22/03/2011 Les mots de Gabriel Garcia Marquez

Petit logorallye à partir de :

« L’incroyable et triste histoire de la candide Erendira et de sa grand-mère diabolique »

Liste d'expressions à inclure pour mettre en scène un ou plusieurs personnages :


Le vacarme des oiseaux

L’ange clandestin

Baisers orphelins

Peau crevassée 

Fesses sidérales

Les ruissellements de la lune

Rage solennelle

Dans le silex du désert 

Le bruit des étoiles


Texte de Patrick


Phrase piochée:

Elle était du genre triste, éteinte par les années. Elle se tenait assise de longues heures dans son fauteuil crapaud, le regard suspendu aux lignes d'un roman historique interminable.


Je parcours cette terre sèche, peau crevassée, vibrante de chaleur, loin de tout point d'eau quand des grues, très haut, se manifestent et cerclent dans le ciel à la recherche d'un abri, criant. Et d'instinct je cherche en ce désert un lieu où me cacher.

J'ai gardé de l'enfance cette peur que le vacarme des oiseaux suscitait en moi, à la tombée de la nuit les soirs d'été. Je me précipitais alors au fond du jardin près de la mare jaune. J'y pressentais l'ange clandestin me protégeant de sa présence calme, me couvrant de baisers orphelins.

Une femme toujours triste, épuisée dans son transat abandonnait un interminable roman historique pour tenter de percer, en vain, les jeux mystérieux que je partageais avec l'ange. Je la revois, énorme, alanguie, étalée dans sa lecture, des fesses sidérales grossies par ces ombres et lumières nocturnes que je prenais pour les ruissellements de la lune.

Il n'y a pas de point d'eau ici et les grues se sont éloignées. Seul, je dispute cette terre assoiffée dans une rage solennelle, ma voix résonnant, vide, dans le silex du désert.
Elle se tient là et l'ange me manque. Dans le bruit des étoiles j'entends le vacarme des oiseaux.




Texte d'Anne-Sophie

Je suis Sarah, comme la vierge que l’on habille et promène au bord de la mer chaque année dans cette contrée encore un peu sauvage peuplée de roseaux et d’étangs. Je suis gitane, je ne sais ni lire ni écrire mais j’aime la musique, surtout celles des mots. Je voyage beaucoup, je parle peu mais j’aime observer et écouter les gens dans la rue, ceux qui, pour la plupart me considèrent comme une voleuse ou une bonimenteuse. Moi je les aime, quand ils parlent je mémorise leurs phrases, je les répète sans cesse, je les décortique et les réassemble pour en faire ma poésie. Nul ne s’en doute, ni eux ni les miens, seul l’ange clandestin entend mes vers portés par l’air.

Mes cheveux sont clairs, ma peau est crevassée par le vent et le soleil de l’errance, je ressemble peu à ces frères et sœurs pimentés de rouge et teintés de cannelle. Ils chantent, crient, dansent au rythme effréné des guitares, je préfère le bruit des étoiles, le silence de la mer. Ils disent que je suis triste, différente, pourtant j’aime vivre et trainer avec eux ; la condition de saltimbanque renouvelle mon horizon, prolonge mon temps. La route est ma patrie et pourtant je suis attirée par ceux qui la jalonnent, qui s’enracinent sous un toit, qui semblent avoir une vie étriquée de principes, de valeurs et d’exigences et dont l’horizon n’aurait qu’une couleur. Je suis fascinée de ce qu’ils savent et que j’ignore, j’apprends de leur culture ce que la mienne ne cherche pas. Je suis à la frontière de deux pays où il me plait de flâner, irradiée par le soleil ou illuminée des ruissellements de la lune.


J’aurais pu trouver un cœur à mon cœur, parmi les miens, comme notre tradition l’impose. Mais je ne le souhaitais pas, je voulais un homme différent de mes zingaro de cousins. De toute façon ils le savaient tous, les lignes de mes mains leurs en avaient confié le secret depuis longtemps.


