15/05/2011 Objet dis-moi qui tu es, je te dirai qui je suis...


Chacun de nous va profiter du marché aux puces dans Uzès pour acheter un objet entre un et deux euros.
Tous les objets seront mis en commun et chacun prendra au hasard l'un de ces objets.


Nous allons imaginer le passé de cet objet. A qui il a appartenu et comment s’est-il retrouvé là ?

Contrainte : le narrateur n’est autre que l’objet lui-même, il parle donc à la première personne du singulier.



Texte de Dominique :



Je tintinnabule lorsque tu m’agites, je tiens dans ta main, je suis ronde, un peu rouillée également... Le temps n’a pas été clément avec moi ! Si tu m’avais vue dans ma prime jeunesse : j'étincelais de mille feux ! Je suis sortie de l’atelier d’un obscur ferronnier il y a bien longtemps.... Attachée au cou d’un âne, puis d’un suivant... J’ai passé une bonne partie de ma vie à voyager de prés en prés, de bourricots en bourricots... Et je me suis décrochée. Je suis restée  lovée dans l’herbe de longues années, pas de quoi me rendre chèvre, mais presque ! Un promeneur m’a ramassée et m’a donnée à son rejeton. Je l’ai amusé quelques temps : il adorait me secouer pour me faire rire ! Puis il s’est lassé et m’a oublié dans un coin de tiroir...  Un jour, il m’a reprise et transportée avec d’autres objets aussi hétéroclites que moi. Il m’a exposée sur un marché. Tu m’as échangée contre un peu d’argent et m’a offerte. Je sens que je lui plais à ta copine ! Elle n’a pas l’air trop vache... Peut-être que ma vie n’est pas finie ?




Texte de Francine
Sur un galion espagnol fendant la mer vers les villes lointaines, délicatement posé au milieu d’un coffret d’ébène destinée à quelque princesse indienne. L’ouragan et la tempête m’a projeté au fond des océans où pendant trois cent cinquante ans je me suis morfondu, avec pour seuls voisins les varechs et les murènes.
Un soir, ou peut-être un matin, des plongeurs ont repéré l’épave de notre fier vaisseau. Des scaphandriers ont remués les sables, et lorsqu’ils ont découvert l’écrin, ils s’en sont emparés pour le ramener sur leur bateau.
Tout doucement un filet d’eau clair a nettoyé le bois précieux, puis des doigts effilés ont soulevé le couvercle. N’ayant vu lu lumière depuis une éternité, j’ai été ébloui par la clarté. Des mains délicates se sont refermées sur moi, me soupesant, m’examinant. J’ai vu les yeux émerveillés de mes découvreurs et leur visage inspirant confiance me rassurèrent sur leurs intentions.
J’ai été chatouillé par un pinceau imbibé d’un liquide aseptisé, essuyé dans des tissus tendres, choyé et admiré.
De retour d’expédition mes protecteurs m’ont confié au conservateur du Musée de Marseille. Là, des gens très qualifiés au regard froid m’ont étiqueté, catalogué et entreposé avec des centaines de babioles et de verroteries.
Une jeune stagiaire m’a pris en amour et a décidé que je paraderai e, vitrine au milieu des broches et des bijoux.
Puis le temps passant, les conservateurs ont renouvelé leur collection, de statut de merveilles je suis passé en remise où j’ai été oublié dans la poussière et l’ennui.
Suite à des directives administratives, notre étage a été déménagé vers des réserves encore plus profondes.
Maladresse ou négligence, j’ai été égaré et meurtri sur les dalles froides d’une allée, attendant un secours improbable. Pourtant il est venu, sous la forme d’une fillette qui m’a ramassé et passé à son bras. Elle était joyeuse et m’a emmené avec elle. J’ai partagé sa jeunesse avec d’autres amis décoratifs, tantôt dans son coffret à bijoux, tantôt à son poignet lorsqu’elle mettait sa robe légère.
Puis le temps a passé. La fillette est devenue femme et s’est lassé des ses atours….
Et voilà comment je me retrouve aujourd’hui sur un étal de vide grenier à Uzès, où les badauds déambulent nonchalant, me prêtant à peine un regard. Mais je sais qu’une personne viendra, qu’elle m’emportera et me rendra vie et bonheur.




Texte de Monique


Qu’allais-je devenir ?

