02/11/09 ALONA KHIMI, Lily la tigresse.

Petit cadavre exquis pour des textes tout en rondeur !

En nous inspirant d'une phrase clé du roman d'Alona Khimi, nous avons écrit les textes suivants à quatre mains.


INCIPIT : « Suant et transpirant, lâchant même de petits pets d’effort, j’avance en me tordant les pieds sur mes plateformes.
112 kilogrammes de femme.
»




Texte de Jeanne


Mon regard se tourne vers mes pas effacés, juste l’instant d’un indifférent murmure de vague avortée par le rivage. Derrière mes fesses enflammées de duchesse en fugue, il n’y a personne. Pas une vie sur le sable imbibé qui chaque seconde apaise sa soif. Seulement le souffle des vas et viens, des vagues qui jouissent sur la plage et que j’esquive comme je peux depuis des hauteurs qui ne me sont pas encore familières. Et merde ! Pourquoi porter de telles échasses, quand jamais encore on a franchi le seuil du mètre soixante-dix ? Me voilà : je suis un flamant rose obèse et solitaire, échoué face à l’infini de l’océan, écrasé sous la cendre d’une voûte sans lendemain.
Je meurs. Noyée par le chagrin. Une goutte d’espoir pendue au bout du nez. Pourtant, il n’y a pas lieu d’espérer. Pas une seule ombre humaine ne se pointe, parallèle à la ligne mouvante que trace le naufrage des rouleaux. Fracassants, l’auraient-ils englouti ? Me l’auraient-ils volé pour guérir leurs grands estomacs de leur vide asphyxiant ? Mon Léo, mon jules, si apetissant… L’océan l’aurait-il adopté, comme le reflet adopte l’image qu’il fait miroiter ?
Non. Les particules d’eau se taisent. Aujourd’hui encore, elles mourront de faim. C’est certain. Léo n’est ni dans, ni hors de l’eau. J’ai fui l’antre chaleureux de notre île charnelle quand la chaleur m’a étouffée de mots blessants, et il ne m’a pas suivi. Il faut se rendre à l’évidence : la plage est vide. Je suis son unique poids. Peut-être ne m’a-t-il pas même regardée partir, Léo…
Alors j’irai franchir le seuil déformé de ma limite d’alcool, encore une fois, ce soir ! Errer comme un bateau de sirène pleurant son Ulysse que le vent a conquis. Je chanterai ma peine en vomissant tripes et boyaux.
Non ! Cela ne se passera pas ainsi ! Léo, tu ne peux pas m’abandonner.
Enlevant mes compensées, je cours le long des raies d’écume, plis de mousseline blanche sur soie grise. Je ne suis pas une femme de pacotille, moi. Je suis une femme ! Femme solide… qui mollie quand elle arrive à la périphérie. Sans son trésor de Léo, caché, enfoui à jamais. Je suis seule face à la nuée des voitures qui m’écrasent sûrement plus que le sol que je pourfends. Je me sens feindre. Bredouillante, trempée de moi-même et écrasée peut-être bien dix, quinze fois, chez moi déjà mon cœur s’en remet. Je m’assis au milieu des escaliers, entre sol et ciel de béton armé. Je prends une cigarette et c’est en l’allumant de tout mon désespoir, ou de toute ma haine, ou désespoir, ou haine - car je ne sais plus ! - que j’éclaire le coin sombre où une ombre gît. Allongé deux marches plus haut, dans la même cage d’escalier.
« Jean ! Qu’est-ce que tu fais ici ? »
« Je traîne ma carcasse. J’ai perdu mon amour. »
« Perdu ! Pfff… Quel orgueil, quelle poésie ! Elle t’a jeté, largué, bazardé… un point c’est tout ! N’fais pas cette tête-là ! Allez ! Relève-toi ! »
Face à mon reflet déformé par un miroir trompeur, face à Jean, ce grand homme maigre mourrant dans mes escaliers en perdant les pédales, je fais la maligne. Je n’devrais pas pourtant… Car je suis face à moi.
« Allez ! Relève-toi j’te dis ! Viens boire un verre… »
Je penche mon large fessier en avant et soulève mon ami Jean. Quarante-six kilos trempés de larmes. Nous emmenons la douleur faire un long voyage au fond d’une bouteille. Nous partons faire disparaître nos corps bouillonnant de pleurs dans la tempête d’un lit.

