27/02/09 Du côté de chez Proust


Et si nous détournions le fameux questionnaire ...
Le "Je" étant proscrit, ce jeu devrait vous plaire.
Si vous le connaissez vous retrouverez, les réponses de chaque participant dans les textes suivants.

La première question est : votre vertu préférée...


Texte de Pierre

Simplicité

La simplicité. Il aimait par-dessus tout la simplicité de cette épicière. Elle aurait pu l’écraser de sa hauteur et lui demander, comme l’autre con, là, du Tabac, pourquoi son père ne lui donnait jamais une somme suffisante pour payer les courses.
« Je suis compliqué ! Tu comprends ça mon fils ? Com-pli-qué ! Alors tu prends ça et tu vas chercher les patates ! »
Ceci étant… Pour prendre conscience de la simplicité d’une dame, quand on a dix ans, honte, et qu’on vient de se faire rembarrer par le Tabac… Il était envahi par cette vague brume de l’esprit qui l’écartelait entre l’humanité d’un père qui s’avouait sans retenue « compliqué » et la franchise de Madame Chantegrain avec son « je sais que tu n’as pas assez, je sais mon gars… Ne t’inquiète pas » et ses cent grammes de « tiens, prends ça » en caramels glissés en douce dans sa main SANS QUE LA FILE D’ATTENTE NE VOIT RIEN.
Et l’impatience de la vieille, derrière lui, dont le couffin lui griffait les mollets, n’avait pas eu raison de Madame Chantegrain, (cette fée, bénie soit-elle) et il se jura, longtemps plus tard que, dût-elle lui coûter tout ce qu’une épicerie de quartier coûte de plus que le supermarché, sa fidélité de petit garçon respecté resterait éternelle.
- T’aimerais faire quoi, toi, quand tu seras grand ? avait lâché son copain Achille, le lendemain, tandis que la pluie ricochait du préau.
- Hein ?
Occupé à fouiller ses fonds de poches pour récupérer, tel le berger un agneau égaré, quelque caramel perdu, ou bout de caramel, ou papier de caramel avec un reliquat collé, il n’avait pas écouté la question.
- Quoi ?
- Oui ! Tu voudrais faire quoi ?
Joker ! Il ne savait pas, en fait. Mais ça se situait quelque part entre la clochette de la porte de l’épicerie et le couvre canapé au crochet aperçu un jour où l’épicière avait surgi de son arrière-boutique.
Mais Achille insistait. « Oh ! T’y as pas l’droit ! Moi je t’ai dit pompier ! Et toi ?
Impossible de reculer. De toute façon, les ongles pleins de miettes et de moutons de vieille laine, ressurgissaient des poches, sans caramel, battant l’air d’impuissance.
- Ouais, de quoi tu as envie toi, pour être heureux ?
Achille persistait.
- Que tout le monde s’entende !
Ca lui est sorti comme ça. Cela ne vient pas de très loin. Cela vient du carrefour. Lorsqu’il rentre chez lui, à mi-distance de l’épicerie et de l’appartement, de la dame et de son père. La traversée des grandes solitudes. Dans cette contrée sauvage où il n’existe plus et pas encore. Un morceau de trottoir, allez… 20 mètres au plus. Trou noir de son enfance où le risque est grand de disparaître sans que nul ne s’inquiète, ne le recherche, ne le découvre, ne le retrouve.
Pour ce gosse qu’il était, tel qu’il se contemple à présent, pas d’autre aspiration aujourd’hui que d’être lui-même. Là. En France, avec un peu de vert en plus dans son quartier, et puis des belles de nuit, aussi, pas que dans les pots du balcon, et des hirondelles, pas que sur le napperon.
Pourquoi deLuca le touche ? Pourquoi Ellroy le touche ? Et Pichette ? Et Laurel et Hardy ? Et les femmes courageuses ?
Qui a semé dans sa terre d’enfance ces graines épaisses et vivaces, qui germent, longtemps après, à l’écoute de Schumann, à la vue de Rembrandt ? Et tous ces navigateurs solitaires qu’il admire et qui traversent, comme des femmes courageuses, les pires des océans. GPS en plus.
Loin de l’apaiser, le souvenir de ces moments réveille sa haine de la violence faite aux faibles. Dédaignant les faits d’armes—à part, à la rigueur les bals de 14 juillet, pourquoi le nier—il accompagne ses pensées vers la disparition de la peine capitale, un signe rassurant à l’échelle de l’histoire d’une famille humaine qui deviendrait peut-être capable d’aimer.
Le soir s’est couché. En paix avec soi-même il referme ses livres. Il est calme. La faiblesse de son père, il l’accepte, ce soir. Pardonner, c’est dire à l’autre « tu vaux mieux que tes actes ». Aujourd’hui, il fait sienne cette phrase.



