07/08/2012 Le récit de voyage

Faire le récit d'un voyage c'est toujours excitant ! On suit le fil de ses souvenirs avec une intention certaine : réussir à faire partager les émotions rencontrées en voyage.

1/ Voyage en train et onomatopées

Le voyage en train évoque forcément des sons, d’autres voyageurs, des paysages qui défilent. Il raconte une histoire où se croisent la proximité, l’observation, les rêveries et les bavardages…
Je vous propose d’écrire un texte sur ce thème en jouant avec :
1/ les onomatopées : interjection émise pour évoquer un bruit particulier.
2/ L’emploi exclusif des numéros de place pour mettre en scène les passagers. Je prends cette idée à Hocus Pocus un groupe de hip-hop français qui utilise ce procédé dans leur chanson, «  Place 54 ».


Francine

Huit heures et quart sur le quai de la gare
Billet en main j’attends mon train
Hi hi hi hi
Le train arrive j’attrape ma valise
Couloir étroit, place trente-trois.
Mon voisin de route est en plein casse-croûte.
Je me plie en deux et sort un bouquin.
Difficile de lire dans cette ébullition
Les bruits de bouche et de mastication.
Tac à tac – tac à tac en fond sonore
Le roulis m’assomme, me rend dolent.
Dzoing dzoing Un grand homme noir place 24
Pince les cordes de sa guitare
Au 19 une femme vieille et guindée
N’apprécie pas la musicalité !
Mes yeux parcourent la page
De mon livre de voyage….
Bip bip – bip bip
Un téléphone monte le son
C’est la place 28 qui vibre et répond.
Blablabla blablabla
Tout le monde profite de la discussion,
Il est question de plage, de délectation.
Le silence revient, mes yeux s’égarent….
Le paysage s’effile, entrée en gare.
Hi hi hi les freins qui crissent
La place 22 entre les sièges se glisse,
Sac sous le bras, se précipite
Sur le quai l’attend et l’enserre vite
Un homme chargé
De fleurs en bouquet .
En bruit feutré et assourdit
Le train repart vers l’Italie…..
Tac à tac tac à tac fait le roulis
Mes yeux se ferment, je suis partie.


Marie-Hélène

Clac, clac, clac les talons aiguilles sur le quai me rattrapent….Elle va le rater…. Non.
Pchuitt, les portes doucement se ferment. Place 22, je m’installe et regarde autour de moi, tous ces inconnus, compagnons d’un  voyage éphémère, déjà friands, curieux ou blasés de ce périple plus rapide que le vent.  
Tiens, la place 44 reçoit la retardataire encore essoufflée. Elle s’éponge les tempes discrètement, zip, remise le mouchoir dans son sac à main. 
Ding dong, la voix suave du haut parleur accompagne le départ du convoi. Les immeubles agitent des fleurs en bouquets, des draps, des nappes et des serviettes en guise d’au revoir. Je ferme les yeux sur ces banlieues que je ne connaîtrais jamais.
VRROOUuuummmm. Le TGV fait s’envoler les feuilles d’automne, les jupes des demoiselles sur les quais immobiles de gares endormies et englouties dans ce tourbillon énervant.
La place 31 a faim. Impatiente, elle tape sur la tablette de ses petits poings fermés et harangue le compartiment à grands coups de arheu, arheu. Sa voisine, la place 32, tendrement le calme de chut, guiliguili avant de lui fourrer un biberon entre les lèvres et tout se termine dans un grand bruit de succion.
Rompchiiii… La place 60 vrombit, paupières closes, sa tête dodeline sur  la têtière du fauteuil et s’incline sur l’épaule de sa voisine. Mais, dring dring, son téléphone le rappelle à l’ordre et d’une voix épaisse il répond en baillant « dans le train ».
Wouaf wouaf, miaou, les places 20 et 24 se chamaillent, s’insultent, s’invectivent, personne jamais ne saura qui a commencé.
J’ai hâte d’arriver, le paysage défile vite, trop vite devant la vitre rayée, je n’ai pas le temps de  rêver. Déjà les contours d’une autre ville, d’une autre vie se dessinent.
Ding, ding, le contrôleur, d’une voix éraillée, annonce dans les hauts parleurs notre entrée en gare, 2 minutes d’arrêt, correspondance pour ….Je m’aventure à pas lents sur un quai étranger.  .
Clac, clac, clac, les talons aiguilles me suivent….

Mistraline

Tchi tchi tchi tchi tchi… La vieille locomotive entre en gare et pousse ce qui semble être un long soupir : Tttchhhhhh…
Les quelques passagers se croisent sur un quai, quasiment déserté. C’est la fin des années 70, l’essor du bassin Alésien a disparu avec les fiers mineurs de fond. Aujourd’hui, ceux qui empruntent la ligne cévenole sont des flâneurs ou des touristes, des vacanciers ou des… qui vont voir leur famille.

