19/12/08 Proverbial


Textes à inclusion ...



Proverbes pré-sélectionnés :


Créole :
Avec patience et crachats on fait entrer un pépin de calebasse dans le derrière d'un moustique.

Russe :
La douleur embellit l'écrevisse.

Expressions pré-sélectionnées :

Grossier comme du pain d'orge
Se laisser manger la laine sur le dos.





Texte de M

LES DRAPS

La grande mère n’était pas du style à se laisser manger la laine sur le dos. Assise sur sa chaise roulante elle prit la petite bonne par la manche et la secoua d’avant en arrière pour lui faire lâcher le paquet qu’elle pressait sous son aisselle.
-« ‘es draps » disait-elle avec sa moitié de bouche encore valide.
La petite leva les yeux au ciel et fit mine de ne pas comprendre.
_ « Calme toi, laisse cette fille tranquille » Le grand père lui effleurait les cheveux lorsqu’il lui parlait doucement, convaincu qu’avec patience et crachat on fait entrer un pépin de calebasse dans le derrière d’un moustique.
- « Non ! Non ! » La grand- mère repoussa sa caresse d’un coup de tête et balança son tronc d’avant en arrière pour faire avancer la chaise roulante jusqu'à écraser le pied de la petite bonne russe, qui aplatie contre le mur du couloir tenait, de son bras libre, le paquet suspendu au dessus de sa tête.
Elle était belle dans sa posture de danseuse. Etirée, longiligne, agrippée à son paquet elle serrait les dents et dévoilait son ventre lisse et doux.
« La douleur embellit l’écrevisse » murmura le grand père enchanté par le spectacle.
Au comble de l’impuissance la grande mère poussa un hurlement de fureur et dans un même élan tapa le grand père à l’oreille et arracha le paquet des mains de la fille qui s’était affaissée sur le dossier de la chaise roulante.
Des draps s’éparpillèrent devant la porte d’entrée.
« ‘oleuse » exulta la grand-mère ravie d’avoir raison.
« Vieille folle » rétorqua la jeune fille sur un ton grossier comme du pain d’orge.
Un vieux loup méfiant ne lâche pas sa prise facilement.



Texte de Mistraline

Dans une antique bâtisse grinçante et remuante vivait une vieille femme entourée de chats maigres et de chiens éclopés. N'allez pas croire que c'était le genre de mamie à se laisser manger la laine sur le dos ; elle était radine à s'en ronger les orteils !
Elle avait eu une fille. Bien que trépassée depuis des années, ici, on continue de la plaindre ...
La mère l'avait dressée comme à l'armée : assis, couché, debout !
Lui répétant à longueur de journée :

- "La douleur embellit l'écrevisse ! "

Mais à trop vouloir embellir et forcer, on fini par flétrir ...
L'enfant devenue femme, la vieille s'empressa d'éplucher le cheptel des bons partis du canton et maria sa fille avec un riche marchand, grossier comme du pain d'orge. La jeune fille n'éprouvant que dégoût à l'encontre de son époux, invoquait les dieux rédempteurs pour la libérer. La mère, bien plus spéculatrice se montrait considérablement irritée par cette attitude orgueilleuse, un matin elle se rendit chez sa fille bien décidée à la remettre sur les rails. Elle ne l'assomma pas d'un long sermon stérile, elle la prit entre quatre yeux et siffla menaçante comme un crotale :

- " Avec patience et crachats on fait entrer un pépin de calebasse dans le derrière d'un moustique ! Alors je ne veux plus jamais t'entendre dire que tu ne peux pas aimer ton mari, remercie plutôt le ciel de l'avoir mis sur ta route."
L'incident étais clos, la mère avait parlé.

L'os dit au chien : " Je suis dur ", le chien répond : " J'ai le temps ".

Le mari disgracieux faisait bonne figure face à une épouse qui lui tenait la dragée haute depuis des années.
Finalement, le miracle survint mais quand la figue se détache de l'arbre, c'est gâtée qu'on la mange !

La fille quitta ce monde avant sa mère, une angine de poitrine vint la délivrer de cette existence forcée.
Quant à la mère, on l'aurait cru en acier inoxydable !
Ceux qui sont mauvais sont infrangibles.
Rien ne peut les traverser, ni le beau, ni le laid.
La vieille tenait bon, même racornie elle avait la langue assassine, le regard qui épie et une voix à vous occire.
Mais dans l'antre de l'ogre les ventres sont silencieux, alors au dehors les langues s'agitent.

Tout le monde savait ...

