25/01/2011 Ces mots qui ne font plus couler d'encre...

Pour cet atelier deux possibilités :
1/Ces mots tombés dans l’oubli seront le fils conducteur de notre texte. Texte improvisé, sans autre contrainte que de les utiliser. Car les mots, comme les êtres, naissent, vivent, meurent et tombent dans l’oubli.
2/Sinon, imaginez que ces mots puissent s’exprimer, que diraient-ils d’eux-mêmes, et de leur condition d’exclus ? Anachronisme bienvenu !!


Mots obsolètes :

(s’)écrapoutir : verbe d’origine poitevine, en usage jusqu’au 17e siècle
(s’)écraser, écrapoutir un insecte . L’auto s’écrapoutit dans l’arbre.
(s’)accroupir. Elle s’écrapoutit dans un coin.

Chape-chute (n. f.) : bonne aubaine. Messer Loup ,attendait chape-chute à la porte (LA FONT., F., IV, 16). Je m’imagine pour moi que c’est quelque chercheur de chape-chute. Il est venu sans doute ici pour nous voler.


Misonéisme (n. m.) : haine de la nouveauté, du changement.


Clabauder (v. int.) : aboyer fréquemment sans raison : chien qui clabaude.
Fig. et transitiv., crier sans raison : Ils virent que je ne clabaudais autre chose, sinon qu’ils n’étaient pas plus savants qu’Aristote (Cyrano, Etats et empires de la Lune, p. 103)
Auj. au fig. toujours v. i. : " protester sans sujet ".



Trigauder (v. intr.) : ne pas agir franchement ; chercher de mauvais détours : Il ne fait que trigauder.
Mots rares :

Badebet : Nigaud, ahuri (dép. 16 & 17). On trouve aussi bade-bec : personne qui reste bouche bée, qui est dans la lune. Nigaud (dép. 16 & 79) - Glossaire des parlers populaires de Poitou, Aunis, Saintonge, Angoumois.
Dans Rabelais (v. 1483-1553), Badebec est le nom de la femme de Gargantua, la mère de Pantagruel.

Abalourdir : (a-ba-lour-dir), v. t. Rendre balourd, hébété. Populaire.

Abeausir : (S') (a-bô-sir), v. pr. Marine. Se mettre au beau. Le temps s'abeausit.

Ab hoc et ab hâc : (a-bo-ké-ta-bak), loc. adv. et famil. Confusément, sans raison. Il parle ab hoc et ab hâc.

Ab irato : (a-bi-ra-to), loc. adv. Sous l'influence de la colère. Lettre écrite ab irato. Testament fait ab irato.

Abraxas : (a-bra-ksas'), n. m. Pierre précieuse sur laquelle étaient gravés des caractères et qu'on portait en amulette.





Texte d'Eliane


Debout Peuple !


Debout, bande de badebets !

Jusqu’à ce jour vous étiez bade-becs. Mais c’est terminé.

Debout Peuple !

Le temps du Ab hoc et Ab hâc est terminé.

Le temps du Ab irato est venu.

Que chacun mette à sa porte un abraxas. Nous devons nous reconnaître.

L’ancien régime vous a abalourdi, mais ce temps-là est terminé. Nous allons arrêter de clabauder.

Tous doivent nous entendre !

Hurlez ! Indignez-vous !

Nous nous sommes écrapoutis jusqu’à ce jour mais…..Il….. celui qui nous a obligés à trigauder était misonéiste mais Nous, le Peuple, nous ne le sommes pas.

Le temps va s’abeausir et une autre vie nous attend.

Levez-vous !

Peuple, marchez vers la Liberté !






Texte de Martine

« Va-t-en donc point clabauder chez les voisins, ma garce !! »

 Le vieux se tenait devant la porte sa canne à la main. Il finirait par lui tanner le cuir si elle lui répondait. Elle savait comme personne trouver chape-chute pour le faire sortir de ses gonds. Encore quelques prises de bec et il menacerait de l'écrapoutir comme mouche au carreau.

            Elle avait cherché à l'abalourdir par quelques tours de jupon, mais c'était sans compter les effets de la salve d'injures qu'elle avait lâchée précédement,  « ab irato ».

