19/06/09 Le petit fictionnaire illustré


Dans ce dictionnaire le burlesque rime avec le génial, aussi nous nous sommes amusés à piocher à l'aveugle dans ces définitions. Les textes obtenus incluent tous les mêmes définitions.



Texte de Véronique Aguilar

Une scène de la vie quotidienne


Combien de fois l’ai-je vu faire ? Combien de fois l’ai-je fais moi-même ? Plonger la main dans la panière de linge sale. Chercher. Trier. Chaussettes, caleçons, T-shirts, pantalons rugueux…
Je ne sais pas. De ce geste précis, répétitif, habituel qui revenait tous les soirs comme le rituel du coucher. Laver les dents, pige-moi-ça, histoires en lecture avec papa, chanson en impro avec maman. Quand dans un silence religieux, ma voix revenait à mon ventre, mon corps se levait doucement comme un félin, et se glissait dans la salle de bain pour enclencher la machine à laver.


Au matin après le petit déjeuner, quand je voyais mes trois enfants descendre la pente de la route goudronné qui les menaient à l’école, je retournais à la machine. Le hublot vomissait un linge torsadé aux couleurs sombres dans la panière plastique (l’or noir oblige !). Je traversais l’escalier comme une pute des stations de sports d’hiver, peu importait les saisons qui traversent les hauts sommets, voltigeant de chambre en chambre jusqu’à la terrasse.
La Terrasse, mon Babylone, mon jardin suspendu, haut lieu de mes caresses sensuelles que je me faisais à moi-même quand sous le soleil de midi (14h pour les urbains) je dansais couverte d’argile sous le jet d’eau devant la place du village endormie.


Chargée de la panière à linge, la terrasse du petit matin était lourde de sommeil, trois longs fils étaient tendus entre ses murs. Et là, avec l’horloge de la place pour seul témoin, j’étendais les vêtements de la famille.
Une fois à table j’avais lancé pour rire, bien que ce ne fusse pour me délivrer de signes avant coureurs d’une intimité trop étouffante : « Savez-vous qu’une paire de chaussettes est double, qu’elle se multiplie par quatre, car c'est quatre hommes qui sont à la maison, et que vous changez de chaussettes tous les jours ! Combien de fois j’accroche et je décroche vos chaussettes par semaine ? Par mois ? Par an ? »


Le plus grand avait fait son compte, suivi de peu des deux cadets qui aimaient rivaliser en calcul mental. Ce fameux calcul mental qui me posait de terribles questions existentielles sur l’imposture de mes capacités, de mon intelligence, de ma ruine, de ma vie toute entière. Et parfois même encore aujourd’hui je me répète ces vers « et quand il croit ouvrir ses bras, son ombre est celle d’une croix, répétez ces mots ma vie et retenez vos larmes »
L’ennemie était mon ombre, lourde et secrète comme un complot parfait ourdie en rêve pour terrasser la femme enchainée que j’étais devenue. Mon ombre appelait en secret les forces invisibles du destin pour qu’enfin je redevienne libre, juste libre et puis c’est tout.



Texte de Ben


Une scène de ménage réglée et ennuyeuse comme un mécanisme d’horlogerie. Le mir à droite et la lessive st marc à gauche. L’homme dans la salle de bain et la femme dans la cuisine. Astication, manche à balais, éponge et mousse. Une scène de ménage tic et tac. Quant à l’enfant, il se complet dans de fabuleuses et fantasques formes que féérise une cuillère à soupe. Tient, là, il avait la tête de Mafalda, une fille habillée comme une prostituée des stations de sport d’hiver, c’est-à-dire un string et des portes jarretelles en doudoune rose. Il s’en faisait des délires le petit bout de chou avec cette cuillère qu’il avait volée chez sa grand- mère. D’ailleurs, à ce propos, quand ces parents l’emmenaient chez sa grand-mère, il avait toujours ce regard amusé que lui seul pouvait comprendre. Au soir, auréolé de cernes, quand son père et sa mère faisaient trop de bruit pour qu’il s’endorme, il attendait, le sourire aux lèvres, l’instant fatidique. Cet instant, où sa grand-mère, probablement émoustillée par toute cette vie chez elle, se faisait ses habituelles caresses sensuelles à elle-même et qu’au zénith de son auto plaisir, elle crierait à faire pâlir un groupe de hard métal en concert. Dès lors, on entendait un léger rire parental signe, avant-coureur d’une intimité étouffante, puis enfin le silence. Le garçon pouvait s’endormir et imaginer des complots parfaits ourdis en rêve contre ses ennemis. Que ses parents détestaient son petit sourire.

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