12/06/09 Caviardage


A partir d'un extrait d' Une fois, un jour de Erri de luca, nous allons créer un incipit en caviardant l'extrait de la façon qui nous plaira.
Silence !



Texte de Maria

L’arbre

Se taire, être encore plus silencieux, était une consigne difficile a garder a l’esprit mais s’y appliquer était un effort riche d’enseignements, dès que je me suis assise mes pensées se sont accélérées, elles passaient dans ma tête comme des rafales de mitraillette pendant que mes jambes s’agitaient à l’unisson.
-« Comment faire », « Je vais m’ennuyer », « Ca va être long », « Je n’y arriverai jamais »
Tous ces mots me submergeaient davantage dans les flots de mon sentiment d’impuissance. J’avais le ventre noué.
–« Je suis nulle ! »
Je me suis approchée de la fenêtre cherchant une pause, un répit, et là je vis l’arbre, le vieux murier ancré dans le jardin.
Je regardais admirative sa frondaison moelleuse pulser imperceptiblement, se gonfler et se creuser avec le souffle de la brise.
J’inspirais cette suavité verte, elle me recouvrit d’un duvet velouté et brillant, elle m’aspira…
Je sentis l’arbre immense des profondeurs, deux fois plus grand que l’arbre aérien, je le senti tâter la terre avec ses racines, chercher son chemin dans l’obscurité tiède, tisser des filets de radicelles, et des tapis de fibrilles explorer strate après strate à la rechercher de l’eau.
Inlassablement silencieusement.
J’étais loin, loin dans le cœur de la terre, la où la sève dorée prend son essor pour se propulser au printemps jusqu’au bout des branches.
J’étais là, naissant encore et encore avec chaque bourgeon, grandissant avec chaque feuille, buvant la lumière des l’instant ou le soleil se lève, produisant ma propre substance…
J’étais l’arbre immobile et silencieux, enraciné pour toujours dans ce coin du jardin faisant face au temps qui vient
.




