Quand les ados s'expriment...




L'atelier abrite de petits génies de la plume; une poignée d'adolescents qui joutent vaillamment avec les mots et qui ont accepté de livrer ici, quelques uns de leurs textes écrits en atelier.

Texte de Jeanne à partir du livre des amours d'Henri Gougaud

La mer mâle roule rapide, terreur éthérée attirant bruitages, nuisances, véhémentes consonances, destructions considérables, démantèlements indéfinissables. Et sous ces coulées aux couleurs caractérielles, coupées de crimes et de cris craintifs, couraient, cabriolaient, caracolaient colombes et perroquets.
Car au-delà de la voûte maritime, bien en dessous de la mer animée et plus près encore du cœur terrestre, vivait une patrie de perroquets péroreurs et printaniers, en conflit contre les colombes récalcitrantes. Séraphin le papegai solitaire était le plus splendide des volatiles du royaume. Toutes ces dames de son espèce soupiraient sauvagement sur son passage, alors qu’il se prélassait incessamment, sans souci ni servitude, sauvé par sa simple splendeur. Le royaume était corrompu, pourri, bizarre et terrible.
Parmi les bestioles belliqueuses et bourrues pourtant, il était un jour : une jolie fille. Elle était pucelle. Avec une mamie moche et mégère, elle était le seul visage humanoïde de la planète peuplée de papegais et de pigeons. La jolie jouvencelle, lumière au milieu de la lutte des volatiles, partageait une demeure de maître sans maître de deux cent mètres carrés sans y mettre jamais les pieds avec la vieille pie, qui, elle, ne faisait qu’épier perroquets, pigeons et pucelle à longueur de journée.
La jeune et jolie fille passait ses secondes sevrées de sexe à mettre les maris marabouts mal à l’aise. Elle illuminait ses moments d’immaculée de gouttelettes gluantes et moirées naissant de nulle part, et de ces sécrétions savoureuses sortaient des sels solides qui suintaient sur le sol en des sphères succulentes. Le perroquet Séraphin sifflait ces semences dont la saveur le passionnait sans savoir que cela était mauvais pour son anatomie ailée, et il mourrait lentement du malheur d’avoir mangé ces médicaments. L’empoisonnement de son être lui arracha un jour les tripes, et dans ses entrailles d’oiseau gâté grandit une pieuvre aux longs fils de fer forgés. Fils des foutres de la fille, ces filaments formaient des figures de femmes fardées. Suant, soufflant, geignant, les yeux exorbités, les fils poussèrent des pieds, du crâne, des épaules, jusqu’à ce que Séraphin soit prisonnier de ses propres excroissances, de ce corps métallique qui peu à peu forgeait un sarcophage. Bientôt le perroquet devint une boîte de fer en forme de cercueil, fabriquée à la force de ses papilles rendues fiévreuses par les effluves féminins.
C’est dans cette boîte qu’il se métamorphosa peu à peu en un prince plaisant. Ses ailes devinrent membres musculeux, son bec une bouche, ses plumes des boucles blondes aux volutes voilées. Quand à ses ramages, ils restèrent ramages pour enchanter les charmantes chattes du château voisin.
Séraphin désormais méconnaissable ne tarda pas à rencontrer la jolie fille, mère du mucus qui lui avait montré la mort avant de lui offrir cette nouvelle vie de prince. Ce jour-là le monde avait les yeux bleus. En effet, la jeune fille enfermée dans sa féminité farouche fut facilement fascinée par la figure forte du nouvel homme enivrant de virilité, et se laissa séduire par sa sensualité. Une chance charmante puisque le déchu perroquet, prince réincarné, consentit à enlever les perles pures de la pucelle à travers son trou tendu de tendresse. Le désir dessinait une déesse devant le douteux désiré. La fille troqua son coeur candide contre le contentement de son capricieux clitoris, et le perroquet humanisé apaisa ses propres pulsions.
Mais une femme épiait cette fornication fortuite : En vain, la vieille tentait de voir le visage voilé de la jeune fille perdue sous le puissant pénis du prince. Elle se vouait à cette vilaine veulerie qui ravissait son propre vagin de ces vagues et de ces vas et viens.
Désirant la douceur de mes doigts endormis, elle vint voir ma verge vrillée par le fardeau de la vie. Mon menhir maria sa moule avec mélancolie, et dans les profondeurs parfumées de sa plaie je prélevai patiemment la paix. Enfin, mes prouesses pullulaient de plaisir, et la vieille était ivre de ravissement.
Que la moule molasse et flasque de la vieille soit bénie, elle est mon refuge. Amen, car la jeune me ferait moins jouir que la femme au fardeau des années.





Texte de Jeanne d'après une réécriture de "Je voudrai pas crever" de Boris Vian



Je voudrais pas partir
Sans plumes ébouriffées
Accrochées à mon dos
Tel un papagayo
A la langue facile
Vers le ciel m’enfuir
Sauter dans la lueur
Tout au bout de ma hâte

Vieille clarté lointaine
Repos tant attendu
Dans ces sourds abîmes
De mon cœur alangui
Interminables couloirs
A tâtons vaporeux
De mon souffle un peu froid
Sur mon visage des claques

Mais la brise malade
Dans la rosée se meurt
Et le corps de l’Aimé
Comme un astre rayonne
Toujours il irradie
Les bouffées écoeurantes
De mes doutes et peines
Et me redit la vie

Alors j’partirais pas
Sans mendier des sourires
A quelques inconnus
Des sourires véritables
Et pas imperméables
Aux sourcils arqués
Quelques bouches qui se tirent
En singeries à saisir

Palper la vérité
De vos vies de vos âmes
De vos cœurs de vos nuits
Cueillir l’impalpable
La beauté de vos pores
Vos rides enfants du temps
Et le bruit du silence
Dans vos cages ouvertes

Je voudrais pas partir
Avant de me vêtir
D’un rien un de ces jours
Enfin vous admirer
Sans être analysée
Par ces rétines vitrines
Glacées par vos ennuis
Soupirs empoisonnés

Mettre vos chairs à nus
Sortir vos mains des toiles
Les conduire très loin
Dans les rues de mon coeur
Où l’homme chante encore
Des chansons franchouillardes
Qui font rire les sanglots
Du fond des profondeurs

Je voudrais pas partir
Avant de me jucher
Sur un haut réverbère
Pour nous voir poussière
Dans ce monde chimique
Monde colosse absurde
Aux organes cancéreux
Et nous viandes d’orgueil

Je voudrais pas partir
Non sans avoir goûté
A l’écume de mes jours
Lécher cette âcre terre
Caresser ses contours
Ses rondeurs et sa grâce
Et les palpitations
De sa calme existence

Je voudrais pas partir
Sans avoir dévoré
De mes pupilles aveugles
Ces figures ces visages
Dont les regards fermés
Parfois éclosent ô joie
En débris de bonheur
Esquisses d’humanité

Moi je veux juste vivre
Juste battre tambour
Parfois tout éblouie
Ou juste un peu embuée
Toujours morte de vie
Overdose de sens
Plus vive folie que vôtre
Et déjà bien croquée

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