18/03/2012 "Impression Matriochka"

Dans les romans, les personnages sont comme des poupées russes...

I/ Sur les traces de St John Perse...


Evelyne

Celle qui vous écoute et qui en une seconde fait de votre récit un film en technicolor, sur grand écran en trois dimensions.

Celle qui voyageait dans les nuages d’adolescence, un piano sous les doigts.

Tendre et doux comme un loukoum c’est celui qui vous invite au festin de la vie.

Celui dont les yeux sombres vous mettent à nu, a le sourire qui vous parle du soleil de la vie.

Celles qui partagent les fous rires, les plats délicieux, les cris du cœur et les interrogations.

Ceux qui se retrouvent pour croire qu’ils vont refaire le monde.

Celle qui sait qu’elle vient de l’autre côté de l’océan et qui rêve d’y retourner.

Texte d'Evelyne :

Sol, la, sol, la, sol, la, do…
Ses doigts glissent. Noires, blanches, dièses. La lettre qu’elle écrit à Elise se déroule, s’arrête, reprend… les notes s’envolent. Elle prend une respiration et son regard s’éloigne par la fenêtre dans les nuages. A quoi rêve t elle ? Où va-t-elle ? Pourquoi m’oublie-t-elle ? Déjà la voilà partie, déjà la fin de sa leçon. Et je la vois se blottir dans son fauteuil bleu préféré, celui à qui il manque un pied ; un souvenir de sa vie d’enfant et de joyeuses bagarres avec son frère et son chien. Du moins c’est ce que j’ai entendu car je n’étais pas là à l’époque. Parfois elle m’abandonne : « elle sort avec ses copines » comme elle dit. Et là, plus rien ne compte, même pas moi ! Mais son désir de créer me la ramène vite. Elle a besoin de dépasser le quotidien, de faire plus grand, plus beau. Dès qu’elle arrive, je le vois, ses yeux verts pétillent et son sourire rayonne. C’est alors qu’elle pose ses doigts sur moi et les mélodies reprennent vie. Elle ferme les yeux, elle inspire ; cela lui vient de loin, du temps où sa grand-mère lui chantait son pays en la gardant au creux de ses bras pour soulager ses peines. Les yeux fermés, les mains sur les touches, elle joue, elle chante, elle se laisse transporter dans son univers… nous voici tous les deux réunis dans une danse de la vie qui nous a conduit, ce soir, sur cette scène devant un public conquis qui attend la dernière note pour acclamer sa virtuosité. Les projecteurs éteints, le silence est revenu. Je suis seul sur scène. En partant elle a doucement refermé le couvercle sur mes notes comme une porte que l’on ferme sur le sommeil d’un enfant.
Demain elle reviendra transformer l’harmonie du noir et du blanc pour vivre ses rêves en couleur.

II/ Version réécrite
Sol, la, sol, la, sol, la, do…

Ses doigts glissent. Noires, blanches, dièses. La lettre qu’elle écrit à Elise se déroule, s’arrête, reprend. L’instant d’après son regard s’éloigne par la fenêtre, dans les nuages. A quoi rêve t elle ? Où va-t-elle ? Pourquoi m’oublie-t-elle ? Déjà la fin de la leçon.
Mais moi je sais qu’elle a besoin de dépasser le quotidien, de faire plus grand, plus beau.
Quand elle revient, je le vois. Ses yeux verts pétillent et son sourire rayonne. C’est alors qu’elle pose ses doigts sur moi et les mélodies reprennent vie.
Les yeux fermés, les mains sur les touches, elle joue, elle chante, elle se laisse inspirer par son univers. Nous voici tous les deux réunis dans la danse de la vie.
Ce soir encore le public a été conquis. Maintenant le silence est revenu. Je suis seul sur scène. J’attends demain où elle reviendra transformer l’harmonie du noir et du blanc pour vivre ses rêves en couleur.



Texte de MaFée:

