cherché, cherché sans fin. Mais elle était partie.

Infatigable, j’ai questionné mon entourage, passé au crible les photos de mes ancêtres, disséqué leurs écrits et leurs paroles. J’ai enquêté auprès de savants, dévoré des monceaux de livres, assisté à moult conférences. J’ai déambulé des heures, erré dans les moindres recoins, pour ne laisser aucune place au vide,  à l’ignorance, à l’absence. J’ai forcé les arcanes de mon cerveau, pour ne point retrouver ma raison perdue. Seule la folie m’accompagnera jusqu’à mon dernier souffle…


Texte de MISTRALINE


J’ai démêlé les ronces, peigné les champs, éclaircie les bosquets et décroché le lierre.
Je ne t’ai pas trouvé.
J’ai dragué le lit des fleuves, essoré chaque cours d’eau, clarifié les océans et égoutté les lagunes.
Là non plus, je ne t’ai pas trouvé.
J’ai tamisé la foule, séparé les genres, chiné les regards, fouillé les sourires… le tien n’y était pas.
J’ai mis à nu tant de pays et déshabillé tant de villes… J’ai parcouru toutes les langues et traversé mille coutumes.
J’avais l’espoir de te trouver.
J’ai brisé des remparts, arpenté des coursives, sondé des oubliettes et mis les puits à sec. Mis à sac mes royaumes et pillé mes campagnes, dévasté ma demeure et saccagé mon temple.
Nulle part je ne t’ai trouvé.
Alors, j’ai détroussé la lune, égrené les étoiles, pourchassé le soleil, démailloté la voie lactée et vandalisé le cosmos.
En vain.


Peut-être que le bonheur, c'est tout simplement le chercher ?


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