20/10/2013 Du côté de Brassens et Brel...

En ce dimanche orageux, nous voilà une fois de plus réunies au vieux café d'Aniathazze pour un dimanche d'atelier d'écriture haut en couleurs.

Pour démarrer, une petite consigne dont la clef de voûte sera la faim, avec une phrase imposée tirée du recueil de récits gastronomiques (succulents) de Bulbul Sharma : La colère des aubergines.



1/ Les affres sans fin de la faim


Fragment de Francine :

L’orage grondait sans fin. Le ciel obscurci se plombait de gris et les nuages s’amoncelaient en écharpe épaisse.
Depuis de longs jours, Moïse sur son rocher embarquait sans compter les élus représentatifs pour le grand voyage au-delà de la fin du monde.
La faim tiraillait les estomacs. La gorge sèche et la bouche pâteuse, le cerveau tanguait tant il était alangui. Les crampes, les spasmes, les affres sans fin de la faim, l’odeur seule du feu de camp attisait la souffrance.
La disette était venue si vite. La famine qui régnait dans le campement titillait les fringales et aiguisait les crocs. La nuit, Moïse rêvait de rôtis saignants, de plats savoureux et dégoulinant  de sauce. L’estomac dans les talons, il claquait du bec aux effluves suaves des viandes grillées à point dont le fumet chatouillait ses narines.
Il était affairé à l’installation des girafes quand brusquement une idée fondit sur lui avec une telle force qu’il dut prendre appui sur le robinet pour ne pas tomber. Les animaux, ces êtres nobles, ses protégés, eux aussi crevaient la dalle. Pourquoi les faire jeûner. Leur chair était encore tendre et fraîche. Dans sa grande mansuétude, le seigneur l’a choisit lui, Moïse, pour veiller sur son troupeau, le guider. Il devait donc survivre, et surtout manger ! Dieu lui a laissé un garde-manger ! …
Il commencerait par les plus nuisibles. Les escargots qui dentelaient les salades. Le jeûne est écoulé. Ce soir dans la marmite ils seront savoureux !
Le ciel se déchaîne. Un relent de persillade embaume le camp. Moïse se frotte la panse de satisfaction. Noé et Jézabel seront rassasiés. Ce soir ils vont faire bombance, ce soir ils vont se gaver !


Fragment de Joëlle :

La tête lourde, un tiraillement permanent dans l'estomac, des papillons devant les yeux, elle n'en pouvait plus, la douleur était trop intense. Plusieurs fois déjà, au bord du malaise, elle avait appelé le ciel à son aide. La tête vidée de toute pensée, un seul mot tournait à l'infini dans son cerveau fatigué: "manger...manger...manger..."
Elle avait tout essayé, les racines terreuses, les insectes craquants et croquants, il lui avait fallu se morigéner avant de se décider à avaler, mais la faim avait gagné .
Au début, c'était une petite faim vite calmée par des images fumantes de poulets rôtis, puis une faim de loup et  maintenant une faim dévastatrice. Elle sentait sa bravoure et son espoir s'effilocher au fil des heures, bientôt elle n'aurait plus de force ni physique, ni morale.
Debout, trébuchante, une moiteur froide sur tout le corps, elle passait méthodiquement sur la muraille ocre et gluante ses mains  à la recherche d'une ouverture, mais rien, elle tournait et tournait encore, rien,  quand brusquement une idée fondit sur elle avec une telle force qu'elle du prendre appui  sur le robinet pour ne pas tomber.
-  "Et si ce n'était qu'un cauchemar?".
Elle ouvrit brusquement les yeux sur un décor qu'elle ne connaissait pas, les mains gluantes de sang. La perfusion pendait lamentablement dans le vide pendant que son sang s'écoulait lentement sur les draps.

- "Que m'est-il arrivé??"


2/ Imiter, capter, pasticher

Nous avons calqué, pour le plaisir de mettre nos pas dans les siens, une chanson de Georges Brassens.
Essayez de retrouver laquelle... (Réponse à la fin du texte)


Pastiche de Francine :

Avec son balai sur l’épaule
Avec son clope derrière l’oreille
Avec son clope derrière l’oreille
Avec sa moustache en corolle
Il allait curer les venelles

Brave Justin Garde champêtre
Joue des gambettes joue du tocsin

Pour enjoliver son midi
De l’Estaque jusqu’au Ponant
De l’Estaque jusqu’au Ponant
Il balayait les avenues
A s’en donner jusqu’à l’ennui

Brave Justin Garde champêtre
Joue des gambettes joue du tocsin

Un sourire triste sur les lèvres
Derrière sa moustache poivre et sel
Derrière sa moustache poivre et sel
Ses yeux doux, regard de ténèbres
Et ses bajoues de sauterelle

Brave Justin Garde champêtre
Joue des gambettes joue du tocsin
Et quand l’apéro lui fait signe
Que c’est l’heure à midi tapant
Que c’est l’heure à midi tapant
De son béret le seul insigne
Au café tous se regroupant

Brave Justin Garde champêtre
Joue des gambettes joue du tocsin

De son béret le seul insigne
Au café tous se regroupant
Au café tous se regroupant
Le pastis est la seule boisson
Pour le gosier bien étouffant

Brave Justin Garde champêtre
Joue des gambettes nectar divin !


Pastiche de Joëlle :

Pauvre Carabosse

Avec son châle sur l'épaule,
Avec le rire grimaçant
Avec le rire grimaçant
Avec le cœur empli de hargne,
Elle s'en allait en ricanant.

Pauvre Carabosse, pauvre sorcière,
Meurt la jeunesse, meurt le printemps.

Pour se chercher un seul ami,
Dans sa robe à grands volants
Dans sa robe à grands volants
Elle s'envolait sur son balai
Dans tous les cieux, dans tous les vents.

Pauvre Carabosse, pauvre sorcière,
Meurt la jeunesse, meurt le printemps.

Vous pouvez voir sur son visage
Ni regard doux, ni regard franc,
Ni regard doux, ni regard franc,
Elle effrayait même les enfants,
toujours méchants, toujours méchants.

Pauvre Carabosse, pauvre sorcière,
Meurt la jeunesse, meurt le printemps.

Et quand le sort lui a fait signe,
Elle volait contre le vent,
Elle volait contre le vent,
Elle soulevait sa robe brune,
On aurait dit un cerf volant.

Pauvre Carabosse, pauvre sorcière,
Meurt la jeunesse, meurt le printemps.

Elle cacha sa grande bosse
Sous son grand châle retombant
Sous son grand châle retombant
Elle lui fit un grand sourire
Croyant que c'était le prince charmant.

Pauvre Carabosse, pauvre sorcière

Vive la lumière, vive les gens.

(La chanson pastichée était Pauvre Martin)


3/ Anadiplose ou concaténation ?

Quésaco ? Une petite figure de style, un brin vicieuse, comme il se doit. Il s'agit de reprendre le dernier mot de la phrase précédente pour créer une anadiplose. Mais pour une concaténation, il faut le reprendre plusieurs fois.

Exemple :

"Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le coeœur à marée basse"

Jacques Brel, Le Plat Pays

Concaténation de Francine :

Des brassées d’organdi tout au fond de son sac
Et des sacs de perles qu’elle avait mis à sac
Et des sacs en papier pour éviter les fuites
De tous ces gens de sac, hélas, étaient en fuite…


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