22/04/2012 Les quatre saisons de l'homme
A chaque âge correspondent un rythme, une énergie… A
chacune de ces saisons des activités ou des fonctions rassemblent les hommes,
autour d’apprentissages communs, de rites de passage, de conjoncture familiale
et autre…
Texte de Marie-Hélène
Enfance : Je suis né par une belle soirée
d’été, premier garçon déjà adulé, paquet cadeau enrubanné d’un nœud bleu à mon
poignet.
Avant de faire mes premières
nuits complètes, je paillais, couinais, , pleurnichais, grognais braillais. Je
tétais avec entrain, ne me préoccupant que de mon bien être.
Avec premières dents, je dévorais
les premiers morceaux d’un guignon de pain.
Plus tard, mes premiers mots
enchantèrent mes parents. Ils n’y comprenaient rien et faisaient semblant
d’être intelligents. Mes premiers pas chancelants sonnèrent définitivement le
glas de leur tranquillité. Je chancelais, me dandinais, oscillais, clopinais,
mais avançais consciencieux et appliqué, encouragé par mon doudou préféré.
Et un jour, je connus ma première
énorme frayeur. Je fis ma première rentrée scolaire chez les grands, moi encore
si petit. J’y rencontrais mes premiers amis, des beaux, des laids, des grands,
des petits, des riches, des gros, des maigres. J’avais le choix. Avec eux je
fis ma première sortie sans mes parents, mes premiers goûters d’anniversaire.
J’avançais fièrement vers mes
premières batailles, mes premières conquêtes.
Adolescence : Ô
adolescence, mon adolescence. Mon premier argent de poche, ma première guitare,
mon premier feu de camp avec mes premiers vrais meilleurs amis, mes premiers
serments, à la vie à la mort.
Mes premières révoltes contre l’autorité les « je te
hais », les « je ne veux plus jamais, mais alors plus jamais te
voir », les « laisse moi vivre ma vie ». Les portes claquées,
les verres brisés à la volée. Les premières vraies larmes, noyé dans mon
oreiller, les « personne ne m’aime, personne ne me comprends ». Et
puis, en cachette, la première cigarette, la première cuite, la première
bouffée d’un premier joint.
Pour affronter cette vie il y a
la première bande et l’uniforme. Le pantalon trop long, trop large, le T shirt
trop long, trop large, la casquette à l’envers, pour arpenter le trottoir d’un
nouveau monde à inventer, avec le premier cri de ralliement lancé d’une voix
éraillée.
Et puis, et puis le premier
baiser, les premiers draps froissés sous nos corps pressés. Suivis de la
première rupture, le cœur pour la première fois à l’envers. Et, opposée au
« Passe ton Bac d’abord, une de perdue, dix de retrouvées » la
litanie des jamais « je n’aimerai plus jamais, je ne serai plus jamais
heureux, je ne m’en remettrais jamais, ma vie est finie ».
Enfin guéri par la première
voiture, la première virée, la première liberté. Et les premières insomnies des
parents défaits.
Adulte et vieillesse : C’est quoi cette caricature dans la
glace ? Première constatation d’une routine matinale. Costume, cravate à
pois, chemise blanche, chaussures vernies. Une publicité pour le parfait cadre
dynamique de moins de 40 ans. Je me suis battu pour en arriver là. Premier
boulot, premier patron, premier salaire, premier appartement, première femme et
tout s’est enchaîné. Plus d’amis, plus de responsabilités, plus d’argent, plus
d’enfants, plus de maîtresses, moins de vacances. J’ai trompé au fil du temps
mes amis, ma femme, mes amantes, en restant fidèle. Fidèle à mon image,
peaufinée année après année : tout le temps, courir après le temps ou
faire semblant. Ne jamais s’arrêter pour ne pas rester au bord du chemin.
Toujours posséder, la dernière voiture sortie, le plus beau tableau, la plus
belle maison, la plus belle femme, les plus beaux enfants. Et ne jamais montrer
les premiers signes de lassitude. Cacher les prémices de la calvitie, les
premières cernes, le premier relâchement d’un corps fatigué. Surtout, ne pas entendre les premières
questions « qu’ai je fait de ma vie, suis je heureux, ai je trahi mon
adolescence ? » Et enfin accepter. Le premier divorce à l’aube de la
vieillesse et tout recommencer. Les premières charentaises, les couchers de
soleil, un nouvel amour, peut être le premier, le vrai. Recommencer à vivre car
il n’est jamais trop tard. Et suivre goguenard le premier corbillard, celui
d’amis plus âgés. Déménager pour la dernière fois dans cette maison de
retraite, la première à être aussi bien agencée. Posséder le plus beau
véhicule, deux roues motrices, unique fauteuil en cuir, moteur électrique et
faire la course dans les couloirs avec son voisin de palier. Pour arriver le
premier dans la salle à manger. Gagner pour la première fois la bataille de
petits suisse, cueillir les premières fleurs dans le jardin et les offrir à
l’infirmière, la plus gentille, pas la plus belle. Faire le premier bras
d’honneur au directeur, ridicule dans son costume, sa cravate à pois, sa
chemise blanche et ses chaussures vernies. Vivre pour la première fois,
l’ultime fois, et partir sourire aux lèvres vers le premier monde à réinventer.