La place 50 est carrossée comme une bouilloire, la pauvre cherche sa place et passe en revue un bon nombre de positions aléatoires…

Coup de sifflet intempestif du chef de gare. Tut ! Tout ça s’ébranle joyeusement dans une singulière symphonie de rouille et de métal hurlant.

La place 36 croise ses jambes élégamment, elle lit Becket avec un sourire désarmant. Je la dépasse, pas besoin de chercher mon numéro de place, le wagon n’est jamais bondé, je m’installe donc où bon me sied.

Pffffff… J’pose mes fesses sur la banquette vert sapin, voilà, c’est parti pour deux heures de train. Il plane dans le wagon une certaine authenticité, voire même de la rusticité, chère à la Lozère et l’Allier.

Tchouc tchouc… tchouc tchouc… tchouc tchouc… Dans le wagon, on prend ses aises. La place 28 sort ses lunettes et son journal et bourre sa pipe dans un mouvement machinal.

Tchouuu tchouuu !! Premières côtes, premières épingles, premières cimes, premiers tunnels. La place 14 est en plein forage nasal avec son seul index comme arsenal.

Le paysage change de visage, on voit disparaître les pavillons et les clôtures pour laisser place au vert des prés, aux clairières, aux sous-bois, aux sommets...

Aïe ! La place 40 est toute livide, je crois que son estomac lui joue un tour sordide.

Juste après un dernier virage, on aperçoit Chamborigaud… Ffffffff……… Voilà, c’est la fin du voyage et le début de la colo !

2/ Mon voyage à moi


Le but d’un récit de voyage, c’est de faire voyager l’autre. En partant du principe que le voyage démarre dès qu’on est dans l’avion ou le bateau ou à bord de n’importe quel autre moyen de transport, nous prendrons le parti d’accorder une place centrale à ce qui, au-delà de nous déplacer, nous offre aussi des sensations nouvelles, agréables ou désagréables. Le voyage, c’est une histoire en mouvement vers la découverte.
En filigrane voici l’idée à suivre : Quel a été le moyen de transport qui vous a le plus marqué ? Celui qui a transformé l’un de vos voyages, en un souvenir merveilleux ou en cauchemar ?
L’écriture étant un concentré de sensations et d’émotions, ce sont ces deux points-là qui vont transporter le lecteur. La description seule n’est rien, il faut la replacer dans son contexte émotionnel pour créer du ressenti.

Texte de Francine
Nous sommes six copains et nous nous élançons vers notre quête d’idéal, à l’est, toujours à l’est…..
Nous partons à deux véhicules, notre 4L et la 2Chevaux de Jean Luc.
Tunnel du Mont Blanc, l’Italie, Vérone, Venise, Trieste….. Vite traversée car hors de notre budget estudiantin !
Aux portes de la Yougoslavie (avant l’éclatement bosniaque), nos voitures servent généreusement à nous transporter, nous et notre barda, les fringues, les tentes, les duvets, les guitares, les casseroles, le stock alimentaire solide et liquide ! Presque toute notre vie se résume à ces malles qui nous servent de garde-manger, de coffre-fort et parfois même de salle de repos lorsque la fatigue nous gagne.
Nous arrivons à Dubrovnik quelques jours seulement après le terrible tremblement de terre qui a détruit les plus beaux monuments de cette ville fortifiée. Visite interdite et gardes militaires pour éviter les pillages. Après photographies des remparts, nous continuons notre périple par la Vallée de la Moraca (Monténégro), route pittoresque qui sinue entre les montagnes, des gorges à pic, des réserves d’ours et des torrents impétueux.
Soudain l’orage gronde, gonfle et éclate. La nuit s’invite aussi et nous commençons à chercher un endroit où nous poser. Impossible. La pluie ruisselle sur les bas-côtés et dévale sur la route telle un ruisseau en furie. L’inquiétude s’insinue petit à petit. Nous savons la région déserte et le prochain village est loin, trop loin de là.
A travers les phares tremblotants nous apercevons des panneaux. Danger. On ralentit encore plus, presque du pas à pas. Stop. Le trou noir. Plus de route. La fin du voyage. Nous descendons de voiture, le choc. Naïfs que nous sommes, si le tremblement de terre a abimé les routes, que dire des ponts…
Une crevasse géante. L’abime s’ouvre devant nous. Hagards nous regardons autour de nous… Des planches ! Il y a deux planches posées au sol ! Alors on comprend la technique. Il faut mettre les planches à la largeur des roues de notre véhicule et traverser sur ce pont de fortune !
Quelle angoisse, sous l’orage, la vue brouillée, la chemise trempée, on essaye de ne pas foirer !
Jean Luc traverse la rivière sur un des bouts de bois, nous fait signe… on ajuste les planches, il nous guide… Alea, on tente. On serre les fesses et tout doucement on engage le véhicule sur le petit pont de bois…. Ça tient, on passe ! Rebelote  pour la deudeuche brinquebalante, ne pas donner de coup de volant, cool …. On respire, ça passe aussi !
On se congratule, on repart. Pour le prochain pont on a la technique !
Au fait, la Vallée de la Moraca, c’est la vallée de la Mort en français !!