Ses quarante-six kilos se sont affalés toute la nuit sur mes cent douze au rythme de la saillie tagada. Nous avons mouché la chandelle au moins dix fois. Et au matin, rayonnante, je pète le feu. Quant à Jean, aspiré par les draps du lit, il peine à émerger de ce raz de marée. Il a tout de même frayé avec un flamand rose toute la nuit ! J’imagine que sa tête lui envoie des images de plumes voletant autour de nous, des plumes de nuisette réduites en miettes. Des miettes d’amour…
Et Jean, ces miettes, il ne veut pas les perdre. Se lever, c’est briser la magie de la nuit. Alors il ne se lèvera pas, il ne se lèvera plus. Et moi, Lily, j’aurai beau insister, parader, supplier, il ne bougera pas de là. Il restera au lit toute la vie en attendant Lily.



Texte de Cha'


Mon petit panier rose de chez Touchian est plein à craquer, encore 200 mètres et je pourrais me jetter sur le sofa. J'ai fait le plein,tout ce qu'il me fallait pour oublier ce con de June! Vodka, sels de bains parfumés à la rose, chocolats blanc, noir et au lait, me voila prête pour une bonne soiréé... J'arrive enfin, j'expédie le panier sur la table de la cuisine où gisent encore quelques cadavres de bouteilles. Je vire cette saleté de cardigan en velour prune, qui donnent à mes seins des airs de baudruches surgonflés et j'épargnent mes pieds d'un trop plein de torture en retirant ces plates-formes IMMONDES, que soit dit en passant, Kamille m'avait conseillée car c'est "classe et branché"...
Classe et branché, mon cul oui !
J'ai la plante des pieds en feu,les orteils calcinés et les chevilles qui dansent une mauvaise polka comme après trois litres d'Eristoff. Je m'élance enfin, la tête la première, plongeant telle une fée obèse dans la montagne de coussins en satin.
Et là, je peux commencer à respirer; allongée comme une odalisque, je pioche à l'aveugle dans la boîte de chocolats, c'est mon apéritif à moi le chocolat. Mon plat principal c'est la Vodka! Un petit verre en main, un carré de chocolat blanc en bouche, je fais glisser l'un grâce à l'autre. En prenant une allure de petit rat de l'opéra, je traverse la pièce sur mes pointes qui plient sous l'effort, mais l'alcool, aidant, je tiens la cadence jusqu'à la salle de bain où je me fais couler mon bain rituel. Eau de vie, eau de jouvence. Oublier June; No Problemo ! Oublier mon bain, IMPOSSIBLE. Car dans cette eau de sels et de mousse, je suis telle Vénus sortant des eaux, irrésistible. Mon corps se fait souffle, vif , lascif et même léger. A chaque eau, je renais. Je suis un rat. Un rat de l'Opéra, dans un décor LSD enflammé de couleurs étourdissantes, de rosaces déguelasses qui tournent incessament autour de mon corps vénéré, je suis libre. Je m'élance, voltige, cabriole. Mes courbes et moi, sans entraves, nous nous élançons, voltigeons, cabriolons.Et tout cela dans une ambiance pas très musicale: Applaudissements, cris d'enthousiasme, cris d'admiration, mots crispés, perdus entre deux spectateurs au souffle coupé. Je fais l'hunanimité. j'ai l'adoration du monde entier caché entre les boudins de ma bedaine enchocolatinée, russement arrosée, et une exception dans mes fidèles : Je ne suis plus la déesse de ce con de June !
Juste une conne empâtée à ses yeux. Je me perds au lieu de m'élever, je me saoûle et me gave, et finis ronde et concave. Plus rien dans l'estomac, tout dans les toilettes. Miraculeusement j'y survis. Je regarde l'heure et ma dignité. L'une et l'autre sont largement entamée. Comme tout le reste d'ailleurs.
Le bain: froid.
Ma nudité.
La bouteille de Vodka, et plus de chocolat. De ce qui me reste de lucidité, je m'en nettoie. Du reste aux oubliettes. Je m'assoupis, sur le fond froid, toujours froid de mon sofa. June est partit, tant pis pour lui. Je me drape dans mon dégoût, je me cape sans dessus, ni dessous. Fermant les yeux, le monde n'est plus qu'un tourniqué et parfois un carroussel. Les couleurs de mon rêve seront toujours plus belle que les teintes de mon quotidien. Au rythme rageur de mon réveil, je me lève. Le soleil m'éclaircit. Tout est en ordre. Rien a changé. Seul la bouteille de Vodka vide témoigne de ma soirée passée. je vais au balcon et on me dit bonjour. Un inconnu; La terre tourne inconditionnellement, inexorablement. Je me mets à rire. Je pleure. Je ris. Je pleure. Je ris. Je pleure...