PAINS AU CHOCOLAT ET COMPAGNIES

Il est 08h30. Enfin tu ouvres ta porte. Tu es en retard aujourd’hui, tu n’as pas eu le temps de te raser. Vite, tu sors les chaises et les deux tables pour tes premiers clients. Moi, sur ma terrasse en face , il y a longtemps que je suis prête.
Je t’observe de loin. Fébrilement tu installes les pains au chocolat savoureux, les croissants croustillants, les chaussons aux pommes odorants dans la vitrine.
Ah ! Ton habitué de 09h45 commande un café et un croissant. Ton sourire sous tes cheveux blancs resplendit de fierté. La tasse fumante entre tes mains blanchies de farine tremble légèrement. Petit à petit, les passants affluent, s’installent pour un petit déjeuner ou ressortent les bras chargés de baguettes moelleuses. Ton ventre rebondit tressaute de joie à chaque pas. Tu fais couler le noir breuvage, émulsionner les nuages de lait, baver le sucre des brioches à l’eau de fleur d’oranger. Tu t’agites, tu ordonnes, tu salues, tu interpelles. Ton rire tonitruant réveille bruyamment ce petit bout de rue.
Mais  à 13h15, les mains sur les hanches de ton pantalon trop serré, tu guettes mes clients attablés. Tu n’as vendu que trois sandwiches alors que quatre postérieurs ont pris possession de mon coussin en forme de cœur. Tes lèvres ont un pli amer. Jaloux de mon succès ?
Pendant que je somnole, vers 15h00, tu joues le grand père à la sortie de l’école, avec un sourire débonnaire collé sur tes lèvres. Tu emballes soigneusement les friandises pour des enfants affamés et reconnaissants. Tu as tes préférés, assis sur tes genoux accueillants, du chocolat jusque sur le bout du nez.
La deuxième fournée de la journée embaume doucement ton arrière boutique. Chemise ouverte sur ta poitrine luisante de sueur, un jet de confiture oublié sur ton pantalon, les tempes humides de la fournaise de ton four, tu fais les cents pas. Les baguettes crépitantes refroidissent. Ton sourire bon enfant se dément dans l’éclat sombre de ton regard en colère. Aucune vente depuis 2 heures. Tu fermes la porte de ton magasin de ta carrure imposante. Comment veux tu que les clients bousculent un pitt bull devant sa niche ?
Et voilà. Il est 18h30 et tu commences à tout ranger. Tes gestes sont saccadés, d’un pas lourd de fatigue, tu remises tes viennoiseries. Le croustillant des pains au chocolat du matin s’est délité dans la moiteur de cette fin de journée. Tu maugrées que cette ville ne vaut rien. Tu bouscules ta femme docile pour fermer plus tôt. Tu as perdu le moelleux obséquieux de ta bonne humeur de ce matin. D’un coup de talon rageur tu bloques au sol ta grille protectrice. Tu pars exaspéré sans un regard vers l’obscurité de ton palais sucré. En passant à coté de moi, tu fais exprès d’un léger coup de pied de défaire l’alignement parfait de ma terrasse. Allez, gros boulanger, demain tu y arriveras. Parole de chaise pomponnée !



Texte de Cacahuète :
MERCI A LA FEE MARIE-HELENE
A l'époque, il n'y a qu'un fixe dans une seule pièce de la maison appelée pompeusement "boudoir". Toute la famille vient y faire la tête (bouder) et raconter sa vie à des gens que je ne connais pas. Mais j'en profite et me régale de leurs petits secrets et, plus encore, de leurs postures. Le père, droit dans ses bottes, note un rendez-vous, remercie et raccroche; la mère, crème sur le visage ou mains enfarinées laisse des taches de gras déplaisantes; le fils aîné tire sur le fil comme un malade pour aller jusqu'à sa chambre puis revient en râlant car le fil ne va que jusqu'à la moitié du couloir où "les autres" qu'il déteste, vont tout entendre.
Et puis, il y a Zozo, la pauvre Zozo qui zozote d'où ce sobriquet dont je sais qu'il la meurtrit à chaque fois qu'elle l'entend. Elle s'en plaint à sa marraine à laquelle elle téléphone au moindre chagrin. Ce n'est pas qu'elle aime son vrai prénom, Valentine, dont la famille ferait vite Véro et son sale frère Vérole, mais ce Zozo lui rappelle trop ce qu'elle appelle son infirmité. Sa marraine a beau lui conseiller de se faire des amis en classe qui, très vite, oublieront ce petit défaut, elle dit qu'elle en a marre car un nouveau professeur a souri en l'entendant pour la première fois, répondre à une question orale et toute la classe s'est mise à crier "Zozo zozote  Zozo zozote !".
Grande nouvelle pour ses seize ans. Zozo, non Véronique, a enfin une amie rencontrée au cinéma, dans le noir, alors qu'elle cherchait un de ses gants roulé sous les pieds d'une certaine Béatrice. Les deux copines s'installent par terre, dans le boudoir après la classe, me posent à côté d'elles avec le goûter et la boisson. La famille n'étant au complet que vers 18 heures, reste une heure pour appeler tel ou telle et leur faire croire - par la voix de Béatrice évidemment - qu'on sait des choses sur eux mais qu'on en parlera pas.....et de rire et de rire après avoir reposé durement le combiné sur ma pauvre tête.
C'est là que j'ai compris à quel point un petit handicap physique peut faire d'une adolescente sans histoire une colporteuse d'histoire inventées de toutes pièces dans le délire de l'adolescence.
Les années passent.....Le portable m'a détrôné ! Chacun a son propre appareil collé à son oreille et on se déplace avec lui dedans comme dehors. Le fixe est mort. J'ai oublié toutes ces affabulations qui ont alimenté pendant des années mon imaginaire au point que j'avais l'impression de les avoir moi-même inventées.
Une voix d'homme dans le couloir explique que l'on viendra me chercher la semaine prochaine.
Une belle jeune femme entre dans le boudoir et dit :"Je ne sais même plus où il est. Qu'est-ce- que j'ai pu rigoler, ici, avec une copine quand j'étais jeune. On téléphonait à n'importe qui en leur faisant croire qu'on savait des secrets sur lui ou elle mais qu'on ne dirait rien. En plus, je zozotais, c'était la copine qui répétait ce que je lui soufflais. Une petite rééducation et ma vie a changé !
Je vois l'employé du téléphone, indifférent, se diriger vers le placard où je suis relégué depuis longtemps en disant :
"on viendra le chercher mardi matin, vous serez là j'espère ?".

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

05/10/09 Après le tremblement

12/06/09 La fille d'acier

03/05/2011 Notes de chevet