19/10/09 Fabrique de littérature



Pour cet exercice, les jeunes s'attaquent à la même consigne que les adultes !
J'ai sélectionné une phrase composée de cinquante-huit mots.
ces mots leur ont servi a créer l'incipit d'un texte, dont vous pouvez découvrir la teneur ci-dessous :
Texte de Jeanne



Ansedonia, seule, limpide encore
Fond la ligne obscure
D’un sourire éclatant :
Sur l’île, gauche et lointain,
Piombino dresse le soleil
Au dessus des nuages amers,
Dessine la mer,
Et au large sépare son dôme du ciel.

Le jour est là.
Et chaque matin, Ansedonia se lève pour lui. Pour le jour qui ne se lasse de naître, à la fois nourrisson et vieillard. Pour l’aube. Pour Piombino. Piombino qu’elle observe au loin, assise sur la mousse tiède. Piombino, le chasseur d’ombre, le gaillard aux rayons.
Il joue de ses grandes jambes dansantes en sifflant les débris encore brûlants de sa nuit guinguette, et, toujours à l’heure, installe l’échelle tout contre le pan étoilé qui domine la mer endormie dans son manteau de nuage. C’est là qu’Ansedonia illumine son visage de rides et de rosée. Juste à cet instant là, quand Piombino, en équilibre sur le dernier barreau, un peu ivre encore, installe le soleil entre ciel et mer.
Cet instant là, elle en a besoin pour bien jouer. Pour saisir la sensibilité de son personnage, de cette femme de Terre qui laisserait s’évader toutes les perles de son corps nu, éblouie de nature face à la beauté d’éther de sa sœur marine embrasée. Elle a besoin d’être là quand le décor laissé la veille est remplacé par celui du premier acte, au matin. Quand Piombino, le régisseur de plateau, les poches pleines de rires narcotiques, fait glisser le morceau de décor nocturne en dehors de la scène, substitué par le flamboyant d’un début.
D’un début de journée de théâtre.

Là, quand elle sourit à la mer de carton soudainement ensoleillée, assise seule dans la grande salle sombre, Alice peut commencer à être la sauvage Ansedonia.




Texte de Cha'

Au milieu du ciel obscur, Piombino dessine un soleil éclatant, qui sépare le dôme lointain de nuages, de la mer encore limpide. Ansedonia se dresse, gauche, au dessus de Piombino, et fond comme une large ligne de nuages poussés par le vent.
Elle le regarde, étrange, se dit-elle, il n'a au fond des yeux que le reflet des vagues.
Il garde les yeux vers le ciel, poursuivant sa quête imaginaire, cherchant des formes familières, dans cette masse de nuages qui s'amassent avant l'orage.
M'aime t-il ? A quoi pense t-il, se demande t-elle ...
Le vent continu sa course, le fil du temps s'écaille, s'effile et se perd. Elle le regarde, un large sourire aux lèvres. Lui, absorbé par un songe ne la regarde toujours pas. Ansedonia est rongée par l'attente de cet être qu'elle a tant aimé. Elle se balance, le rocher est solide, il ne la voit pas, il ne l'a jamais vue. Piombino dessine encore, les yeux grands ouverts, il rêve, il s'en moque, il s'en fout. Elle se balance encore, le fil du temps est tombé à l'eau depuis longtemps. Elle glisse maintenant, son corps ne fait plus qu'un avec la roche, bientôt ses pieds dans le vide, puis ses jambes ... Ansedonia tombe.Le bruit des vagues est sourd, le ciel toujours plus sombre.Piombino baisse les yeux, l'orage éclate enfin.





Texte de Ben


Le dôme limpide dessine une mer. Au fond, lointains, des nuages encore éclatants de sourire mais gauches. Le soleil se dresse au-dessus du golf obscur. L’île est sur une ligne. Seul. Amer. Au milieu du ciel, s’amassent Ansedonia et Piombino, armées d’Elbe.
L’Île a le flanc meurtri par les vagues. La tempête, au fond de lui. Ansedonia et Piombino regardent le sourire des vagues se transformer en spirale une fois tubes. Anonymes, les deux étoiles ignorent le témoin apeuré de ce spectacle. La flaque. Pas la peine qu’on lui dise qu’elle n’est pas à sa place. Elle est bien seule entre l’Île qui gronde avec la pluie et les deux Femmes-constellations que l’éther efface doucement de ce plan de l’imaginaire. L’Île se déterre. Il n’est qu’une âme qui gronde sa nature, son essence. Ô miracle amant du mystère, ô mystère amant du miracle. Il y a une femme sur l’île, une humaine. Son histoire est celle d’une étrange chanson chantée par un homme noir au sang de son. Elle nagea pour fuir ; fuir les galères, elle nagea jusqu’à l’île. Mourrant à l’accouchement de l’enfant qu’elle portait, elle s’endormit avec le sourire des chants de sa jeunesse. L’île demanda au nouveau-né que la pluie baptisait : « veux-tu être un avec moi ? Être nouveau qui sait, sans savoir, ta mort proche. »
Et le corps du jeune enfant fut prisonnier dans l’œuf des mots qui crée les histoires. Au soleil évanescent, l’Île n’était plus. Un foetus d’homme gisait sur l’eau. Sa peau était noire de l’écorce des arbres et de la terre, ses cheveux rugissaient la jungle, ses yeux bleus avaient l’horizon des mers et ses lèvres la pureté de ceux qui n’ont jamais rien prononcé. De loin, il voyait, dans les étoiles, les spectres entrecoupés des constellations des jumelles de l’Elbe, la foudre qui tranche. Emporté par le vent, nu, l’île montait. De plus en plus vers ses amours qu’il contemplait depuis toujours. Le doute arriva comme un blanc dans la symphonie de son esprit. Etaient-elles atteignables ? Puis le froid. Petit à petit, la perte de son pouvoir anéantissait son humanité. Il redevenait nature. De son ventre poussaient des racines, ses pieds, ses jambes se transformèrent en roche qui déboula dans l’espace. Ses flancs redevinrent du sable, ses yeux de l’horizon, ses oreilles du vent, sa bouche des ruisseaux et son sexe une terre fertile et sauvage. Ansedonia et Piombino le sauvèrent des griffes de sa retombée, mais l’Homme a douté ; il n’est plus qu’errance.
Ainsi naquit la légende des terres volantes au pays d’Elbian. Depuis toujours les vieux sages de ces lointaines contrées apprennent aux jeunes garçons que pour être un homme, il ne faut jamais douter de soi.

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