26/06/09 Proust façon atelier d'écriture

Le principe est simple: remplir le fameux questionnaire et utiliser toutes les réponses pour inventer un texte qui vous mène par le bout du nez !


Texte de Jeanne

L’honnêteté, on lui a dit un jour, c’est ce qui perd ses jambes dans la barbe du naturel. L’honnêteté est cul-de-jatte : elle ne fuit pas. L’honnêteté est sauvage et indécente : elle ne se farde pas. Elle ouvre la bouche, ou plutôt elle entrouvre les lèvres, et elle vomit des mots. Des mots mous dans toute leur puissance, des mots durs qui tombent comme les globules rouges de la vie tombent en Automne. Et puis des mots soyeux, caressants, vifs et cassants, tous aussi ridicules avec leurs torses bombés de légionnaires de la conversation. Elle vomit des mots vains et des mots vides. Des mots insignifiants que personne ne comprend. Des mots qui habillent les vies tels des fourrures contrefaites sur des catins trop courtoises pour être honnêtes. Mais aussi des mots tout nus. Des mots vrais, des mots justes, des mots sans mesures ni portée. Des mots rêvés, sans logique, sans arrière-pensées. Les mots ne parlent pas mais c’est elle, insipide cascade bariolée, qui les laisse s’envoler. Elle se fie simplement aux images crues de la nuit, car l’honnêteté est un songe neurodégénératif.
Si elle se respecte elle évoque la rancune. La rancune, elle, a fait un beau voyage. Elle est née dans les poils d’un nez follement velu, dans l’air putréfié par la fierté de toutes les vies violées qui marchent dans la rue. Elle est vêtue d’un costume de baladin baratineur, bariolé et rafistolé mille fois, car la rancune s’appauvrie mais elle s’amuse. Elle marche, elle voyage, elle voit. Elle danse les claquettes dans les esprits trop larges pour être propres et ordonnés. Toute la nuit elle fait son habile numéro ; toutes les nuits elle étale son talent de pitre dérangeant. Son sourire scintille de bonheur, de réussite, au milieu du goût amer et irritant de l'infâme fumée empestant son univers insane. Elle rit, elle a confiance, elle sait qu’elle tombe, mais qu’importe ! Elle vit. Elle ne meurt jamais. Elle est un kiwi, mou, qui traverse l’écran dans l’obscurité. Toujours. Sans jamais s’écraser. C’est un phénomène physique inexplicable par les scientifiques. C’est la chute perpétuelle du kiwi trop mûr.
Mais il y a mieux. Il y a la clarté obstruée par les étoiles du voile, lorsqu’à force de tourner en rond, elle finit par tourner en rond vraiment, dans sa peau et sur l’herbe cramée. Tirebouchonnant pensées, elle gravite finalement dans le chiendent d’été. C’est une des solutions à la chaleur pestilentielle de la frustration quand on ne peut pas se brosser les dents. Pâte, coton et fils microbiens. Son inconscient lui dictera toujours des fragments d’existence trop légers dans l’air, des fragments de vie cassés dans les conduits étroits de vos tympans aveugles. Faire la toupie, c’est éviter de vous suivre, vous autres ignorants, dans vos futiles escapades aux stupéfiants.
Aux artifices elle choisit l’art. Le fameux tableau fictif de la salle de classe il y a deux ans. La carte de l’Argentine, fade dans un rayon poussiéreux, discrète sur la peinture de plomb vert qui meurt doucement, malade sous les néons, dépressive sous les voix ternes qui l’agressent à chaque instant. Encore cette même salle, avec pour seule consolation l’odeur âcre et jaunâtre d’un pissenlit de jeunesse, oublié là, un jour, à jamais perdu entre les cloisons trop épaisses, loin des perroquets d’Asie et des mangoustes d’Alaska, seul et nostalgique. Mais aujourd’hui les objets ont mués, et la bouche en cœur chantent Boris, l’amie Gavalda et Monsieur Makine toujours émouvant avec son air ultime de vieux jacasseur humain. Ils chantent, aphones et troublants, et Cendrars le jaloux,rapplique encore pour nous réciter ses voyages, sa vie, sa piquette et les courbes de sa concubine. « Et puis savez-vous que Zooey s’est mis au violon, et que Franny joue divinement du piano ? » Qu’importe ! Car Vivaldi ne sera jamais Rachmaninov, et Renoir ne sera jamais Monet. Et David Guilmour ne sera jamais mort. Tout comme moi-même, héroïne de mon monde. Tout comme Molière, l'immuable Messie.
Pour parvenir plus promptement au terme de cet assommant monologue, il faut changer la toile de fond. Un couloir.de l'imagination. Une valise aérienne cogne les murs et tâtonne l’humidité. Elle lutte pour rentrer, encore une fois, dans ce rêve où César-le-connard se bat à Stalingrad avec trois soldats de l’ONU en train de faire des galipettes dans une camionnette. Tout cela pour défendre l’avortement et le droit indéniable de produire de super-crachats assis seuls devant un beau paysage.
Ami lecteur, si tu existes, ne désespère pas. Mon cervelet aussi est agité, remué, contorsionné, retourné et même broyé pendant qu’on y est. L’hôtesse de l’air et son chignon serré se dandinent en hurlant « Le vol est terminé ! » Alors bon, on n’parlera plus d’tout ça, bonjour Paris et Hakuna Matata
!

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