Texte de Marie-Hélène
Bangkok. Un voyage d’études m’a emmené dans cet hôtel chamarré, dans cette chambre où je me fais belle en chantonnant. 
Ce soir, nous partons pour une découverte culinaire dans un restaurant en plein air. Ce soir, nous allons parcourir les rues en pousse-pousse. Ce soir, je vais partager une banquette, seule avec le plus beau, le plus charmant, le plus gentil, celui que toutes les filles s’arrachent depuis notre départ de Paris.
Devant l’entrée de l’hôtel, nous sommes là, 18 touristes Français, pour 11 pousse-pousses. Déjà, je choisis le mien, le nôtre, le mieux décoré, le plus confortable, étincelant sous les lumières de la ville. Je m’avance, en souriant. Un homme me fait signe, m’attrape par le bras et me pousse derechef sur les coussins moites du véhicule le plus proche. Non ! Je ne veux pas. Et je me retrouve seule, perdue au milieu de la voiture. Tous les yeux sont braqués vers moi. Je souris bêtement, le rouge monte à mes joues, mon fond de teint se dilue dans l’humidité de la soirée.
L’homme à moitié nu, en short, les muscles saillants empoigne les timons, passe la courroie autour de son corps moiré et m’enlève sous les rires de ses compères. J’ai peur. Je ferme les yeux pour échapper aux cris, à la fureurs des coups d’avertisseurs. Tout se confond. Les lumières, la nuit, le martèlement des pieds de mon conducteur sur l’asphalte luisant. Vite, vite, toujours plus vite, il zigzague entre les taxis, les scooters. Je n’ose pas regarder en arrière. Je me cramponne au bois de la banquette. J’ai peur. Où m’emmène t’il ainsi ? Ca  descend, çà secoue, ça va vite, ça ralentit. La rue monte dans la nuit, il n’y a plus de lumière, plus de taxis, plus de scooter. L’homme se retourne, me crie quelque chose que je ne comprends pas. Je souris encore. Pourtant il a l’air en colère. Son corps est luisant de sueur.
J’entends des rires derrière. Et nous sommes rattrapés par d’autres pousse-pousses. Ils nous doublent, légers, rapides comme des étoiles filantes. Je reconnais mes compagnons. Mon chauffeur m’invective. Je me fais toute petite. Il se met au pas, il ahane et souffle tant qu’il peut, arc-bouté sur la courroie qui lui broie le torse.  Et…le Charmant passe en coup de vent, un bras nonchalamment posé sur les épaules de cette blondinette insolente de fraîcheur.
Et j’arrive, bonne dernière de cette course harassante, devant les portes du resto. Je voudrais m’excuser d’un sourire, mais je ne reçois en réponse qu’un regard furieux, dédaigneux, qu’une litanie d’injures étrangères. J’entre dans la salle, poursuivie par les quolibets thailandais.
Oui, je sais. J’aurai du les perdre les 25 kilos, avant le voyage. Tirer un pachyderme dans un pousse-pousse n’est pas une mince affaire. Même si il est souriant !



Texte de Mistraline
Premier réveil dans la ville-monde, coté rive  asiatique dans le district de Kadıköy. Les mouettes stambouliotes ont ponctué ma nuit de cris perçants avant de passer le relais aux klaxons matinaux des livreurs mal-lunés. Dans les ruelles escarpées de cette fourmilière qui compte plus de dix-sept millions d’habitants, je vois passer des petites filles et des petits garçons avec leur cartable sur le dos, avec ou sans uniforme, voilée ou non voilée mais comme tous les enfants du monde : gais, taquins, prompts à se chamailler. Je n’ai qu’une envie, m’habiller et dévaler la rue du Hush Lounge pour rejoindre les quais. La cloche des Vapurs attise ma hâte, je suis arrivée de nuit, je n’ai aucune idée de la vue que me réserve la mer de Marmara.