La vieille cachait un trésor, une pleine malle d'écus en or massif. La rumeur chuchotait : " Les souris de l'avare sont plus grasses que lui. "
C'était vrai, la vieille était sèche comme un bretzel, on s'y serait cogné aux angles.
Faut dire qu'elle avait perdu l'appétit un jour où la grosse Augusta sa voisine, avait préparé un coq au vin spécialement en son honneur. La vieille n'y avait vu que du feu sur le coup mais très vite elle avait remarqué la disparition de Bernard, son coq chéri, le seul mâle qu'elle possédât.
Il empoisonnait copieusement la sérénité du village, éructant du soir au matin de sa voix stridente, d'inaudibles rhapsodies.
La grosse Augusta n'avait pas pu résister ; une fois de plus sa malice et sa gourmandise l'avaient emportées ; plus elle entendait le gallinacé faire ses gammes, plus elle se le figurait en cocotte aux petits oignons.
La vieille n'avait jamais pardonné la félonne, ruminant mille vengeances, imprécations en prime et si par malheur elle croisait la criminelle, elle lui jetait :

- " Le poisson a confiance en l'eau et c'est dans l'eau qu'on le cuit."

La grosse Augusta levait les yeux au ciel, dès fois qu'il lui réponde.
Pourtant un jour le ciel lui répondit si l'on puis dire. Alors qu'elle passait devant la porte de la vieille, elle la trouva grande ouverte et apercevant l'autre toute occupée à blanchir son linge au lavoir, elle s'enhardit et se risqua à passer la tête dans l'embrasure de la demeure la plus secrète du village. La curieuse après avoir passé la tête, avança un pied, puis deux, pour finalement se retrouver tout entière à l'intérieur et se lancer dans une exploration furtive des lieux. Elle avait l'oeil chanceux la grosse Augusta ! Une marie-Jeanne poussiéreuse fichée dans une niche attira plus que tout autre chose sa convoitise, pour le beau tressage qui l'entourait et sa jolie contenance, pas moins de trente litres. Elle voulu promptement s'en saisir mais la bonbonne ne bougea pas d'un pouce, sans doute pleine de quelques vinasses reléguées aux grands crus de vinaigre. La grosse Augusta ne se démonta pas, elle la voyait déjà chez elle cette marie-Jeanne.
Après quelques tours de force, elle parvint à s'en emparer et à s'échapper de là titubante, son rapin pesant bien en mains.
A défaut de grands crus, se sont des écus étincelants que la bonbonne contenait.
Ne dit-on pas que la chance se porte vers les audacieux ?!



Texte de
Catherine Lanos

Je suis la seule à savoir de quel bleu vermillon – pas une couleur facile, je l’avoue, mais j’trouve pas d’autre comparaison - étaient les paréos bleu-vermillon que je trimbalais chaque jour devant les corps touristiques alanguis, avachis, encalminés sur les transats débonnaires de l’hôtel caribéen Bella Vista. Tout un programme !
Ça ne s’invente pas. Se retrouver coincer sous les cocotiers après s’être laissée manger de la laine sur le dos par un faux derche d’employeur-exploiteur qui proposait un boulot sympa et bien payé, version lagon et décontraction. Car comme dit la bijotte : « Mi connais in' ti mamzelle, mi aim à elle… »
J’te la fiche mon billet qu’il n’existe au monde qu’une seule idiote assez naïve pour se laisser berner par un gogo de la sorte et elle n’est pas loin d’ici !
C’est vrai quoi ! J’aurai dû me méfier avant d’engloutir mes économies dans un billet charter estampillé bout du monde et me trouver coincée près d’un hublot glacé par un boudin rhum-vanillé, grossier comme du pain d’orge. Non, ça ne s’invente pas !
Et maintenant na, na , j’me retrouve ligotée, emmaillotée avec cette pile de paréos made in faux Bamako, suant, pestant, dégoulinant sous un soleil de plomb. Et comme dit l’autre : si la douleur embellit l’écrevisse, je vais postuler illico chez Mme de Fontenay.
-Toué lé jolie, tu veux bien essayer mes beaux paréos !
J’ai beau m’égosiller avec ou sans accent créole. Rien à faire. Ça passe pas.
Et pourtant, j’insiste, je minaude. Na, na ! Je joue les naïades naïves avec des trémolos dans la jambe. Si avec patience et crachats, on fait entrer un pépin de calebasse dans le derrière d’un moustique, ça devrait pas être difficile d’enrouler un paréo sur le derrière d’une becquée friquée. Las, ! Mais comme dit l’adage: si la foi soulève des montagnes, elle soulève aussi des tonnes d’emmerdement…CQFD.


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