13/05/2010 Pique-nique littéraire





ECRIRE à la vallée de l'Eure








Nommez par écrit tout ce qui vous entoure, à la manière d’un inventaire, avec la plus grande précision : formes, couleurs, dimensions, emplacement des végétaux et des bâtiments. Il ne s’agit que de nommer le monde autour de soi, de le décrire, sans y prendre part.

Après quinze minutes d’écriture, chacun lira son texte.
Il va se dégager de chaque texte une atmosphère, un regard. Pour la rendre plus opérante, vous ferez des ajouts qui progressivement ajoutent un suspens. Dans ce lieu quelque chose va se passer.
Ce quelque chose vous sera suggéré par le groupe.
Vous disposerez de trente minutes pour insérer l’idée proposée à votre texte.



Texte d'Anne-Sophie
Lettre à Suzanne
Premiers bruits, le chant des oiseaux éparpillés dans des dizaines d’arbres, le froufrou des feuilles, ponctué du cancan agacé des oies et du passage intermittent des voitures à flanc de colline.
Première image, zoom sur deux cygnes enlacés, au cou gracile, offrant une danse à l’unisson, à peine posés sur l’eau, légèrement fripée par le vent.
Grand angle sur le parc, une palette de vert se décline et embrasse le lieu, tendre, sombre, argent, anis, il est saupoudré au sol de fleurs blanches et jaunes, plus haut de longs peupliers aux branches vacillantes.
Le soleil joue à cache cache avec l’ombre et révèle comme par magie chaque recoin. Il met en lumière l’eau trouble, fait briller les feuilles qui volètent, réveille ou endort tous les petits habitants de cette nature.
Arbres centenaires ou fraichement plantés, le printemps revient chaque année et renouvelle l’instant, si ténu, que seule ma mémoire ravive, malgré l’absence et le désarroi.
Je revois ce temps où je me laissais bercer par le bleu de tes yeux, où nous formions une bulle faite d’amour et de douceur. Puis ce semblant d’éternité s’est arrêté le 13 mai 1940, quand notre présent s’est subitement conjugué au passé. Dans un fracas de terreur, de claquements de bottes, comme une meute aux abois, ils sont venus te chercher, t’arracher à moi, à ta vie, à notre avenir que nous voulions bâtir, à notre histoire.
A l’époque j’étais jeune et j’ignorais à quel point tu allais me manquer, sûrement porté par l’espoir de te revoir après la guerre. J’ai attendu. J’ai guetté tous les jours, puis un peu moins, seulement le matin, et finalement les dimanches après midi. Un jour, j’ai renoncé. J’ai avancé sans toi, construit ma vie avec une autre qui ne te ressemble pas.
J’ai longtemps regretté de n’avoir pu te protéger, insouciant et naïf, je n’ai rien su présager. J’ai réalisé bien plus tard que j’aurais rien pu faire contre ton foutu destin.
Chaque 13 mai depuis 60 ans je reviens fouler l’herbe de cette vallée, seul et convaincu que la vie est un trésor et que ta disparition m’en a donné le goût.
Suzanne , même si la nostalgie ce jour là m’envahit, les oiseaux chantent toujours autant, les arbres sont plus grands et plus forts maintenant, rien n'a changé vraiment, sauf peut être qu’à cette forêt appartiennent ton âme et mes pensées
.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

05/10/09 Après le tremblement

12/06/09 La fille d'acier

03/05/2011 Notes de chevet