12/12/2011 Lubies de femmes

Pour rédiger ces petites chroniques sans concession, voici deux exemples :
Vous avez le choix entre la narration omnisciente :

« On dirait vraiment que la femme de ce temps-ci veut se faire tentante par l’aspect cadavéreux, le palissement maladif, la peinture de momie, l’enluminure macabre. »
Journal des frères Goncourt (1887)
Ou la narration interne :

« Suant et transpirant, lâchant même de petits pets d’effort, j’avance en me tordant les pieds sur mes plateformes. 112 kilogrammes de femme. »
Lilly la tigresse d’Alona Khimi (2004)
   
Faîtes le distinguo entre les critères de beauté imposés par la mode et ceux de la rue.

Votre titre sera une phrase ou un extrait tiré de votre texte.



Chronique de Monique

MAMY COCO

Merci à coco Chanel qui a débarrassé les femmes de leur corset, les a habillées court en utilisant de somptueux tweed(s). Enfin, qui leur a proposé des bijoux superbes en toc, ringardisant ainsi les perles, les diamants et autres camées précieux qu'une génération de femmes passait à la suivante alimentant des drames familiaux sujets de nombreux romans. Le prêt-à-porter mit la Haute couture de Chanel à la portée de budgets plus modestes mais ce ne fut jamais la mode de la rue. On en rêvait seulement.
En 2011, seules quelques dames âgées portent encore le vrai Chanel hérité de leur mère et sont ridicules avec son vison jauni.
Leurs filles ont refusé l'héritage en éclatant de rire. Comme des millions d'occidentales enviées par des millions de femmes de pays émergents, les françaises qu'on voit dans la rue s'habillent au coup de coeur, aussi bien dans les boutiques que dans les grandes surfaces qu'au marché local. Seul critère : pas cher ! car elles changent souvent. De plus, les usines asiatiques copient les modèles européens dans des tissus bon marché vite immettables. Mais arrive la nouvelle collection avec des photos superbes de mannequins filiformes. La pulsion de la femme est si forte, qu'elle achète et...qu'elle jettera à l'arrivée de la prochaine collection !


Chronique de Dominique

EGERIE


Je la regarde descendre la rue, rejoindre la place et s’assoir sur un banc : short  moulant sur des collants opaques, chaussures compensées à talons hauts, tee-shirt décolleté, blouson en cuir fin, ouvert, percings sur les sourcils, sur la lèvre inférieure, sur les oreilles, cheveux courts, une longue mèche bleue, asymétrique recouvre une partie du visage... Elle aborde un air conquérant, elle se sait jolie, elle se sait jeune, elle se sait mince... Un clone la rejoint, jeune-fille d’une vingtaine d’années également, habillée de la même façon... Seules les couleurs des  vêtements et la coupe de cheveux les différencient.... Elles allument de concert une cigarette et frissonnent, il fait froid et elles sont si peu vêtues.. Dictat de la mode ! Je hausse les épaules et me détourne....
Mon regard se porte sur d’autres femmes d’ âge confondu... Je remarque celles qui mettent un point d’honneur à rester « elles-mêmes », qui acceptent leurs cheveux gris, leurs seins qui tombent, leurs rides, leurs kilos en trop... et les autres... celles qui veulent rester fidèles aux critères de beauté imposés par les médias : liftings, seins pigeonnants, bouches pulpeuses... celles qui veulent ressembler aux égéries exposées dans les magasines : femmes sans âge, au teint velouté, aux dents parfaites, à la ligne gracieuse, aux cheveux brillants, aux seins modelés... Sensuelles, riches, minces, le Rêve !!!  Je m’interroge : Sont elles esclaves  de la mode ? Portent elles des « uniformes » dictés par les contraintes sociales ? Je sais que de tout temps les femmes ont suivi des modèles imposés par les hommes, sans le savoir, inconsciemment. La pression est tellement forte ! Dur d’avoir 20 ans et de se savoir différente de ses copines, (quelques kilos en trop et la vie peut devenir un enfer pour certaines).... et triste d’avoir 50 ans et de vouloir en paraître 30... Je me rend compte que la société et les publicitaires veulent toutes nous faire entrer dans un moule, devenir des «fashion victims» prêtes à s’endetter pour paraître ! Le lavage de cerveau fonctionne bien chez certaines. Je peux comprendre qu’à 20 ans, le regard des autres soit  parfois vital, mais passé 50 ans est-il si essentiel ?



