25/02/2013 Road Movie culinaire

Un petit exercice qui voit défiler les saveurs de la vie sans s'y appesantir !



Road Movie de Joëlle :

Je me souviens du jardin de mon grand père une fin d'après midi d'été , de la tomate bien rouge qu'il me tend tiédi par la chaude journée, de son croquant et de son jus qui éclate de mille parfums dans ma bouche d'enfant en coulant sur mon menton. Je me régale. Instant plaisir.
Je me souviens de mes vacances d'hiver, ma grand mère devant le poêle tourne doucement sa cuillère en bois dans un bon chocolat, je vois encore le liquide onctueux couler dans les bols blancs aux petits liserés de minuscules carreaux bleus. Robe de velours sur la langue, mais aussi parfois brulure d'impatience. Douce chaleur de la cuisine. Instant douceur.
Je me souviens du paleron fondant, de ma marraine, parfumé aux câpres et aux oignons, cuisiné lentement au coin du feu. Mélange doux acide, je ne savais pas limiter ma gourmandise. Recette toujours caricaturée mais jamais égalée. Instant bonheur.
Je me souviens de la mémé Beretti, traçant mes initiales sur la purée avant de la faire gratiner. Vieille dame aux robes noires, au parfum de fumée froides mêlé à d'autres effluves plus rustiques. Gestes d'amour d'une personne qui ne m'était rien.  Instant  câlins.
Je me souviens de la fête de fin des vendanges, des longues tables alignées, des accents espagnols, des rires, de la joie de tous et du mille feuille convoité par ma gourmande de grand mère et surtout du plaisir que j'ai pris en le dévorant. J'en ai entendu parlé très longtemps. Instant  canaille.
Je me souviens des criques de ma mère, repas préféré de nos jeudi, peler les patates , entailler les doigts, moment de détente et de grandes discussions. Heures uniques autour de ces beignets croustillants. instant d'amour.
Je me souviens de Générac, de l'odeur douce du sucre d'orge chaud que ma tante découpe sur le marbre, des formes variées qu'elle leur donne, petites ombrelles, papiers brillants. Des rires et des "guiliguili". Instant gourmand.
Je me souviens de bien d'autres choses simples et délicieuses ,  souvenirs d'enfant, accrochés à  ma mémoire par des milliers de gestes d'affection. Œuf de Pâques sur le dessus du buffet, saucissons  à sécher enroulés autour d'un manche de bois accroché au plafond, "caca de la vache" en réalité épinards et œuf dur, melons du jardin dont les pépites dorées nous servaient à faire des colliers, yaourt au caramel au goût à jamais inoubliable. La liste est infinie comme l'amour de toutes ces personnes à jamais disparues.
Mais jamais  rien n'égalera le souvenir de la dragée de ma communion. elle avait été mise à l'abri dans un vieux tube d'aspirine, par ma grand mère, le jour de mon baptême. J'ai du subir le supplice de la dégustation. Blanche, tachetée de bleu, goût de moisi associé à un reste de sucre, amande rancie par le temps, tout y était. Aujourd'hui je peux dire "je l'ai fait". Instant horreur.



Road Movie de Suzanne :


Entre deux averses dans la campagne Normande, nous courions sur le gazon détrempé, débusquer dans les plates-bandes au fond du jardin de mon grand-père, les fraises rouges et les framboises rubis boursouflées. Nous nous en remplissions la main, avant de la vider goulûment d’un seul coup dans la bouche. Elles éclataient sous la langue. Les yeux fermés, les joues gonflées, les lèvres carminées, nous savourions ce plaisir simple mais intense. A notre retour dans la maison, nous buvions un verre d’eau citronnée gouleyante, qui s’harmonisait à souhait avec les fruits rouges.

Je me souviens encore avec nostalgie de certains retours d’école à 11h30, où une carotte épluchée bien craquante, m’attendait dans un verre d’eau. Je m’empressais de la croquer comme un lapin. Plus tard, il m’est arrivé de croquer une carotte tout juste sortie de terre, non traitée ni épluchée, pour retrouver ce plaisir d’enfance, mais il y manquait le geste amoureux de ma mère qui avait pensé à moi en me la réservant.

De même, je n’ai pas oublié les divins goûters faits de peu de chose : une tranche de pain, un peu de beurre et du chocolat râpé, ou un bol de chocolat fumant et onctueux servi sous le regard souriant du noir coiffé de rouge de la boîte de marque réputée. Ces douceurs me faisaient oublier les abats hebdomadaires obligatoires, car bons pour la santé soi-disant, comme la cervelle, le foie de veau ou les rognons, plats que j’ai bannis de mon alimentation à l’âge adulte et n’ai jamais imposés à ma fille.

A l’adolescence, mes goûters avaient grandement évolué, nettement moins diététiques. Ils se composaient de belles tartines de rillettes ou de saucisson, pour combler l’absence de mes parents et ma solitude, avant de m’installer devant mes devoirs.

Heureusement, moi qui n’ai jamais été carnivore, je n’ai pas oublié la chair fondante du traditionnel poulet rôti ou du rosbif saignant, accompagnés de pommes de terre au four juteuses, cuisinés avec amour par ma mère le dimanche.

Malgré leur prix parfois élevé, j’ai toujours aimé les fruits très colorés qui annoncent la nouvelle saison : les cerises au printemps et les clémentines en hiver. Où que je sois, le parfum d’une clémentine que l’on épluche me transporte. D’ailleurs, je ne peux m’empêcher après l’avoir mangée, d’en presser l’écorce entre mes doigts, pour en extraire l’essence odorante.

Adulte, mon palais s’est habitué à de nouvelles saveurs, comme le foie gras poêlé aux fruits qui fond en bouche, excitant mes papilles ou le gibier.

Mais jamais je n’oublierai la cuisine généreuse de ma mère : sa ratatouille provençale que tous ses amis lui réclamaient, son millas ou son cake renflé aux fruits confits harmonieusement répartis et l’odeur enivrante des madeleines qui portaient son nom.

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