08/09/09 MURAKAMI




Cette année, nous allons voyager...

Nous débutons par le Japon avec un auteur emblématique, Haruki Murakami.

Ici, les éléments sont omniprésents ...



Texte de Marie-Pierre


Le vaisseau coula en 1720. C’était le plus grand bateau jamais conçu, à la gloire du roi Gustav. Il était destiné impressionner l’ennemi polonais, à affirmer à la face du Monde la puissance du royaume. Il comportait quatre étages. Trois cent matelots, moussaillons, vigies, duniers, hommes de quart… étaient nécessaires à la manœuvre. C’était un géant de bois noir, ventru, hérissé de canons, de sculptures flamboyantes, de figures de proue colorées. Ses voiles, immenses, étaient destinées à se déployer par delà les mers.
Pour sa toute première sortie, qui devait être un jour de gloire, le plafond de nuages était bas, et bien qu’il restât encore un peu de temps avant le coucher du soleil, il faisait déjà très sombre. Des rafales de vent traversaient l’obscurité en sifflant. Le vaisseau majestueux quitta son chantier en traversant silencieusement l’eau du fjord, vira difficilement de bord pour contourner la première île de l’archipel, parvint à se redresser, toutes voiles dehors. Au virement de bord suivant, le vice de conception devint évident, il pencha inéluctablement, puis ses voiles magnifiques touchèrent la surface de l’eau, s’enfoncèrent doucement et il se retourna.
Il sombrait, albatros déchu, engloutissant avec lui les pauvres vies des hommes laborieux qui avaient cru, en s’engageant, à des perspectives de richesse. Et toute cette splendeur, ce luxe inouï destiné à éblouir le Monde, menacer l’ennemi, s’enfonçait lentement au tréfonds de l’océan, anéantissant les espoirs guerriers d’un roi avide de conquêtes.
Les algues prirent peu à peu possession des charpentes et ce fût comme une cité engloutie, avec ses coffres visités par les poissons, les ustensiles balayés au gré des courants sous-marins, les squelettes éparpillés. Et le temps passa, transformant le bateau maudit en légende.
Deux cent cinquante ans plus tard, l’histoire restait toujours dans les mémoires. Du vaisseau, plus aucune trace, le travail de recouvrement de la boue ayant fait son œuvre, on ne savait plus trop où situer sa dépouille. Mais des hommes opiniâtres cherchaient encore. C’était l’époque des pionniers de la plongée, équipés de leurs scaphandres équipés de grosses boules métalliques, avec un hublot pour la tête, avec pompage de l’oxygène à bord d’un bateau. Certains cherchaient le vaisseau immergé depuis des années.
Et un jour, presque par hasard, l’un de ces pionniers de la plongée le trouva. Ce soir-là, un rayon de lune aiguisé comme un sabre éclairait la ligne du rivage. Les vagues d’hiver lavaient le sable, presque sans bruit. Ce fût sans doute cette beauté de l’océan et cette plénitude lumineuse, qui inspirèrent le plongeur. Quant la carcasse déchue fût découverte, il y eu un silence encore plus grand sous l’eau, comme si le temps s’arrêtait, ou plutôt reculait de deux cent cinquante ans.
Puis ce fût le temps de la réhabilitation. Le géant fût peu à peu arraché à sa gangue de boue. Il apparut d’abord comme en filigrane sous la surface de l’eau. Et c’était comme un fantôme rescucité d’entre les morts, des retrouvailles avec un ancêtre perdu. La carcasse reprit progressivement vie, les objets du passé débarrassés de la boue noire qui les ensevelissait retrouvaient leur forme initiale.
La nuit, sa silhouette sombre se découpait en contre-jour devant l’océan proche et il faisait de nouveau illusion. Les nuages dessinaient des ombres chinoises derrière ses mats brisés comme si ses voiles allaient encore le porter vers d’autres horizons. Les feux allumés sur la plage lui redonnaient vie en faisant luire les vagues. Et les flammes avaient l’air d’accepter, d’avaler en silence, de comprendre et aussi de pardonner tout ce qui se trouvait autour d’elles. Pardon pour les vies englouties, pour la vanité du désir de puissance, pour les guerres passées. Pardon pour l’oubli, l’aveuglement.


