16/11/09 PROSOPOPEE

Nous écrivons à la suite de Simonetta Greggio dans COL DE L'ANGE, en conservant la prosopopée comme ligne d'écriture.

La prosopopée est une figure de pensée qui concerne directement le discours :
Il s’agit de faire parler ou agir une personne absente, un objet ou une chose personnifiée.
On rend présent ce qui est absent.


Il faut choisir parmi ses trois phrases, une phrase inductrice, qui sera l'incipit de notre texte:

Il ne me reste rien, que des nerfs à vifs et l’avidité d’un souffle qui s’épuise.
Je ne suis qu’une ombre claire, un pli d’air sombre.
Je mesure ma béatitude à l’aune de ce que je connais.



Texte de M


Je ne suis qu’une ombre claire, un pli d’air sombre.
Ma mémoire s’efface depuis que je suis là.
Des pans entiers de mon histoire se désagrègent dans ce lieu sans mémoire où ma mémoire est partie.
Dans cet endroit où je ne peux pas me rendre en tant que moi malgré mes efforts désespérés, malgré moi.
Quand enfin sans espérance j’accepte mon absence et me laisse partir à la dérive, je navigue dans ce lieu sans moi ou mes souvenirs ne sont que des bulles colorées.
Et dans ce monde silencieux,
je vois le paquebot brisé s’engloutir,
les yeux de ma mère et ses larmes dorées,
la vierge en bois flotté ou l’on m’a attachée,
l’eau noire,
les lumières,
le sang qui se glace,
le cœur qui s’arrête,
et ma vie qui s’évapore en brume marine.






Texte de Mistraline

La falaise zélée

Je ne suis qu’une ombre claire, un pli d’air sombre.
Un vivant déchu, la poitrine immobile et le souffle à plat.

On m’a coupé la chique du côté des trois Parques et mon fil vole au vent, seul dans l’immensité.
J’ai comme qui dirait perdu le nord et plus encore…
J’ai vu s’ébrouer tant de larmes chagrines et couler bien des propos circonspects comme si la mort m’avait frappé plus rudement que les autres. Tous les chemins mènent à la tombe, moi, j’ai pris les chemins de traverse.
Je suis parti tôt, un matin d’automne pluvieux et tiède, j’ai pris ma besace et par le chemin qui mène aux falaises, j’ai marché quelques heures, le nez sur les cailloux. Je cherchais la pierre…
Inlassablement, j’ai remué la terre, remonté la rivière, inspecté les creux et le lit du courant. Je n’ai rien trouvé, rien qui ne satisfasse ma quête minérale.
Ma sacoche chargée de nautiles fossilisés, je me suis assis sur un bloc de pierre, j’ai sorti mon quignon de pain et mon crottin de chèvre et j’ai déjeuné noyant mes pensées bredouilles dans la mastication.
J’observai les dégâts causés par les pluies abondantes des derniers jours ; l’eau avait ravinée la falaise et fait se détacher par pans entiers la façade en calcaire.
Assis là, j’ai mangé mon encas, serein, les yeux pleins de lumière. Quelques petite cailloux ont roulé près de moi, je les ais regardés sans arrière pensée…
A aucun moment, je n’ai envisagé, anticipé, imaginé, j’ai laissé les choses se faire, continuant un bref instant de mâcher mon fromage au pied des falaises craie.
Mon corps n’a jamais été retrouvé, et pour cause !
Je repose parmi les fossiles, écrasé comme un cachet de cire par un fragment de falaise, zélée.
Je n’ai même pas eu le temps de trembler, juste celui de replier la lame de mon canif avant de le ranger dans le fond de ma poche.
Puis la roche m’a envoyé six pieds sous terre, loin du monde, loin du bruit, loin du moindre passage.
Depuis je suis tel un fossile protégé dans la gangue rugueuse de la roche, qui a totalement engloutie chaque indice de la scène fatale.
Ainsi, je repose sous l’arme du crime jusqu’à ce que quelqu’un vienne soulever la boîte de Pandore.

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