Chronique de Francine


Femmes des années 2000

20 heures – Le journal.
Laurence Ferrari, avec  son cheveu sur la langue et sa mouche sur la lèvre, présente les infos. Silhouette engageante et tellement féminine, elle va à l’encontre des critères de beauté imposés. Chez elle point de bouche ventouse, de cils extra allongés ou de casque chevelu raidi au lisseur. Pas de poitrine rembourrée, rehaussée, aguichante. Pas de taille fine filiforme et cambrée. Pas de jambes à rallonge qui s’éternisent, pas de talons aiguilles perchés si haut que le pied touche à peine le sol.
La femme anonyme se retrouve enfin en elle parmi tous les miroirs qu’offrent les pubs et les magazines. Le mythe de la femme idéale dont l’image agresse de tous côtés.
Il faudrait pour bien faire se plier aux caprices des créateurs qui voient la femme comme un terrain de jeu, d’exercices de style, de découvertes et d’innovations. On est passé allègrement de la mini à la maxi, des jupes à fleurs au tailleur strict. Aujourd’hui les blouses en tissu fluide s’épanchent sur des pantalons si près du corps en matière scintillante qu’on croirait des collants irisés. Les cuissardes on laissées la place aux chaussures à plate-forme, puis aux bottes aux talons effilés. Les ceintures de chanvre tressé ou lanières de cuir se sont transformées en foulards noués.
Ah, la mode ! On pourrait en écrire des tonnes, mais la réalité est toute autre. Le jean indétrônable se retrouve décliné par tous et partout. Les cheveux colorés libres, lisses ou relevés sur le sommet du crâne se moquent des chevelures soigneusement sauvageonne en boucles ordonnées des femmes sur papier glacé.
Le naturel année 2000, voilà ce que l’on voit autour de nous, avec des accessoires aussi inattendus que des crayons en guise de barrettes à chignon, des bagues énormes et colorées, des bracelets de cheville, des chaînettes sur l’abdomen et des piercings au nombril. Le tatouage fait aussi un retour en force, souvent en guise de bijoux délicats, dessiné sur la peau à des endroits sensuels. Les mains sont mises en valeur avec des french manucures et un entretien que leur auraient envié les chirurgiens des années cinquante. Le sourire enfin est une arme destructrice. Si les mannequins professionnels se forcent à garder une moue dure et indifférente, la femme d’aujourd’hui n’hésite pas à laisser éclater son sourire blancheur à la dentition parfaite, alignée et carnassière. Les lèvres osent le rouge, le noir, tout un panel de couleur pour mettre en relief l’aimant relationnel.
L’œil enfin, le regard. On se permet de charbonner ses paupières et le sourcil redevient expressif. On se regarde de face, droit dans les yeux. La femme ne baisse plus son œil de biche, elle est conquérante, inventive, exploratrice. Le monde s’ouvre à elle, ou plutôt non, elle se permet enfin de s’ouvrir au monde.




Chronique de Marie-Hélène


FEMMES EN KIT


Au fil des pages glacées des magazines ou des publicité à la télé, minceur exacerbée, pantalon moulant ou nullement entravée par une mini jupe affriolante, taille XXS, haut perchée sur ses talons pour mieux tortiller du croupion, la femme modèle avance toujours jeune, souriante, élancée, martelant le pavé à grandes enjambées triomphantes.
Maquillée comme un arc en ciel, c’est un diable grimé. Méphistos fait le reste, entraîne dans son sillage les mâles enflammés.
Elle abandonne la maison, exerce un métier d’homme, sauf peut être celui de bûcheron.
Archétype de réussite, cette chimère élève des enfants sages, bien coiffés, bien habillés, bref à son image. Elle monte à cheval aussi bien que Zorro. Dans un club de sport, après deux heures de rameur , de boxe ou de course à pieds, pas une goutte de sueur ne perle au dessus de ses lèvres colorées, pas une mèches de ses cheveux bien lissés n’est dispersée. Son déodorant 24heures durant est une pure merveille. Elle a perdu les 3kgs qu’elle n’avait pas en trop et dépensé un peu des économies judicieusement placées dans une assurance vie.
Cauchemar pour la femme de la rue. Celle ci se voit contrainte pour exister de refuser l’outrage du temps. Elle revendique l’éternelle jeunesse, se tartine de toutes les crèmes existantes, les anti rides, les contours de yeux, les raffermissantes, les hydratantes. Elle teint ses cheveux blancs, ceinture ses kilos en trop,  cache le pot de Nutella dans les cendres de la cheminée. Du cheval elle n’en a que la culotte. Et si elle croise une demoiselle plantureuse et dénudée, elle décide de lui ressembler. Fesses rebondies, lippe gonflée, seins siliconés, mollets galbés, femme en kit que les hommes  n’osent plus déshabiller de peur de les éparpiller sur la moquette du salon. Vêtements achetés au gré de ses envies ou en solderie, chaussures de l’année dernière abandonnées au fond du placard de l’entrée, elle surfe sur internet pour faire des économies.
Femme libérée, emprisonnée dans une cage stéréotypée, enfermée par les codes de la société, elle perd sa personnalité. C’est à présent une femme inventée, moulée à l’infini, plus que parfaite. Elle fait de plus en plus peur à la gente masculine. Et pourtant, tel Merlin l’Enchanteur débordé par sa baguette, ce sont bien eux qui l’on programmé.