J’ai honte d’avoir été acheté par un inconnu à un vendeur inconnu qui a baissé le prix pour se débarrasser de moi. Je devais dormir dans son grenier ou au fond d’un tiroir et il a profité du grand déballage annuel dans Uzès pour me larguer. Mais j’ai une histoire, moi, on aurait pu me la demander et traiter mon passé avec respect. A ce propos, je me suis toujours demandé comment j’étais arrivé chez ce vendeur inconnu.
Du plus loin que je me souvienne, je me revois rutilant porte-clés, sortant d’un atelier vauclusien, transporté avec des dizaines d’autres dans de jolies boîtes vers une société de taxis au nom prestigieux : « Taxis des Princes ». Et, soupesez moi. Ce n’est pas de la camelote venant de Hong-Kong. C’est du lourd. Regardez l’élégant dessin, recto verso.
Mon premier porteur fut un conducteur de taxis de luxe, on appelle ça des voitures de louage. Dix ans de bonheur accroché à son trousseau de clés qu’il ne quittait jamais. J’en aurais à raconter des histoires entendues dans sa berline ! Puis ce fut moins brillant. Le fils de ce taxi me voulut à son tour. Encore dix ans très agités, accroché à un trousseau de clés souvent perdu ! Puis je fus remplacé par un affreux scoubidou fabriqué par la petite amie du jeune homme.
Ensuite…j’ai un trou…Non, une scène me revient. Je suis dans un tiroir qu’on ouvre brutalement. Une main nerveuse m’agite, une voix d’ado crie : « Non mais tu ne crois pas que je vais me balader avec cette horreur ! ». Une voix douce répond : « Il m’a porté bonheur, je l’ai toujours gardé même si je ne m’en sers plus ». Le tiroir se referme brutalement sur mon angoisse : « Qu’allais-je devenir ? »


2/ Autobiographie détournée :

De tous les objets qui passent dans nos vie, certains ont plus de valeur que d’autres. Nous savons tous que c’est la valeur affective de l’objet qui nous lie à lui.


A partir de cinq objets qui ont compté pour vous depuis l’enfance à aujourd’hui, soit de façon chronologique, vous ferez le récit du rôle que ces objets ont tenu dans votre vie.


Contraintes : Pour ce récit vous emploierez la seconde personne du pluriel.
Vous devrez également inclure un objet qui évoque un mauvais souvenir.





Texte de Monique


Le martinet


Peut-être n’avez-vous jamais reçu de coups de martinet ? Vous ne savez même pas ce qu’est un martinet. Vous pensez à l’oiseau gracieux ? Erreur. Il s’agit d’un manche en bois au bout duquel on a fixé des lanières de cuir. Une espèce de fouet pour corriger physiquement les enfants désobéissants. Vous n’imaginez pas le souvenir tenace de ses marbrures sur la chair fraîche, entre le bas de la jupe et les socquettes.


Un vélo

Imaginez ce que représente un seul vélo d’homme de surcroît, pour une famille de deux adultes et deux ados. Vous n’avez jamais espionné les vôtres pour savoir qui avait emprunté le vélo sans permission, qui n’avait pas réparé la roue crevée, qui avait cassé la sonnette en tombant pour dépasser un copain…
Vous attendez votre anniversaire avec impatience. Il est là, occase retapée mais, tout d’un coup, vous comprenez que vous allez pouvoir rouler quand vous le voudrez, droit devant vous, libre !


La première voiture

Vous êtes de la ville où tous les transports sont à votre disposition. Vous êtes de la campagne et pour prendre l’unique bus, à un kilomètre de chez vous, vous devez emprunter un chemin caillouteux chaussée de baskets que vous changerez discrètement contre des ballerines avant d’arriver à la gare routière. Un jour de grève, alors que vous errez sur le quai, une petite annonce attire votre attention…Vous vous souviendrez longtemps, avec émotion, de cette première voiture d’une couleur orange si criarde que personne n’en voulait.

Talons aiguilles

Vous êtes invitée chez votre patron qui marie sa fille. Il faut plaire à son épouse qui voit en vous une rivale et a la dent dure. Vous hésitez sur la tenue, la coiffure, le maquillage. Pas trop mais pas trop peu. Une petite robe noire stricte…un peu trop peut-être. Passant devant un magasin de chaussures, une illumination, des vernis noir à très hauts talons vont transformer votre silhouette. Mais quelle épreuve pour les « faire » à la maison afin de ne pas enfoncer les talons aiguilles dans le gazon ou perdre l’équilibre en entrant dans les salons. Pari gagné mais pieds en compote !

L’ordinateur personnel

Dans les années 2000, alors que vous êtes installée à un poste de responsabilité dans votre boulot, on vous oblige à une formation accélérée pour pouvoir vous servir du nouvel équipement informatique de votre service. Jusque là, seule l’équipe des statistiques - installée au sous-sol avec de lourds engins - utilisait de mystérieux matériels informatiques. Un ordinateur personnel trône sur votre bureau chassant papiers, crayons et autres outils préhistoriques ! Vous avez beaucoup râlé, trépigné mais, maintenant, vous ne pourriez plus vous en passer !




