11/10/2011 Le chant du chocolat



Ce soir, un parfum de sensualité flotte dans l'air...


Comment fouiller le champ lexical du chocolat ?
Peut-être en piochant une phrase délicieuse comme celle qui suit, en lui donnant une suite qui fleure bon le chocolat...


« La sauce au chocolat, chaude et sombre, lui dégoulinait sur le visage sans qu’elle puisse la goûter. »
Bulbul Sharma



Texte d'Eliane

A l’instant où la perle de chocolat arriva à ses lèvres, elle sut qu’il était atteint. Le chocolisme l’avait pris et ne le lâcherait plus.
Elle resta, là, alanguie, les yeux clos. La moindre parcelle de son corps et de son esprit était dans l’attente.
Elle sentit un souffle léger et tiède la parcourir. Elle savait que c’était lui, Herman Cortès, le conquistador.
Bien sûr elle l’avait appâté et il l’avait docilement suivie. Cela avait été facile. Elle lui avait parlé d’un monde inconnu de lui. Elle lui avait raconté les forêts de cacaoyers, les lourdes cabosses orangées qui s’accrochaient aux branches, promesse d’une future joie gustative.

Elle ne lui avait raconté que certaines phases du travail long et laborieux pour arriver aux forastéros grillées. Ces fèves torréfiées, prêtes à devenir ce chocolat qui dégoulinait maintenant de son visage vers son corps.

Elle n’avait pas réussi avec Christophe Colomb mais elle devait réussir avec Cortès.
Elle sentit qu’il défaillait de plaisir à lécher ce chocolat, légèrement amer, d’une onctuosité renversante.
Donne-moi le secret….donne-moi le secret, lui murmurait-il avec de plus en plus d’insistance.
Elle savait que si elle lui donnait le secret de cette merveille s’en était fini de ses rêves d’évasion.
Le chocolat continuait de dégouliner sur son corps et lui, tel un possédé, léchait cette sauce délectable, suave et velouté.
Je ne pourrais te donner le secret de la fabrication du chocolat que lorsque je serais à la cour d’Espagne ! Ce n’est qu’une fois arrivée à destination que je te dévoilerais ce secret, qui te rendra célèbre, pas seulement en Espagne, mais dans toute la chrétienté.
Quand le chocolat arriva à ses pieds et qu’il les léchât, elle su qu’elle avait gagné.







Texte d'Anne-Sophie



La sauce au chocolat, chaude et sombre, lui dégoulinait sur le visage sans qu’elle puisse la goûter. Pierre s’amusait à badigeonner les pommettes rebondies de Julie, lui était déjà nappé du front au menton. Un simple pari, un jeu de patience. S’humecter les lèvres ou seulement pointer la langue sur les commissures et le pari serait perdu. L’un et l’autre résistaient à la tentation. L’odeur suave et généreuse du chocolat emplissait leurs narines, envahissait leurs pensées à tel point qu’on aurait pu les croire atteints de chocolisme.

L’idée leur était venue un peu plus tôt dans l’après midi alors qu’ils écoutaient leur professeur parler de Cortès, des Amériques, de Christophe Colomb et de ce fameux trésor : le chocolat. Inspirés plus par le défi que par l’origine des fèves Criollos, ils s’étaient donnés rendez-vous après l’école, au fond du jardin de Pierre. D’un bout à l’autre de la classe un papier plié en quatre avait circulé : « Aujourd’hui si tu goûtes tu perds ! Pierre ».
Dans la cuisine, au fond d’un tiroir, se trouvaient deux ou trois plaquettes de chocolat à pâtisser. Pierre avait déjà vu sa grand-mère faire fondre au bain marie cet or brun, qui à peine tiédi passait du croquant à l’onctueux. Il fit de même et partit rejoindre Julie, casserole et pinceau à la main.
Avant de commencer, elle avait posé sa condition, elle choisirait le gage.
Maintenant son visage était aussi luisant que celui de Pierre. Ils s’observaient, le sourire espiègle, la malice aux quatre coins des yeux. Julie avait un faible pour lui,  son jeu lui plaisait. L’odeur et la faim la tenaillaient, elle sentait sa résistance fléchir. Tranquillement elle se laissa fondre et goûta le bout de son nez.







Texte de Mistraline




Impassible  vénus de cacao Trinidad la caribéenne, alanguie à l’ombre des cacaoyers, déploya lentement sa chevelure jais.
C’était le signal. Juan était invité à se repaître des postures lascives qu’elle lui adressait. Le maître aurait pu le tuer s’il avait été là.  Mais le maître aujourd’hui était parti en ville et Juan le remplaçait non sans délectation…
Le contremaître avait beau éructer des ordres, coordonner les tâches de la cueillette parmi les ouvriers, la plus grande partie de lui-même ne perdait pas de vue la silhouette voluptueuse de la favorite.
La plus exquise des ganaches ne lui aurait pas mieux mis l’eau à la bouche.
Le masque au chocolat que Trinidad s’était appliqué, laissait apparaître un nouveau visage aux courbes et aux creux accentués, son profil s’était littéralement transformé sous la pâte mordorée.  Il avait gagné en rondeur et en courbes, avait pris une ampleur charnelle surexposant une concupiscence exacerbée. La mulâtresse prenait grand soin de son teint qui rappelait à Juan la couleur des cabosses impériales, laiteuses, presque  blanches, les criollos qui donnent les meilleurs crus.
Les lueurs vespérales courraient sur la peau de Trinidad, l’habillant d’un éclat de cuivre chauffé à blanc. Elle délia ses longues jambes et se cambra dans son hamac, usant de toute son expérience et abusant de sa souplesse pour étourdir l’homme davantage. Juan ne la quittait pas des yeux, il voyait ses narines palpiter, il l’entendait inspirer les flaveurs rondes et généreuses du cacao, il percevait jusqu’à ses soupirs indolents.
Le cou tendu, il sentit monter en lui ce désir que seule Trinidad savait provoquer. Un désir si féroce, qu’il lui arrivait de craindre l’irréversible.  Mais rien n’aurait pu le détourner de cette heureuse tourmente, pas même la peur.
 Sous le glaçage luisant, les pommettes de Trinidad prenaient des reflets diaprés, sa langue rose cherchait à grappiller un peu de la précieuse substance, bien que tout ce qui fut à sa portée  avait déjà était léché. L’arôme corsé qui flottait à hauteur de son nez enivrait tous ses sens, les semait  dans un tourbillon d’effluves de fèves grillées, de cuir fraîchement tanné, de baies sauvages un brin acides.  La surface brunâtre jusqu’alors onctueuse, vint à se marbrer, se craquelant de ci de là, le long des sillons peu profonds creusés par son large sourire. Au fond des  prunelles de la sybarite, la jubilation s’installa transformant à nouveaux ses traits de madone érotique en vierge malicieuse. Infliger à Juan ce délicieux supplice provoquait chez elle un plaisir sublime.
Lui, captif transi de ces contemplations toxiques, se savait chocolat…

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