Un crieur annonce les destinations : Karaköy, Eminönü, Haydarpaşa. La mer est calme, le ciel radieux, il fait encore doux. J’embarque à l’aveuglette sur le premier bateau à vapeur. L’eau du Bosphore flirte avec la coque du Vapur,  d’innombrables méduses remontent en surface offrant aux passagers une mosaïque opaline sur fond turquoise. A l’arrière du bateau, les hommes se tiennent accoudés, le regard perdu  vers le large. Entre leurs doigts, une cigarette et dans leur main un verre de çai. La cloche du départ est sonnée, l’air de décembre fait rapidement rougir nos nez – éclaboussures d’eau salée, embruns et brise marine sont les compagnons de ma première traversée.
Le microphone grésille, une voix profonde déroule à vive allure des syllabes inconnues. S’en détache un nom que je reconnais : Haydarpaşa. C’est une gare maritime, un joli bâtiment construit comme un palais au bord de l’eau. Nous nous arrêtons deux minutes pour prendre quelques passagers qui rejoindront les longs bancs du rez-de-chaussée ; le Vapur reprend sa route en direction du vieil Istanbul.
La mégalopole se répand de toute part, aussi loin que la vue perce, l’urbanisme est omniprésent. Il faut quelques trente minutes pour relier l’Asie à l’Occident. Un bond dans le temps à l’inverse de ce qu’on imagine. Le vieux monde est resté farouchement oriental tandis que sur la rive asiatique, un esprit de modernité tout occidental s’affiche. Côté Occident, une multitude de mosquées jouent des coudes de part et d’autres des ruelles ou d’un « bulvar ». On remarque immédiatement la tour Galata. Elle domine de sa hauteur toutes les autres constructions ; en contre-bas, le pont Galata enjambe la corne d’or. Des dizaines de pêcheurs ont suspendu leurs lignes et certains remontent des fils chargés de petits poissons argentés.
Le long des rives les chats font des allers retours incessants, ils semblent savoir qu’il y a quelque chose à attendre… A la tombée de la nuit Istanbul nourrit ses chats avec dévotion, une chance pour le félin d’avoir été désigné comme «excellent compagnon »  par le prophète. Personne ne se soucie des chiens abandonnés en dehors de la ville. Dans l’islam, le chien n’a pas la côte, personne n’en a jamais dit du bien.
Des Vapurs illuminés se croisent jusque tard dans la nuit. A bord on trouve souvent deux bars pour satisfaire aux demandes incessantes de çai, du thé noir nature que les turcs consomment toute la journée. Les serveurs grimpent les escaliers quatre à quatre, la main droite supportant un plateau rond où branlent une vingtaine de verres remplis de thé fumant. Ils adaptent leurs pas au roulis du bateau et tanguent avec grâce pour épouser le mouvement des flots.
Le blanc cortège des mouettes suit la course de chaque Vapur, elles aussi semblent penser qu’il y a quelque chose à attendre… Et de fait, les mères entourées des enfants aiment à leur jeter des simit rassis. Ce sont des petits anneaux en pâte à pain saupoudrés de graines de sésame, de pavot ou de tournesol. Vous trouverez toujours un turc mastiquant un simit, c’est LE coupe faim national ! Les turcs sont de gros mangeurs et ils semblent avoir constamment faim. On le remarque aux rations conséquentes qu’ils se servent et à la débauche de snack et autres boui-boui à junkfood qui se succèdent dans les rues. Le cholestérol est sans doute le meilleur ami du turc après le chat.
Pour être honnête, il est assez difficile de bien manger en Turquie. Visuellement tout ou presque fait envie, mais une fois en bouche, c’est la débandade. Aussi le touriste prend très vite des habitudes alimentaires « sécurisées ». Mieux vaut se rabattre sur les Gozleme, ces grosses crêpes au fromage, épinard et pomme de terre qui sont toujours bonnes. Pour les plus aventuriers reste le Kokorec, un sandwich garni de boyaux frais d’agneau, grillés à la broche au préalable et agrémenté de tomate et de piment. Ce fut mon premier casse-croûte à Istanbul, un grand moment…
La ville recèle mille et un charmes. Ce sont ses Vapurs qui tracent des sillons mousseux sur le Bosphore qui me manquent le plus. Chaque jour ils semblaient me dire : embarquement immédiat pour l’aventure !

3/ Aphorismes

L’écriture comme la lecture sont aussi un voyage. L’aphorisme est un bon support littéraire pour condenser sa pensée. Ces petites phrases pleines de justesse sont tout un art et nous allons nous y frotter pour conclure l’atelier. Thème : le voyage par l’écriture.
« Commencer d’écrire c’est comme prendre un bateau qui quitte le port. » Jean Giono




Marie-Hélène

Ecrire, c’est suivre les méandres inconnus d’un fleuves indompté.

Ecrire c’est ouvrir une valise sur l’infini.

Ecrire c’est renaître dans le silence.


Mistraline

Ecrire ? C’est mettre les voiles !

Commencer d'écrire c'est embarquer vers une destination inconnue.

L’écriture est un océan dans lequel ma plume fait souvent naufrage…


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