26/11/2012 Le culte de l'inculte
Les verrues verbales ça vous évoque quelque chose ? Nous nous sommes amusés à en inventer mais aussi à en reprendre d'authentiques, glanées sur les forums du web.
Texte de Vincent
C’est pas dans un verre d’eau qu’on donne sa langue au chat...
Bar de la Place, Saint Hilaire du Touvet, un soir tard en
novembre.
Ne reste accoudés au vieux comptoir en zinc que deux
habitués perdus dans leurs pensées. Des mégots jonchent le sol. Une télé
bruyante diffusent à jet continu des informations en tout point semblables à
celles de la veille, et à celles de la veille, et... Quand le plus gros des
deux, pull vert olive et cheveu rare, fend enfin le silence d’un :
“ Tous les chemins mènent au rhum... “, comme il s’agissait
d’une révélation soudaine...
“ A condition de savoir se retrousser les coudes, c’est pas
donner à tout le monde... “, reprend l’autre visiblement satisfait...
“ Ouais, bière qui coule n’amasse pas mousse...”
Un nouveau silence. Plus long encore.
“ Putain, y a de la houle dans le potage ce soir...”
“ Ouais, moi aussi, chuis à l’ouest, j’ai les nouilles à
l’envers...”
“ Tempête au coucher, t’en chie au lever...”
“ Demain, j’arrête...”
“ A d’autres ! chuis pas né de la dernière cuite...”
“ J’arrête, j’ te dis, je viendrais plus, tu continueras
seul, on fait pas d’omelette sans se laver les yeux...”
“ Eh ben, j’ continuerais seul, on the road Eugène... T’en
reprends un ?”
“ Me tente pas salaud, vade poivrot satanas,... Bon, allez,
d’accord, le dernier de toute ma vie, faut bien prendre un peu d’élan, comme on
dit... Tu crois qu’il fera beau demain ? ”
“ Au bout du dixième demi il fait beau partout, mais
pourquoi tu me demandes ça ? “
“ Je crois que je vais me remettre au sport, ça va
m’aider...”
“Moi, j’ pratique déjà...”
“ Toi ?! “
“ Ouais, les bars parallèles, un verre chez Michel, un verre
chez Etienne, je recommence, et ainsi de suite...”
“ Tu me crois pas ? “
“ Si demain t’arrête, moi, j’ continue, il faut de tout pour
faire une blonde...”
Sur ce, le gros se lève, enfile un bonnet de laine, claque
des talons et sort :
“ Tu crois qu’il fait la gueule “, demande le plus maigre au
barman jusqu’alors impassible.
“ Laisser tomber, c’est un juste bouddhiste...”
Texte de Mistraline
La vie est plus farceuse qu’une armée
de clowns
Il semble évident que la vie
tricote nos rencontres, une maille à l’endroit, une maille à l’envers. Autant le dire, elle se joue souvent de nous.
Il suffit de regarder l’harmonie de certains couples… Vous savez, ce genre de
couple où l’un déteste tout ce que l’autre fait, ou pire, quand l’un exècre tout
ce que l’autre aime, ou encore plus grave, quand les deux détestent tout ce que
l’autre est.
Regardez ma tante Ghislaine. La vie
lui a collé un mari avec lequel elle compose tant bien que mal une mélodie du
bonheur ponctuée de fausses notes. Son mari Victor conjugue bagout et inculture à tous
les temps. Et rien ne sert de le reprendre, il se fait un devoir de défigurer
une langue qui lui a longtemps rit au nez.
Tous les matins, la pauvre
Ghislaine sent ses entrailles se nouer quand il claironne que l’avenir
appartient à ceux qui se lavent tôt. Qu’elle le voit filer comme un gamin vers
la salle de bains sans aucun espoir de voir disparaître la couche de conneries
qui l’encrasse. L’entendre répéter à longueur de temps que c’est un juste
bouddhiste, lui qui ne boude qu’à bon escient, ça lui est de plus en plus
insupportable à Ghislaine. Et quand dans les grands jours, les jours de grande
tablée hardiment arrosée, il se plaint du hors d’œuvre au café, de n’être qu’un
coq en plâtre dans une maison en carton… alors là, elle rit plus fort qu’il ne
convient Ghislaine. Il n’empêche, personne n’est dupe ; elle masque comme
elle peut la désillusion qui effrite les parois de son quotidien. Elle a beau
faire, tout le monde sent bien qu’elle arrive à saturation. Pourtant elle le lui
a répété mille fois à son Victor : tant va la cruche au bœuf, qu’à la fin
il n’a plus soif !
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