12/01/10 Blues du Sahara

Texte d'Anne-Sophie

La chaleur, sourde, qui rend aveugle, se retire, s’évapore et libère de son litham blanc les peuples en mouvance.

Le temps fait sa pause, les secondes rattrapent les heures, le silence cède sa place, enfin j’entre en scène, comme chaque soir, à la lueur des flammes. Le rythme, le son, les percussions accompagnent ma danse et s’envolent dans mes grands bras. Je ramasse les odeurs, les cendres, j’emporte les rires, les psaumes, les pleurs. Je respire leurs souffles, je soulève leur sol, la poussière du passé, je transcende leurs nuits.

J’embrasse la voix d’une femme qui s’élève et fait briller les étoiles naissantes. Lancinante, troublante, ses mots implorent le ciel et les Dieux, l'enfant qu'elle a perdu. Je sèche ses larmes, je laisse le sel se figer sur les maigres lignes de sa peau noire, rouge du feu qui la réchauffe.

Je circule, je vibre dans les entrelacs de cordes et de mains qui s’agitent et scandent le rythme incessant depuis longtemps.

L’obscurité enveloppe l’infiniment petit de son voile infiniment bleu. J’embrasse le néant, j’attise la lumière faiblarde du petit bois en fusion, je suis l’invité des soirs.

Jour comme nuit, je suis le vent courant sur les dunes, le compagnon de route des princes bleus, l'esprit hululant des mille chemins sans fin, des mille chemins, chemins.


Texte de Martine


Pain du désert

Je suis les buissons secs que le chamelier démembre

Je suis le feu de sa pierre

Flamme qui jaillit

Semoule qui roule sous ses doigts

Je suis l'eau rare dans la peau de chèvre.

Je suis la bassine en fer blanc

Où s'abreuve la chamelle

Je suis la main du chamelier

Mêlant l'eau et la farine

Je suis ses doigts vigoureux qui pétrissent et façonnent

Creusent le sable en un berceau

Où se love la pâte

Pain du désert

Je suis le pain des sables

Je suis le pain

Je suis

Je

Le mât de la yourte

Je suis le centre

Le point le plus haut, le point le plus bas

Toute vie tourne autour de moi

Petites choses du matin

Secrets murmurés la nuit

Jour de fête

Autour de moi on déroule les tapis

Les plateaux à même le sol offrent des mets colorés

Les femmes parées sous leurs voiles se bousculent en m'évitant

Témoin de la fête et de la joie

Je sais aussi lire le désespoir sur les visages

Je suis le centre

Je suis le mât

Celui que le Maître a longuement éprouvé de ses mains

Avant de lui confier sa vie et tous ses trésors

Je sais le prix de chacun

Son poids et sa place sous la yourte

Je sais la lâcheté, la faiblesse

L'amour des mères qui donnèrent la vie en mon sein

Je sais l'histoire

Je sais le monde

Je sais

Musiques au désert

Long manteau de soie sombre

Chemin qui s'étire sous le ciel

Eclat lancinant de la flûte

Bourdonnement mat du tambour

Paroles énigmatiques nées d'une rauque gorge masculine

Comme sortie d'un moulin à prières je m'étire

Je suis le chemin dans le sable

Les traces en arabesques légères

Les voiles de brume qui drapent la dune

Au dessus du feu je m'étends

Tel un jeu d'enfant tourne en passant de l'un à l'autre

Chacun marque le rythme à sa convenance

Qui de la tête, qui de la main et qui du pied

Longtemps je tourne au dessus des hommes

Jusqu'à ce que le feu baisse et que pris de sommeil et de froid

Ils posent leurs instruments pous s'enrouler dans leurs burnous

Alors moi, la musique, je chevauche les dernières volutes de fumée

Pour les bercer encore avant que le vent du désert ne m'amène plus loin

Plus loin

Plus loin

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