Texte de Dominique

Imaginez... vous avez cinq ans, chaque fois que vous sortez avec votre maman, vous passez devant une boutique de jouets... Vous y avez repéré une poupée avec des cheveux bouclés, des yeux bleus et une jolie robe rose en dentelle... Vous vous imaginez la bercer, la coiffer, la chérir... Et un matin de Noel, elle est là, devant vous, elle vous tend les bras. Vous la prenez délicatement : elle vous appartient, c’est votre bébé, votre trésor ! Elle sera la compagne de vos nuits, la détentrice de tous vos secrets...
... Mais le temps passe, vous grandissez, d’autres centres d’intérêts se sont ouverts, vous délaissez votre poupée. Vous devez avoir une dizaine d’années, vous savez lire et vous avez dégotté dans un grenier un vieux livre de contes. L’ouvrage a une couverture de cuir noir, ses pages sont ornées d’un liseré doré, ses illustrations sont magnifiques, ses histoires vous font rêver. Vous le lisez, le relisez. Vous le connaissez par coeur. Chaque page vous procure un plaisir immense, la sensation de vous évader vers un ailleurs merveilleux...

... Puis vous déménagez, dans votre nouvelle maison le livre reste introuvable ! Vous interrogez vos proches.. sans succès... Vous êtes triste, mais la vie vous entraîne vers d’autres expériences. Pas le temps de s'appesantir ! Vous vous découvrez une nouvelle passion : le dessin. Au collège, vous excellez dans cette matière. Pour vous récompensez, vos parents vous ont offert un coffret de peinture. Vous passez de longues heures à dessiner et à peindre, vous apprenez à jouer avec les couleurs, votre poignet se délie, votre sens de l’observation s’exacerbe, vous ressentez de la joie et de la fierté pour chaque «oeuvre» réussie.... Vous ne vous séparez que très rarement de votre petit attirail !

... Mais à la maison, c’est pas toujours la fête ! Votre mère et votre soeur déplorent votre manque de féminité... C’est vrai que vous ne vous plaisez qu’en jean et en baskets ! Un matin de Noel, vous trouvez parmi vos étrennes, une robe en jersey. Vous ne vous rappelez ni sa couleur, ni sa forme... Vous la détestez immédiatement ! Cette robe vous dit : « Je te veux femme et élégante». Vous vous rendez compte que votre désir est nié. Vous fuyez, vous avez à peine dix-huit ans des rêves plein la tête, pas de projets mais l’envie de vivre comme vous l’entendez....

... Et votre vie passe, le temps s’échappe mais vous laisse fidèle à vous-même ! Vous avez passé la cinquantaine, votre mère se meurt... Vous la visitez régulièrement, passez de longues heures auprès d’elle. Un jour, elle vous offre une bague, une bague en or sertie d’une pierre bleue. Vous êtes émue, vous la passez à votre doigt. Désormais, votre mère n’est plus, mais cet anneau, ne vous quitte plus...



Texte de Francine

Vous vous levez un beau matin et soudain des souvenirs assaillent votre mémoire. Vous revoyez cet ours blanc, si doux et si câlin, à qui vous confiiez tous vos chagrins, l’ami de l’enfance insouciante, qu’il fait si bon d’être vivante. Où est-il maintenant, oublié dans le grenier dans la grande malle en osier.

Vous vous imaginez ensuite, déballant sous le sapin, le cadeau tant attendu par l’ado devenue. Cadeau de grand’maman qui connaît si bien sa tribu. Ce magnifique mange-disque rouge qui vous a fait danser nombre de boums endiablées. Pensez à votre joie et votre soif de liberté…

Puis vint les quatorze ans et la mythique mobylette payée par les premiers boulots d’été. Les ballades entre copains, les premiers rendez-vous, le premier baiser volé et les virées de "tente la mort" à qui jouera le plus fort.

Par une défaillance volontaire vous avez oublié l’hideux, l’innommable ! Cet objet bien encombrant qui déboula dans votre vie par un amoureux éperdu et qui se fourvoya grandement dans le choix de son présent. Devinez ! Vous ne le pourrez. Impossible de croire qu’un esprit sain et sensé puisse penser vous honorer en vous offrant…. Un accordéon !! Sous prétexte de dextérité quelque peu maladroite pour le piano et la guitare, cet insipide humain vous fait l’affront d’un tel instrument ! Vite relégué aux oubliettes, tant l’amant que le cadeau indécent…

Il est parfois des inventaires qui s’effilochent au fil des ans. Vous tournez votre cuillère dans le café bien trop sucré, la nostalgie s’est installée. Face à vous dans un cadre doré vous admirez votre trésor, le seul qui compte vraiment et qui touche votre cœur, un grand portrait en noir et blanc de vos filles qui sourient, complices et magnifiques ; et chaque fois que vos yeux effleurent le tableau, la fierté et l’émotion se disputent le ruban d’honneur, mais qu’importe, vous le voyez, elles sont si sages sur papier glacé.

Vous soupirez, vous êtes bien aise. Assez rêvassé, il faut attaquer la journée.


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