30/09/2013 Cantilènes en gelée

Le génial Boris Vian se savait condamné lorsqu'il a composé "Cantilènes en gelée". A notre tour, nous allons marcher dans ses pas et essayer d'anticiper, de nous projeter, tout en déployant notre sensibilité.
C'est un exercice qui ouvre le champ des possibles avec une pointe de surréalisme et un soupçon de poésie.


Texte de JOËLLE :


Je voudrais pas,
je voudrais pas trépasser
Sans découvrir l'Atlantide
Alanguie au fond d'un océan,
Sans voir du toit du monde
Notre planète bleue
Sans connaître les coulées d'or
Au cœur d'une ruche
Telle une reine des abeilles.

Je voudrais pas m'éteindre sans
Admirer les cerisiers en fleurs du Japon
Emplir mes yeux du feu d'artifice des aurores boréales
Parcourir le monde en montgolfière
Me promener en brousse à dos d'éléphant,
Plonger avec les dauphins au cœur de l'océan.

Je voudrais pas quitter ce monde sans
Connaître les petits hommes verts
Savoir quand sera la fin du monde
Avoir découvert la vraie recette pour maigrir,
Avoir décrété la semaine des quatre jeudis,
Avoir touché du doigt les étoiles d'argent,
Détenir la vérité.



Texte de SUZANNE :


Je ne voudrais pas mourir,
Sans avoir vu le monde,
Sous tous les angles.
Du haut d’une montgolfière,
Juchée sur un éléphant,
Par le prisme d’un train de luxe,
Fendant la mer sur un off-shore,
Assise au sein d’une tribu perdue.

Je ne voudrais pas disparaître,
Sans comprendre le langage des oiseaux,
Ne plus me cogner dans le noir,
Ceinte du radar des chauves-souris,
Eviter les embouteillages,
Perchée sur un aigle royal,
Me téléporter à souhait,
Avec la gaieté d’une cigale.

Je ne voudrais pas m’éclipser,
Sans connaître à la fois,
La voiture sans chauffeur,
Les caddies autotractés,
Les tondeuses autonomes,
Le poisson sans odeur,
L’eau qui ne gèle jamais,
Et le froid qui réchauffe.

Je ne voudrais pas m’éteindre,
Sans avoir acquis pour toujours,
La grande sagesse des Raikis,
Sans que mon âme libérée,
Fasse enfin ce tour du monde,
Serrée dans le bec d’une colombe,
Au dessus d’une farandole,
Unissant les hommes d’un pôle à l’autre.


Texte de LAETITIA :


Je n’voudrais pas crever
Sans avoir connu
Le pays des vaches sacrées
Aux chemins de sagesse
Les lions de la plaine
Et les Hommes de la savane
Les Etats d’Amérique
Au milieu de l’Antarctique

Je n’voudrais pas mourir
Sans qu’on ait repensé
Les limites des mers
Les frontières des étoiles
Le commerce sans mitraille
Le pouvoir sans l’Homme
L’Homme sans pouvoir
La colombe perpétuelle

Je n’voudrais pas partir
Sans montrer à nos enfants
Ces chemins reformés
Où le chien et le chat
Partagent le même nid
Le singe aux yeux curieux
Aux oreilles attentives
Et au langage merveilleux



Texte de MARIE-HÉLÈNE  :


Je voudrais pas crever
Avant d’avoir parcouru
Les landes de la lune
Enfourché une mouette
Pour voler vers les étoiles
Et me poser sur un rocher
Et d’être un poisson clown
Pour faire rire les sirènes

Je voudrais pas mourir
Sans qu’on ait inventé
Le cœur artificiel
A l’amour éternel
Les lunettes chantantes
Qui guident les aveugles
Les chaussures électroniques
Pour ne plus se perdre la nuit

Je voudrais pas disparaître
Avant d’avoir connu
Les champs verdoyants
Au creux des déserts
Les foules bigarrées
De nomades sédentaires
Les enfants rassasiés
Et les bombes se taire

Je voudrais pas être enterré
Avant qu’on ait inventé
La mode démodée
L’eau sèche pour se laver
Les tissus autonettoyants
Les avions sans kérosène
Les montres sans heure
Le temps arrêté.

Je voudrais pas crever
Avant d’avoir rencontré
Le Petit Prince et son renard
Alice et ses copines
Sophie et ses malheurs
Un tapis volant troué
Avec les quarante voleurs
Au-dessus d’une mer déchaînée.

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