            Elle avait dépassé les bornes et il  faudrait du temps au temps pour s'abeausir.
Son badebe avait horreur du changement « Misonéiste, avait diagnostiqué le psy et il avait ajouté « psycho-rigide ». Alors oui, pour le supporter, elle allait raconter ses malheurs au voisin, « clabauder » comme il disait. Tant mieux pour elle si celui qu'elle avait fini par rencontrer à force de trigauder était des plus charmants. Elle lui avait donné le petit nom d'Abraxas et aimait à l'évoquer  pour se consoler du barbon rassis qui partageait son lit.

            Secrètement espérait-elle voir le vieux lâcher la rampe la laissant veuve et riche, et toute disponible aux douceurs promises par Abraxas.






Texte de Marie

- « Simon, arrête de clabauder, grand badebet! Il suffit! Tes camarades font sérieusement leur travail d'arithmétique. Quant à toi, tu attends chape-chute l'occasion de faire une gaudisserie! Mets-toi à l'oeuvre dans l'heure! »

Simon était un de ces élèves rêveurs et indisciplinés comme il en existe tant. Passionné par les sciences mais frustré par l'obscurantisme de son maître-curé, il préfèrait battre la campagne à la recherche de quelque trésor à découvrir.

-         « Simon! Tes rêvasseries vont t'abalourdir l'esprit! Termine ton thème de latin au lieu de lanterner et en sus tu ajouteras le verbe "trigauder" à conjuguer à tous les temps de tous les modes.

Terrorisé par Frère Pierre, je me mis tant bien que mal au travail. Au bout de quelques instants, des pensées bucoliques accaparèrent mon esprit.
Je songeais à la petite pierre rouge trouvée près vieux lavoir aux abords du marais. Toutes les légendes poitevines puisent leurs racines dans ces chemins d'eau qui relient les hommes et les villages dans un dédale de cultures et de pâturages, entre les conches et les rigoles bordées de peupliers, d'aulnes et de saules.

Je pensai à hier midi quand j'ai montré mon caillou au vieux Jean, l'ancêtre du village. Il commença par me rabrouer vertement d'oser le déranger avant sa sieste. Je lui tendis le caillou.
Ab  hoc et ab hac, il cracha dessus dans tous les sens. Puis il sembla se calmer et se mit à le polir lentement avec le revers de la manche.

-         « Regarde, me dit-il, on dirait qu'il y a des signes gravés. Moi, je ne sais pas lire peut-être que toi tu saurais?
J'observais, fasciné ce petit bout de roche que quelqu'un avait pris la peine de ciseler. Il y avait effectivement quelques signes malheureusement presque effacés.
Jean reprit soudain la parole. « -Cela me fait penser à une histoire que contait mon grand-père à la veillée. Il affirmait que dans sa tendre enfance, il y  avait un riche commerçant venu de Niort qui vint s'installer ici avec sa magnifique épouse. Celle-ci était une cavalière émérite  aimant à se promener seule dans la campagne. Régulièrement des battues étaient organisées pour la chercher car elle s'égarait souvent. Son époux avait si peur de la perdre qu'il fit graver des cailloux avec des signes connus de lui seul. A charge pour sa femme de les semer pour retrouver son chemin. Par malheur, un beau jour elle ne réapparut point. Après quelques temps de recherches infructueuses, tous se rendirent à l'évidence que le marais avait dû avaler la dame.

Le vieux Jean se leva. « -Ah c'est bien, le temps s'abeaussit. »

Encore tout ému, je songeais à la belle cavalière et à ses bijoux-cailloux.
Sans que je le visse arriver, un soufflet monumental vint s'écrapoutir sur ma joue. Ab irato, je me mis à réciter sans erreur tout le tableau de conjugaison. Frère Pierre parut satisfait et me laissa tranquille.

Après la classe, je repartis chez le vieux Jean. « -Dis-moi Jean, pourquoi le commerçant a-t-il fait graver ces pierres?
- Par ici, on les appelle des abraxas. Ce sont des porte-bonheur. »
Ebahi, je serrai le caillou sur mon coeur.
Au diable, le misonéisme de frère Pierre. Enfant trouvé j'étais, enfant perdu je suis. Je fis rapidement mon baluchon avec mes maigres affaires et pris la route.

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