Texte de Mistraline
Texte de Mistraline
Enfance :
Mon papa il est fort
comme Hulk. Et même qu’il a les mêmes muscles ! Et même que si il veut, il
te fait faire trois fois le tour du globe avant de te rattraper au vol. Si il
veut ! Parce que personne peut l’obliger à faire quelque chose mon papa.
Personne. A part maman. Mais maman c’est pas pareil. Elle est belle comme
Pocahontas alors c’est difficile de ne pas lui faire plaisir. Elle dit toujours
que je ne dois plus prendre la susu,
que ça va me déformer la bouche et que ça va la rendre triste. Alors pour ne
pas lui faire de la peine, je prends la sucette mais en cachette, comme ça elle
ne le voit pas.
C’est comme mentir mais en moins grave.
Papa il me parle comme
un grand, pour lui je ne suis plus un bébé depuis longtemps et ça, ça me fait
vraiment plaisir. Parce que c’est sûr que je ne suis plus un bébé !
Pourtant, je crois que pour maman, je resterais toujours un bébé. Même si je fais tout comme un grand. Je dors
tout seul, je mange tout seul, je fais pipi tout seul, je me lave presque tout
seul. Je fais mieux que mon papé, à qui il faut donner la soupe et le
bain ! Mais les mamans, c’est comme des pièges à souris, une fois que ça te
tient, ça te lâche plus !
Adolescence :
Pffff… c’est trop nul la
vie. C’est le naufrage du Titanic tous les jours, tu sais que tout va couler
mais tu peux rien faire. Tu regardes tes parents et la seule envie qui te vient,
c’est de prendre tes jambes à ton cou. C’est encore plus nul que la vie les
parents, ça devrait même pas exister !
Heureusement y a les
potes pour t’aider à ramer, dans la galère du capitaine Désillusion. La vie, la
mort c’est bonnet blanc et blanc bonnet, deux copines qui se tirent dans les
pattes mais qui sont pas fichues de s’éloigner l’une de l’autre.
On dirait ma mère et sa
sœur…
Les deux boulets du clan familial, c’est à te
couper l’envie de faire des gosses quand tu les vois ensemble. Ça chicane, ça
taille des costards à la ronde, ça t’en laisse pas placer une, ça se mêle de
tout et surtout de ce qui ne les regarde pas et ça exige le respect. Ça te
parle de mérite et de dû en montant sur ses grands chevaux... à bascule. Je
précise ! Parce que pour faire du surplace, ma mère c’est pas la dernière.
Personne ne sait comment
c’est arrivé mais la douce Pocahontas de mon enfance a drôlement changée, il
suffit de prononcer le mot aigri pour la voir se transformer en furie. Papa Hulk
est devenu l’homme invisible : on sait qu’il est là mais on ne le voit
jamais. On l’appelle le déserteur, ce à quoi il rétorque qu’il n’a jamais eu l’âme
d’un bon soldat.
L'âge adulte
- Vite, vite, vite. Allez
mais dépêche-toi. Mais c’est pas vrai ! Mais qui c’est qui m’a donné un
fils pareil ? Et le cartable, où il est ? Tu l’as oublié à la
maison !? Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu pour mériter ça !!
- Papa il est bien gentil
mais il n’a pas que ça à faire, il a du travail par-dessus la tête et à cause
de toi il est en retard. Et bien tu iras à l’école sans cartable, ça t’apprendra
à y penser la prochaine fois ! Je ne veux entendre aucune protestation,
merci.
- Comment ? Tu veux
bien répéter ? Ah c’est moi qui l’aie oublié ton cartable ! Est-ce
que tu la vois ma main ? Je l’ai oublié où ? Sur le gravier à côté de
la voiture…
- Quel gravier ?
Quelle voiture ? Les nôtres ! Et tu pouvais pas le dire avant, non ?
Ah ! tu n’as pas eu le temps… Papa il a démarré trop vite !
- Dis-donc si tu veux pas
y aller à l’école c’est pas la peine de raconter des craques. Papa il a été paresseux
avant toi, il connait la chanson…
- Qu’est-ce que tu as ?
Mais pourquoi tu pleures andouille ?! Tu quoi ??? Tu as vomi partout
sur la banquette et sur tes pieds… parce que je tourne trop vite?
- Alors quand on n’est pas
fichu de se retenir on évite de donner des leçons aux autres, d’accord ?
L'âge sage
On dit que je ne suis
pas si mal pour mon âge. On dit même que je suis un vieux beau. On dit aussi
que je regarde passer le temps à travers le sablier de la vie. On dit que j’ai
bien vécu, que j’en ai bien profité. On dit que je ne vais pas trop mal, que je
n’ai pas à me plaindre. On dit qu’on ne peut pas être et avoir été. On dit
qu’il faut laisser la place. On dit des messes basses d’où s’échappe des mots
tabous qui sentent le sapin.
Je ne suis plus le même
mais je suis toujours là…
Je ne suis plus le même
mais c’est encore moi. Ce sont toujours mes mots et c’est encore ma voix. C’est
toujours mon sourire qui brille dans le creux de mes pupilles opaques et c’est
encore ma main qui coiffe tes cheveux. Ce sont ces mêmes joues que tu caresses en
tremblant et ces mêmes doigts que tu enlaces passionnément. Je suis là, près de
toi. Même las, je résiste pour ne pas te quitter avant l’heure, avant l’âge. Mais
quand mon cœur sera poussière, tu dédieras aux quatre vents mes émotions mêlées
de cendres.
Commentaires
Enregistrer un commentaire