Texte de Catherine Lanos

Un silence qui en dit long….
Un jour, dans l’habituel vacarme des ruelles résonnantes, un jour comme un moineau sur une branche, la voix du vent se tut. Et d’un coup, le monde ne fut plus jamais le même. Les gens se mirent à murmurer en respirant doucement l’haleine de leurs mots en échappées ondoyantes. Tu vois comme un champ de blés mûrs.
- Dis, tu entends le silence ? Il parle. Tu le sens le silence ? Il caresse l’air immémorial du temps. Et les gens soudainement heureux se mirent à dessiner ici et là avec de grands gestes des symphonies d’aurore boréale en feu d’artifices créateurs. Et les porteurs de cette flamme nouvelle, tout intrigués par ce grand trou face au mystère, ressemblèrent à des enfants libres et insouciants. Ah le bruit du silence comme un moineau dans les ruelles, c’est quelque chose !
- Dis, as-tu déjà essayé d’attraper le silence ? Difficile n’est ce pas ? On ne sait jamais quand il surgit au détour d’un mot ou d’un regard et surtout d’où il arrive. Et soudain, il est là devant toi. Il t’enrobe de sa musique. Et tu sais alors que jamais tu ne le saisiras. Tu fermes tes yeux filet à papillons et sa fraîcheur coule en source bienfaisante. Alors, tu t’assois à l’écart, là sous le ciel face à la nuit scintillante et tu lui fais une petite place contre toi. Tu aimes son nom Silence. Si-len-ce… intérieur. Quel mot plein, parfait, harmonieux. Tu prononces et détaches avec gourmandise les syllabes qui l’habille et tu les mets sur ta langue bonbon. Silence, silence, silence. Et enfance pour la rime. Tu sais que ce soir, il est ton ami. Et que ce soir, en panoplie de lumière, il se teinte des couleurs de ta vie : bleu, mauve, jaune. Tu es si bien que ton cœur vibre d’un espoir absolu. Maintenant, l’aube d’été s’étire dans les arbres. Il est temps. Tu prends un pinceau ou bien un crayon selon l’envie et tu cours en silence vers le monde. Les hommes. Car tu le sais, seul le silence permet de contempler l’autre. Seul le silence rend audible la beauté du monde. Et le long de la page blanche, le silence fait un drôle de ramdam.
Pourtant quelquefois, il se montre versatile, angoissant. Silence. Indifférence pour la rime. Solitude pour l’angoisse. Tu es si seule. Morte, desséchée. Déshydratée de solitude. Les hiéroglyphes restent de pierre. Pétrifiées dans une épaisseur sans accès. Personne pour les lire, les comprendre. Personne pour te parler et t’écouter. Ça fait un drôle de craquement en toi. Silence assassin. C’est Mozart en pluie tout seul en route vers la fosse commune. Tu te mets à pleurer. Il fait si noir quand les mots se taisent. Tu penses au vers du poète : « Silence, soleil, cou coupé… ». La nuit du silence compact t’avale. Tu rêves à Echo, la nymphe amoureuse et maudite qui n’a pas pu se faire aimer par Narcisse noyé dans sa source-image. Elle en est morte, avalée par son silence éternel. Et ça fait un drôle de ramdam dans ta nuit.
Mais aussi quelle étrange grammaire que celle du silence. Nominatif, accusatif. Silence dans les rangs ! Silence, circulez, il n’y a rien à voir, à dire, à échanger. Et pourtant ce silence là en dit long, se dit la petite fille malade dans sa chambre d’hôpital où rôde un silence mélancolique, gris et triste. Un silence mortifère à couper au couteau. Alors pour l’oublier ce silence là, elle en invente un autre. Un silence-musique qui s’élance dans le bleu infini ; ou bien un silence-éclat -de-rire devant la terre aux fruits d’ors ; ou encore un silence-bonheur devant la réverbération d’un sourire aimant. Et en pleine maladie, la petite-fille devient heureuse. Et le silence de continuer son chemin comme un moineau sur la branche….




Texte de Mistraline


Se taire, la pluie va tomber…
Emu face à l’instant de grâce du vacarme de l’eau qui réduit au silence tous les bruits du dehors, ému jusqu’aux os tant la chair de ma peau ondule et vibre face aux quelques douces gouttes qui échouent le long des vitres, de plus en plus vite, de plus en plus fort.
Empêtré de silence, capté dans l’instant d’un ciel obscurci, je lève des yeux inondés de tendresse ; ma mémoire fouille les vestiges où je me réfugie.
Je suis la pierre dans le désert, immobile, j’attends chaque jour que le temps passe et m’efface comme le sable qui glisse. Je suis la neige qui fond, muette comme le blanc qui orne le voile de la mariée. Je suis la touffe de graminées sur la steppe qui vacille et s’ébouriffe étourdie par la violence des vents.
Je suis la lune arrondie, je suis l’eau des marais et même la libellule ; de mes ailes graciles j’offre un vol inaudible, entre fée et insecte, je suis l’inattendue.
Je peux être la stupeur, le malaise, saluant le passage des anges…
Mais la peur n’est pas silence, c’est l’absence de mot.
Dehors il pleut à perdre haleine, je rayonne timidement…

Je suis maintenant la momie qui repose en paix au cœur des pyramides, les bras en croix depuis des siècles, à l’abri des agitations.
Naître dans un cri, mourir dans un soupir… toujours le même souffle de vie.
Quand sonne le glas…il n’y a plus de bruit. Chacun fait silence au coeur de sa plainte.
- Silence, mon ami, ne vois-tu rien venir ?
Au loin, le scarabée coprophage roule sa bosse le long des dunes…
L’aube solennelle joue ses premières gammes.
J’aime quand la mer oublie qu’elle est vague ; mer d’huile ou mer morte comme un lac de montagne, immobile et serein.
Dehors il ne pleut plu, le soleil fait du bruit et la vie tout à coup rejoue sa ritournelle; infâme cacophonie.







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