Texte de Mistraline

Oui, je suis cent douze kilos de chair rose tendre, juchés sur des échafauds branlants, suffoqués par le poids de mon corps imposant.
Le corps des statues d’antan, mon héritage à moi… Papa m’appelait son chamallow d’amour, maman, sa petite Botero !
Molle comme un chamallow, massive comme un Botero, voilà le portrait.
Justement, j’allai me le faire tirer le portrait. Je dandinais mes fesses corpulentes à toute allure, les pressant fortement pour ravaler de petits pets intempestifs.
Car on m’avait choisi, moi, la grosse. J’allais incarner la plantureuse qui s’assume, la coquette bien dans sa chair, je serai l’égérie de la gamme « Dodue à souhait » ; Plus on est ronde et plus on plaît.
Pourtant, je me sens quand même un peu engoncée dans cette peau étirée, tendue, prête à craquer. Mais qui sait ?
Peut-être qu’avec le temps, le chagrin, la nostalgie et les soucis, ma peau s’assouplira suffisamment pour que je me sente à mon aise dans mon costume surdimensionné, avec un peu de chance, tout le poids de ma vie se figera dan ma tête, et je rétrécirai.
J’aime le cotonneux, le duveteux, le moelleux, me prélasser, me rouler dans un océan de chaleur qui caresse mes rondeurs.
Orgasmique.
Mais l’heure n’est pas au plaisir.
Ne vous fiez pas à cette expression de jouissance qui déforme mon visage de pâte.

- « Monsieur…
Je suis pressée, voyez-vous je fais dans le business, la mode plus précisément, la nouvelle, celle des bourrelets et des cellules rebelles.
Je suis une montagne de sucreries, jamais je ne serai une de ces allumettes insipides que vous convoitez tant. Cessez de me manger des yeux.
Je ne veux plus jouer la pin-up engraissée. »

Pour qui se prenait-il, ce m’as-tu-vu obscène ?
Fatigant ! D’ailleurs ils sont tous fatigants !!
Les hommes.
Toujours à baver sur le cul des femmes.
Ils n’ont qu’un seul mot à la bouche « cul ».
Mais chercher la caresse, la longueur, la langueur, le plaisir, l’attente, le désir… ça, c’est trop leur demander.
Laissez-nous sentir que vos mains sont des flammes, vos bouches des oracles. Effacez vos rictus de prédateurs qui déforment vos traits et nos sentiments.
Tout se lit dans vos yeux affamés.
Serait-ce mes rondeurs qui vous font rougir ? Où ma fugue soudaine qui culbute votre égo ?

Admirez ! Je suis désirable, je le sais mais je ne suis pas de celle qui conjugue le sexe avec la pause café ou la promotion canapé. Je n’adhère pas non plus à toute cette flopée d’émissions à la con qui fait ses choux gras de quelques strings trimballés par des siliconées qui ont laissé leur cerveau en coulisses.
Moi, le seul sexe qui m’intéresse c’est celui des charmes et des sens, du permis et de l’interdit, celui qui ne marche qu’au désir faisant frémir le corps et l’âme.
Pourquoi avez-vous peur mes porcs ?
Vous dont les femmes vont à la gym tous les mardi soirs à 18H30, vous servent les repas à vingt heures et un ticket express pour la vidange, le dix, le vingt et le trente du mois à vingt-deux heures quand les gosses s’endorment…
Mes petits porcs, Circée est revenue, et sa bouche est pulpeuse et son cul généreux et ses seins sont des monts qui vibrent sous les caresses.

Mais de tout ça, rien ne vous reviendra, vous êtes dispensés !





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