14/02/2011 En hommage à Andrée Chédid



Travail d’intertextualité à partir de ce poème d’Andrée Chédid que nous utiliserons en respectant l’infinitif et les segments. Le thème sera « La révolte des autocraties », en lien direct avec les évènements actuels en Tunisie et en Egypte, pays d’où était originaire Andrée Chédid.




Saisir

Recueillir le grain des heures
Étreindre l’étincelle
Ravir un paysage
Absorber l’hiver avec le rire
Dissoudre les noeuds du chagrin
S’imprégner d’un visage
Moissonner à voix basse
Flamber pour un mot tendre
Embrasser la ville et ses reflux
Écouter l’océan en toutes choses
Entendre les sierras du silence
Transcrire la mémoire des miséricordieux
Relire un poème qui avive
Saisir chaque maillon d’amitié

(Andrée Chédid)


Texte de Monique

A Andrée


Une petite rue proche de la place Tahrir au Caire. Tout est calme mais, au loin, on peut embrasser la ville et ses reflux.
Abdel est assis par terre, au pied d'une boutique éventrée. Un filet de sang coule de son cuir chevelu. Il feuillette un petit livre pour y relire un poème qui avive son désespoir.
Ali est mort, à côté de lui, sur la place. Il cherche à s'imprégner d'un visage tant aimé.
Abdel revoit leur enfance le long du Nil. Comment ravir un paysage quand on a vécu son adolescence dans les faubourgs de la grande ville, lieux pourris où même la police n'intervenait plus.
Et le vieux, perclu de rhumatismes, assis à l'ombre qui ne savait plus que transcrire la mémoire des miséricordieux et qu'on n'écoutait plus.
Le père ? Pour toute la famille, c'était un mandat hebdomadaire venu d'Alexandrie où il déchargeait les navires. Même au téléphone il ne savait quoi dire et répétait qu'il fallait écouter l'océan en toutes choses.
La mère, instruite, haussait les épaules. Son océan c'était sûrement la Méditerranée ! Elle était encore enceinte de sa dernière visite. L'argent n'était pas tout. Elle aurait aimé flamber pour un mot tendre.
Assise auprès du vieux, épluchant le maïs pour le diner du soir, il lui fallait dissoudre les noeuds du chagrin.
Abdel avait quitté cette misère rurale à vingt ans pour la misère des banlieues où il avait appris la haine. Pourtant, il aimait une copte mais ses parents ne voulaient pas de ce sale musulman !
C'était avec son frère, Ali, qu'il avait pu saisir chaque maillon d'amitié.
Quand ils avaient trop froid, au Caire, Ali disait en rigolant : "Allez, viens, on va absorber l'hiver avec le rire".


Texte de Dominique

Des années dʼoppression, de maltraitance, de misère ont eu raison de la patience dʼun peuple. Il aspire dorénavant à dissoudre les noeuds du chagrin, à recueillir le grain des heures, étreindre lʼétincelle, embrasser la ville et ses reflux, afin que lʼavenir corresponde à ses attentes.

Il désire absorber lʼhiver avec le rêve et non avec la peur et le chagrin.


Cʼest la révolte dʼune population qui dit NON au pouvoir en place, un pouvoir édifié sur la corruption, lʼavidité, la cruauté. LʼEgypte se réveille à lʼinstar de sa soeur, la belle Tunisie.

Elle se sait forte, forte par le nombre, forte par sa détermination, forte par son “ras-le-bol”.
Finie son exploitation par les nantis. Elle sait quʼelle peut, au-delà de la colère, saisir chaque maillon dʼamitié, écouter lʼocéan en toutes choses, lʼocéan qui amène avec lui cet espoir de liberté et dʼautonomie.

Le pays a flambé par trop dʼinjustice.

Il aspire maintenant à flamber pour un mot tendre et transcrire la mémoire des miséricordieux à ses enfants.


Il espère pouvoir à lʼinfini relire un poème qui avive son besoin de dignité et de respect et entendre à nouveau les sierras du silence.



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