Texte de AS

Le questionnaire de Proust

23h30, survol interminable de Los Angeles, l’impatience de Viviane grandit de minute en minute, la rencontre avec cette femme est imminente. Rien ne semblait la définir précisément, juste un gout de confiance et de jovialité dans ses courriers avait donné envie à Viviane de faire 10000 km, le sac lourd d’hier et de demain.
Les grandes portes du terminal s’ouvrent, des dizaines de visage attendent, cherchent hagards, et puis une pas comme les autres, pas très grande non plus, déterminée comme dix, postée à la sortie du couloir, accueille enfin sa fille. Cette vieille dame à la curiosité aiguisée, à l’intuition surdéveloppée lui pose une foule de questions auxquelles Viviane répond brièvement, en toute simplicité.
Elles avaient attendu 55 ans pour revivre cette naissance et retracer ce long chemin de vie sans croisement. Les heures défilaient, conversation en continue, toute en retenue, elles levaient le voile sur leur personnalité, étonnamment ressemblante. Deux vies menées par l’impulsivité, l’amour et la générosité, dotées d’une force incroyable mais toutes deux souffrantes d’éraflures et de contusions, si douloureuses, qu’elles ne pouvaient entendre leur voix. L’écoute ne fut pas chose facile, chacune peinait à prendre le temps. Alors que l’une évoquait le combat d’une vie, la difficulté de choisir, l’autre attendait des remords qui ne vinrent pas et s’emmurait progressivement dans ses tourments, sa maladie. Martine brodait son histoire, évoquait l’horreur dans ce pays, la France, celui où Viviane vit la lumière dans ces sombres années de guerre, novembre, mois sans vert ni fleurs.
Au fil des jours, Viviane découvrait ce petit nid orné d’orchidées et de quelques oiseaux mouche dans lequel sa mère avait choisi de lover ses dernières années. Dans ce havre de paix, Martine démarrait ses journées sur les notes poétiques d’un Baudelaire ou romantiques d’une étude de Chopin ou d’une sonate de Mozart. Dans ce petit paradis, hommes et femmes peuplaient ses murs, elle avait accroché « l’Etreinte » de Klimt et « La maternité » de Picasso. A la fois pieuse et réactionnaire, elle avait en admiration Sœur Emmanuelle pour sa générosité incontournable et Gisèle Halimi pour son activisme féministe. Martine ne pouvait supporter l’égoïsme chez autrui et pourtant c’est ce que Viviane lui reprocha toute la semaine, elle qui avait subit un abandon sans regret.
Elles parlèrent jusqu’à point d’heure évoquant mille et un sujets sur l’échelle du temps, provoquant d’inévitables discordes, Napoléon, Régime de la Terreur, les Croisades et enfin ce fameux débarquement de 1944 et de la présumée Résistance de Martine durant cette période, activité que Viviane contesta avec véhémence.
Elles s’accordaient tout de même sur un point, la lente évolution de la condition de la femme qui connut enfin en 1945 le droit de vote. Toutes deux regrettaient de n’avoir jamais su peindre mais Martine espérait bien vivre ses dernières minutes dans un fauteuil face à la mer.
A la fin du séjour, elles étaient calmes malgré leurs nombreuses maladresses, et chacune avait pour même crédo de vivre en accord avec soi-même.





Texte de M


Confessions surréalistes d’un volcan sous psychotropes …

Quelle innocence !
Imaginez un volcan placide qui se verrait prodiguer des douceurs de testostérone.
Un volcan ubiquiste…
Un oxymoron à la rancune tenace mais au cœur généreux en quête de bienveillance.
Pensez que le temps pourrait se passer à l’émerveillement en se projetant vers des ailleurs sans limite aucune, tenaillé en douce par une peur trouble de s’enliser quelque part.
Le volcan, qui n’a que ça à faire, s’imagine alors calamar géant …
Evoluant … pourquoi pas au Canada, dans les eaux du Saint Laurent ?
En surface, il découvrirait du blanc à perte de vue et quelques hellébores enfouies qui perceraient l’épais tapis de neige de leurs bourgeons brunis.
Une chouette effraie majestueuse, clignerait son œil stoїque, indifférente aux patois épicé du cru. Patois colorés qui délivreraient une ou plusieurs langues joliment salées. Elles évoqueraient la verve de Colette et la splendeur des vers de Rimbaud ferait trembler chaque voyelle.

Incongrus, quelques Sean Connery grimés en bûcherons, rouleraient des mécaniques, dans le seul but de ravir tous les suffrages du côté de ces dames. Le volcan s’incarnerait alors en donzelle, devenant Anita Bomba, la fille la plus réactive de la bande dessinée.
Sur un air swinguant à la Caravane Palace elle poserait pour Toulouse-Lautrec dans un bouge soyeux, déliant sa chevelure rouge de pieuvre alanguie, sur des sofas d’alcôve aux fronces satinés.
Elle aurait le profil pour militer auprès de Greenpeace ; n’étant ni Channel, ni Marilyn encore moins Bénazir Bhutto, elle combattrait singulièrement la cruauté infligée aux bêtes. En désespoir de cause elle finirait par castrer Adolph, son chat moustachu, adepte invétéré de Sadisme. Elle scanderait pour relativiser que d’autres avant lui avait déjà subi cette ablation bénigne. Et que ceux qui parlent de torture se réfèrent à la gégène, geindrait-elle confite de culpabilité.

Chirac ferait sa B.A en disant non à la guerre en Irak, Anita jubilerait tout en assistant à de sourds changements : les épouses violées auraient enfin droit de cité dans le code pénal Français.
En revanche pour celles vitriolées en Afghanistan…
Anita ne partagerait pas les pouvoirs de Cybèle et ça ne lui manquerait pas, elle s’éteindrait comme un volcan en éruption, en un spectaculaire éclat de rire.

Le volcan amusé, tressauta de plaisir, il aimait rêvasser ainsi de longues heures.
Il était magnanime et prêt à pardonner l’ignorance intrinsèque d’une humanité qui a simplement oublié, que qui va lentement va sûrement!




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