Un soir, assise sur le sable tiède, j’écoutais le vacarme des oiseaux affamés en attendant de voir pointer au-dessus de la ligne flottante les fesses sidérales d’une lune rousse. Je vis un jeune homme s’approcher d’un pas hésitant, il s’assit non loin de moi. Il avait le regard aigu, un nez aquilin, il me faisait penser à ces grands prédateurs tournant autour de leur proie, lui, semblait être dénué de toute malveillance mais plutôt d’une rage solennelle qui ressemblait fort à la mienne, comme sculptée dans le silex du désert. Avant de nous parler nous nous sommes longtemps regardés, avides de curiosité, laissant naître les prémices d’un désir. J’ai pris sa main et à la lecture de ses grands chemins, j’ai découvert que mon univers s’y était niché. Notre histoire avait déjà commencé, nous allions la poursuivre ensemble et réunir enfin nos baisers orphelins.




Texte de Marie

Phrase piochée :
« L'homme assis sur son banc, le regard fixé sur ses chaussures, tire sur une pipe et fait monter dans l'air des bouffées odorantes. »


Un soir d'automne, dans les faubourgs de la ville, résonne le vacarme des oiseaux de nuit. Les ruissellements de la lune dégoulinent le long des façades blafardes de maisons alignées.



Monsieur avance lentement au ryhtme de sa canne qui cliquète sur le bitume. Avec une certaine allure, il serpente dans le dédale des petites rues jumelles. Il passe devant ce vieil homme assis sur son banc, le regard fixé sur ses chaussures. Il tire sur une pipe et fait monter dans l'air humide des bouffées odorantes. Monsieur ralentit, hume, se délecte. Il traverse les volutes, jolies fesses sidérales dans le halo astral.


Le clic-clic reprend, régulier, sur le trottoir.


Monsieur est presque arrivé, il pousse un modeste portillon puis sonne. Une antique matrone l'accueille dans un élan aguicheur. Elle lui débite son boniment éculé, servi à tous ses invités. Monsieur hoche la tête, ne dit rien. Son regard coule de biais.


La matrone se tait avec une rage solennelle, frustrée de ne plus sentir la concupiscence s'attarder sur sa peau crevassée. La femme d'affaires reprend le dessus, le coeur taillé dans le silex du désert de sa féminité.


Elle présente ses pensionnaires, très professionnelle : soulevant un téton par-ci, soupesant une croupe par-là. Monsieur n'est pas décidé, il ne trouve pas la perdition.


Soudain, devant lui, surgit un ange clandestin qui le pique de son aiguillon. Monsieur tremblote, tout ému. Le Cupidon, un peu timide, quête la décision. La transaction est discrète cependant sans illusion.


Une à une, Monsieur gravit les marches pour accéder à son paradis. Devant la fenêtre ouverte sur le bruit des étoiles, Monsieur atteint laborieusement les sommets de la joie. Il tend les lèvres vers sa bienfaitrice, elle lui laisse ses baisers orphelins. Cette fille n'embrasse pas, c'est la règle d'usage chez les catins.





Texte de Mistraline


Phrase piochée:


Son regard bleu fait penser à la mer bretonne, ses doux cheveux blonds méchés, ressemblent aux épis de blés ondulants dans le vent, sa petite bouche ressemble à une perle rose.



La fin des chuintements stellaires




Les fesses sidérales de Pépita Cookies, la serveuse du saloon de Saltcakecity, tressautaient à chacune de ses enjambées. Ses pieds heurtaient le sol et donnaient l’impression de vouloir s’y planter comme une aiguille à coudre piquant dans le tissu. Tac a tac a tac, tac a tac a tac, ses talons hauts éperonnaient le sol du lever au coucher, donnant de temps à autre l’estocade au plancher, pour prendre la commande d’un client rougeaud avachie sur sa chaise. Régulièrement, elle hurlait contre le vacarme des oiseaux, qui briguaient la moindre miette et se la disputait en piaillant à tue-tête. Pourtant le pugilat sonore des volatiles était loin d’atteindre les décibels incessants des aiguillons de Pépita. Tandis que les baisers orphelins des ses talons traçaient des circonvolutions assassines sur les lattes vernis, son fessier exécutait tambour battant, la rumba du diable. Démarche qui s’apparentait plus à celle d’un thonier prit dans la tempête qu’à la chaloupe voguant au grès du roulis paisible d’une mer d’huile. Tac a tac a tac… Tac a tac a tac…