Texte d'Anne-Sophie

La plaine disparaissait sous un ciel déguisé, grisé par un Soleil brûlant touchant presque terre, tiède.

La rencontre se promettait charnelle, faite de feu de sable de vents.

Le plafond des nuages était bas, et bien qu'il restât encore un peu de temps avant le coucher du soleil, il faisait déjà très sombre. Des rafales de vents traversaient l'obscurité en sifflant.

Vents chauds vents froids, tels de grands bras, ils se disputaient l'enveloppe. L'un se voulait fourreau l'autre voile dansant. Le chergui virevoltait sous des airs de cerf-volant, et dessinait des volutes autour de cette bise affamée.

Un rayon de lune aiguisé comme un sabre éclairait la ligne de rivage. Les vagues d'hiver lavaient le sable presque sans bruit.


A l'orée du soir, se tenait un ballet passionnel où seul un feu attisé résistait aux souffles continus. Derniers rayons glissant vers le néant, la pénombre étreignait de son litham ciel et mer sans trace ni limite, sauf peut être encore celle du baiser entre le sable et l'eau.

Les flammes avaient l'air d'accepter, d'avaler en silence, de comprendre et aussi de pardonner tout ce qui se trouvait autour d'elles. Flattées par les vents, elles se montraient rondes, chatoyantes, à la recherche de l'enveloppe, elles s'enlaçaient secrètement jusqu'au bonheur ultime, aux derniers fragments de bois crépitant lentement dans l'intimité de la nuit.

Sous la douce lueur de la lune gracile, la plage s'apaisait et s'abandonnait enfin à la berceuse de ses vagues en attendant de frissonner encore sous les premières gouttelettes de l'aube.




Texte de Mistraline


Les grains de zircons nichés dans le sable, luisaient de-ci de-là, semblables à de lointaines étoiles. Chaque lampée marine, voyait leur éclat s’éteindre, sporadiquement inondées d’une mousse blanche. Ils scintillaient ainsi, au bon vouloir des va-et-vient de l’océan. Sur la plage damée, lisse comme la surface d’un lac, des nuées de vapeur semblaient s’élever. Aucune empreinte, aucune trace, juste une ombre effilée. Un rayon de lune aiguisé comme un sabre éclairait la ligne du rivage. Les vagues d’hiver lavaient le sable presque sans un bruit. Langoureux mouvement dans un mutisme sensuel où se rejouait toute l’origine du monde : l’accouplement des eaux et des terres. Lentes caresses infinies du troublant coït éternel.

Le sable, immobile comme un bloc de marbre ne semblait pas frémir ; la mer, sereine, s’appliquait à aller et venir ainsi toutes les nuits.
Au matin, le soleil frileux semblait avoir prit ombrage des ébats nocturnes de l’indolente plage et du lascif océan. En peu de temps pourtant, il irradiait, et répandait sur le sable, ses éclats d’or.

Sous son étreinte trop étouffante, la plage suffoquait, se desséchait, se craquelait et n’offrait plus qu’un visage miné.
Parfois, le plafond de nuages était bas, et bien qu’il restât encore un peu de temps avant le coucher du soleil, il faisait déjà très sombre.
Des rafales de vents traversaient alors l’obscurité en sifflant, colportant des paroles d’ailleurs et des bruits du lointain ; des chants et des cris, des rires et des râles, des joies et des pleurs.
Un soir, elles apportèrent sur la plage de petits charbons ardents qui s’agrippèrent au moindre graminée, enflammant la plage d’un coup, d’un seul, la rendant rougeoyante, émouvante.
Les grains de zircons crépitaient sous la braise et la mer amoureuse venait les rafraîchir, lampée après lampée. Les flammes avaient l’air d’accepter, d’avaler en silence, de comprendre et aussi de pardonner tout ce qui se trouvait autour d’elles.

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