19/01/2014 A la manière d'Ahmed Kalouaz et Raoul Lambert

1/ Depuis que j'ai découvert Ahmed Kalouaz, je savoure sa prose !

C'est la raison pour laquelle nous allons marcher dans ses pas aujourd'hui. A partir du texte "Basilique" nous allons essayer de pasticher son style ! La langue de Kalouaz distille une prose poétique, grave et légère, déconcertante et percutante. 



Depuis des années, Ahmed Kalouaz sillonne la France, invité par les libraires et les bibliothécaires. Ainsi est née l’idée d’écrire durant une saison un texte après chaque rencontre.
Cet ensemble de textes est intitulé : Paroles buissonnières

Texte source :

Basilique

Basilique dans la brume, alors que la foule en liesse monte vers la colline.

En bas, la ville au ras des vies des hommes, avec ses cris du bout des nuits, ses femmes qui dessinent sous leurs yeux les contours du jour nouveau, geste éperdu d’amour.

En haut, il est l’heure de la prière sous les flèches, la ferveur qui emporte à travers ciel des prières, des lambeaux d’espérance. Ceux qui croient au mystère posent genoux à terre, murmurent ce prénom de Marie, reine des lumières.

En bas sous la colline de Fourvière, encore le pas sur les pavés, d’âmes en dérive emportées par le flot des vignes du seigneur, loin du ciel et de ses grâces, loin des fastes et de la fraternité, simplement seuls, avec si peu d’espoir dans le regard.
Le jour se lève sur la ville, deux fleuves enserrent les derniers rêves de ceux qui tirent le rideau sur un nouveau jour.

Le jour se lève, et le merle chez nous, entonne déjà un chant, pendant que tu fredonnes : « Dis, quand reviendras-tu ? Dis au moins le sais-tu ?... »



Pastiche de Joelle

Sémaphore accroché à la colline, alors que la brume sournoise grimpe lentement.

En bas, la cité aux murs colorés et ocres, avec ses mouettes facétieuses qui écrivent aux mats des bateaux leurs danses arabesques, mouvement  perpétuel et cacophonique.

En haut, le moment est venu d'éteindre les lasers qui lancent à travers  ciel des signes d'alarme. Moment paisible entre départ de la nuit et arrivée de la lumière.

En bas, sous la corniche, le premier flot de touristes  étale serviettes et paillasses loin des soucis de la vie, seuls face à la grande bleue tranquille.

La matinée s'avance, le soleil et la mer enserrent les corps dénudés  qui se laissent caresser.


La matinée s'avance et le ressac murmure un air qui bourdonne dans ma tête: " la mer qu'on voit danser le long des golfes clairs..."


Pastiche de Laetitia :


Madone au point du jour, alors que les enfants grimpent au milieu des pins.

En bas, le village au sol rouge, avec cette mélodie du réveil, ces modeleurs de terre qui sculptent sous leurs mains les courbes d’un nouvel art, adagio du tour.

En haut, la forêt se réveille sous les premiers rayons lumineux, les éphémères gouttes du matin entament leur lente disparition. Seuls les bruits des promeneurs à la foulée régulière viennent ponctuer cette douce symphonie, concerto matinal

En bas, sur la place du marché, ces hommes et ces femmes aux gestes mille fois répétés, s’agitent au son de leurs voix, les uns crient, les autres rigolent. Ce grand orchestre n’attend plus que son public pour donner un sens à cette cacophonie joviale.

Le jour se lève sur le village, le rythme régulier du jour reprend sa place sur celui plus silencieux de la nuit.


Le jour se lève, et les enfants répètent en boucle « Formidables, nous étions formidables ! Formidables… »



Pastiche de Francine:


Hauts fourneaux dans la touffeur, alors que les métallos musclés suent auprès des brasiers.

En bas l’atelier avec ses flammèches d’étincelles, ses hommes qui portent à bout de bras les coulées d’or, geste auguste de bravoure.

En haut, la fumée sous pression, le nuage qui emporte vers les cieux l’espoir, les rêves d’illusions. Ceux qui n’en peuvent plus essuient leurs aisselles dégoulinantes, ahanent la souffrance, triste lamentation.

En bas, vers le fleuve, accroché à la colline, corps meurtris par le travail, loin de la sinécure des cols blancs et de leur arrogance, loin des ronds de cuir et des vastes bureaux, simplement ouvriers avec si peu de souffle.

Le jour se lève sur la ville, la Loire et son brouillard gonfle ses rivages de bourbiers en colère.

Le jour se lève, et la bise tournoyante aiguise un chant, qui mélancoliquement fredonne « on n’est pas d’un pays, mais on est d’une ville….. »



Pastiche de Suzanne :

Buron, ombre chinoise qui se découpe sur l’aube naissante, au sommet de la colline.

En bas, les femmes aux traits tirés, s’extirpent à grand peine, de leurs rêves embrumés et se rassurent par des gestes quotidiens, avec au fond du cœur, le désir d’un jour meilleur.

En haut, le berger comme ses vaches, s’ébroue. Planté devant sa porte, face à l’astre montant, libre, le corps et le cœur emplis de joie, il savoure le silence et la paix, en totale harmonie avec la nature qui l’entoure.