Mais à Saltcakecity, le culte du bruit était en vigueur ; chaque objet avait son grincement propre, chaque animal éructait des vocalises nerveuses, chaque voix de femme était stridente et chaque homme beuglait comme un veau. Dans les ruelles, le vent s’engouffrait en hurlant comme un damné jeté dans la fournaise, des cactus belliqueux se lançaient des piques à voix basse et les étoiles meublaient le silence de la nuit en pleurnichant leur peur du noir. Paradoxalement, toute cette cacophonie attirait des foules de visiteurs. Ainsi chaque jour des marées humaines étaient déversées par autocars afin d’offrir aux touristes le spectaculaire bruit des étoiles sur un plateau d’argent.


Quand les ruissellements de la lune éclaboussaient le ciel, Pépita fermait boutique et s’éclipsait jusqu’au lendemain matin. Alors dans le silex du désert, aussi sec et tranchant que les pas cadencés de Pépita, une foule de curieux ébahis tendaient l’oreille pour surprendre le chuintement lointain des galaxies.


Le sol de Saltcakecity était une peau crevassée, assoiffée, totalement desséchée, rien d’autre n’y poussait que des cactus vachards. Et si par malheur, le ciel accordait sa clémence, il déversait d’un coup d’un seul, des mètres cubes d’eau dans une rage solennelle qui noyait tout sur son passage. De son côté, le sol restait de marbre, refusant d’absorber la moindre goutte d’eau de ce ciel dédaigneux. Toute la ville était subitement innondée, on retrouvait alors des touristes embrochés ça et là sur les redoutables agaves parvifolia qui déployaient avec générosité leurs longs bras acérés.


Saltcakecity était une bourgade invivable pour qui n’y était pas né. Aucun touriste n’y passait jamais la nuit, avant minuit les autocars reprenaient du service et ramenaient chez eux ces hordes d’ampoulés, marqués au fer rouge par un soleil intraitable qui les avait lentement consumés au fil de la journée. Un soir, un couple de new-yorkais épuisé reprit place dans le bus qui les avait transporté jusque-là, sombrant aussitôt dans un profond sommeil, sans réaliser qu’ils avaient laissé quelque chose à quai. Ce quelque chose avait le regard bleu, les cheveux blonds d’un ange et une petite bouche nacrée comme une perle rose. Ils avaient oublié leur petite fille qui s’était endormie aux portes du désert, bercée par le gémissement infini des étoiles. La petite fille s’éveilla au milieu de la nuit, surprise de ne trouver personne à ses côtés. Sans inquiétude elle s’aventura dans les rues désertes de Saltcakecity accompagnée par des sons lugubres de volets grinçants, de craquement des poutres...


Partout où elle passait, la rue cessait brusquement sa batterie de cliquetis et de grincements exagérés. Mais la petit fille avait le regard émerveillé d’une Alice devant un paysage enchanté ; elle avait la rue pour elle et traçait dans la poussière des cases qui allaient jusqu’au ciel.
Même les étoiles étaient subjuguées, elles avaient cessé de geindre. Si bien que le silence si longtemps banni, revint ce soir là, triomphant. Les habitants se réveillèrent en sursaut, des frissons d'angoisse leurs picottaient l'épine dorsale. Eux qui avaient perdu l’habitude de ne rien entendre, ouvrirent leurs volets pour trouver l'explication à ce silence d'un autre âge.


Tous restèrent interdits en découvrant le petit ange clandestin jouant à la marelle sous les rayons de lune.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

05/10/09 Après le tremblement

12/06/09 La fille d'acier

03/05/2011 Notes de chevet