Chronique de Mistraline



En 2011 la femme fait la moue comme une carpe mais son rouge tient 24H…

Si l’opulence du vocabulaire de la modeuse ne cesse de croître de nos jours, son tour de hanches lui, semble subir la tendance inverse.
Slim, fashionista, XS, S… Mots étranges, anglicismes barbares pour les filles anguleuses, des papiers glacés. Celles qu’on ne voit jamais dans la rue. Femmes saillantes, osseuses, immenses. Femme au supplice, asservies au pire des adages : souffrir pour être belle.

Sur ces corps squelettiques, en dehors des seins qui doivent être hors norme, ronds, fermes et impertinents, les lèvres également doivent s'imposer, boudeuses, un rien dédaigneuses.

En 2011, la femme fait la moue comme une carpe mais son rouge tient 24H…

Elle mange des yaourts et des pommes et elle boit des litres d’eau. Toutes sortes d’eau. De l’eau pour digérer sa pomme hebdomadaire, de l’eau pour l’éclat perdu de sa peau, de l’eau pour tous les minéraux dont elle est anémiée, de l’eau quand elle est ballonnée.

On a vu apparaître le mot liposuccion, pour celles qui aspirent à d’autres mensurations. On a vu apparaître le mot augmentation, pour les mêmes, afin de capitaliser leur graisse liposucée, aussitôt réinjectée vers des parties plus creuses.
Le Botox est venu rajouter la touche finale et c’est un défilé de faces de parquets cirés soigneusement auquel nous avons assisté. Des traits lisses, de rares expressions toujours factices, des lèvres boursoufflées, des pommettes perchées, telle est la panoplie des nouveaux artifices. Pour résumer : maigreur et intemporalité sont les deux piliers des codes actuels de la beauté.

La femme de la rue n’a pas totalement succombé à ce despotisme médiatique. Il reste encore des filles callipyges, dont les hanches d’amphore grecque, se glissent dans des jeans qui épousent la plus microscopique de leur forme. Les filles d’aujourd’hui portent très près du corps. Elles ceinturent leur bassin avec de larges ceinturons, portent des bottes au-dessus du genou, des trench ajustés, le tout accessoirisé du dernier né : l’It Bag.
En 2011, le sac à mains est XXL, bien plus grand qu’un bagage à main. Sa valeur marchande équivaut à quatre mois de smic, aussi a-t-on recourt aux contrefaçons et cette falsification contente la majorité de celles qui rêvent de besaces griffées Vuiton ou Versace.

La mode est au nude la journée, on choisit des tons ivoire, sable et camel pour s’habiller et se maquiller mais le soir est shadow ! L’œil doit être charbonneux, la lèvre rouge toril, le décolleté fripon et généreux - pour ce qui est du string, il ne doit surtout pas passer inaperçu.

Cheveux lissés, poils épilés des sourcils aux doigts de pieds, la femme d’aujourd’hui est en croisade contre sa pilosité. Elle se teint en chocolat quand elle est brune, en blond méché quand elle est châtain, et de plus en plus souvent en noir corbeau quand elle est blonde.
Allez comprendre…

En outre, nous sommes en plein holocauste de la bouclette. Le cheveu doit être le plus raide possible, le frisottis est un paria combattu par la ménagère avec l’aide de l’industrie cosmétique qui ne cesse d’inventer des mousses, des gels lissants et des plaques chauffantes pour repasser le poil dans le bon sens.

Tout ça manque de sens… A une époque où la femme pourrait se contenter d’un minimum de coquetterie, elle redouble d’artifice et de potions comme les marâtres des contes de fées. Dans les médias on voit surgir des Cruellas qui se ressemblent étrangement, sur les plages on voit de plus en plus de poitrines figées par le silicone. Et quand on sait qu’au Liban, les banques ont ouvert des crédits NIP/TUCK, on se dit que l’ère du bistouri n’en est qu’à son avènement…


Commentaires

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

05/10/09 Après le tremblement

12/06/09 La fille d'acier

03/05/2011 Notes de chevet