En bas, la vie reprend ses droits peu à peu. Sous le joug  de leur nouvelle journée de labeur, les hommes et les femmes courbent l’échine, le regard morne empreint de désespérance, dans la grisaille et l’humidité tremblotante du petit matin.

Le jour se lève et déchire définitivement les lambeaux de nuit.

Le jour se lève et l’alouette s’envole gaiement et nous dit : « d’aller siffler là-haut sur la colline… »


Pastiche d'Evelyne :


Basilique sous le soleil, alors que les touristes s’agglutinent vers l’entrée.

Sur le parvis, Paris et ses citadins dessinent le tracé du quotidien à pas comptés et rapides, rituel affairé et solitaire.

A l’intérieur, le temps s’est arrêté, l’ombre du silence impose le respect. Les appareils photos orphelins de lumière dévorent la lueur des cierges, sentinelles de la  ferveur.

Dehors, au loin, cour des miracles à la dérive, les naufragés du quotidien ont trouvé refuge sous les ponts de la Seine.

Le jour s’achève, le soleil embrasse les façades pour une dernière séance photo et abandonne les coins sombres aux coulisses du théâtre de la rue.

Le jour s’achève et sur une scène improvisée l’artiste assoiffé d’un public amoureux entonne son air favori : « Si par hasard, sur le pont des Arts, tu croises le vent, le vent fripon, Prudence, prends garde à ton jupon ! »







2/ Dans le Dicodingue de Raoul Lambert (Journaliste et écrivain Toulousain 1925-1994), nous retrouvons la saveur de l’impertinence, le goût des audaces langagières, le bonheur des inventions et le simple, le revigorant plaisir de rire !

L'humour lambertien est celui d'un Mark Twain, d'un Alphonse Allais, d'un Raymond Queneau, d'un Boris Vian, d'un Dac, ou d'un Prévert. C'est le meilleur des antidépresseurs.

Nous allons donc nous amuser à détourner les mots ! Voir, à leur attribuer un nouveau sens, jusque-là confidentiel...


Extrait du dicodingue de Raoul Lambert :

 « L'abeille butine, le gaz butane. »

Carpe Diem : chez les romains, jour de l’ouverture de la pêche à la carpe.

Bises : baiser froid

Chat : petit mammifère domestique vivant dans les trous d’aiguille

Pneumonie : inflammation du pneu

Grille-pin : pyromane

Soutien-gorge : abribuste

Texte dingue d'Evelyne :


Normalité se lève et secoue sa serviette de plage ; elle rouspète toute seule « pff ! encore un instantané et me voilà transformée en écrevisse ! »

Elle qui se voyait déjà la Reine des gros lots, la fée'tiche des soirées d’été. Elle s’en va en trainant ses sandales avant de croiser les plagiers de midi.

Mais où sont passées les copines ? Celles qui slalom tout l’après-midi à la terrasse du « café des flots bleus » ? Elle reconnaît tout à coup cet intempestive similitude, ce sentiment si familier.


Le moral en berne elle sait qu’encore une fois elle ira se faire pouponey par Gérard qui lui a offert ces vacances au camping municipal.



Texte Dingue de Suzanne :

Normalité sur son transat, en compagnie d’autres plagiers, regarde défiler d’un œil méprisant, les  gros lots sur la plage, en bordure de mer.

Depuis quelques temps, elle n’est plus la fée'tiche de la bande, qu’elle ne rejoint même plus le soir au bar Mitzva. Elle n’est plus la reine de la nuit, celle qui faisait rimer danse et insouciance, rires et plaisirs.

Elle se contente donc de vivre l’instantané sous le soleil implacable.

Elle n’est plus toute jeune, 30 ans !!! Elle doit maintenant utiliser tous les moyens à sa disposition  pour otage.  Ce matin par exemple, avant de partir pour la plage, elle a testé un trucage, vieil instrument de sa grand-mère, pour améliorer l’aspect de ses orteils, en faisant un raccord.

Sa grossesse débutante lui provoque tous les matins des nauséabond, qui la laissent exsangue. Pour l’instant, elle préfère taire son état à son entourage, le nier et se condamne ainsi au mutisme, à la similitude.

Bien sûr, elle n’en a pas informé le principal intéressé, son partenaire du moment, de caractère impulsif, qui lui répond toujours pas des morale, de peur qu’il ne la traite aussitôt de loufoque et ne l’expédie sur la banquise pour une durée indéterminée.

Elle aime trop le soleil !


Texte dingue de Francine :


Dès qu’il eut déversé malencontreusement la tintamarre, le parlementier saisit son interminable et, malgré l’intempestif ambiant, ameuta la résidence.

Le loufoque dont la similitude était boudée par les plagiers, avait pris son ramequin.

Sous les slaloms des gros-lots, il s’éloignait de la bimboloterie

Les habitués du bar-mitsva se faisaient pouponey ou tamponez près de la normalité.


Sous l’instantané, le fougueux dégrisé prit son trucage sous le bras et, bien qu’otage à son avantage et néfaste il y a bien longtemps, son raccord le distinguait.

La cornemuse en bannière, il déclama des morales devant les sociétés et éducation à tue-tête « café café, rendez-moi monnaie…. ! »

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