10/01/2016 Voyager en figures de style
1/ Voyager par les sensations : écrire comme un chasseur à l'affût !
Figure imposée : l'hypallage
Figure imposée : l'hypallage
Texte d'EVELYNE :
Ce soir…
La
terre vibrante s’écrase sous mes pas moussus. Mes narines effleurent les ondes
des champignons humides. La pluie du jour a accroché des guirlandes de diamant
au parasol des fougères dressées.
Le
jour rentre dans son terrier, la nuit s’avance à l’affût. La lumière joue
pianissimo. Le concert nocturne de la vie sauvage accorde son tempo. Mes
oreilles chasseresses guident mes pas affamés.
C’est
l’instant que je préfère. Un entre deux mondes. Un instant où tous les museaux
en éveil sondent les alentours. Une onde électrique survolte le
sous-bois : ce soir le festin est pour moi. L’odeur silencieuse de la
proie est à portée appétissante. Mes pattes de feu jaillissent pour une
étreinte à belles dents !
Mes yeux sont remplis de joyeuse pénombre, mes narines
chargées de senteurs insolentes et mon ouïe guette le moindre craquement. A pas
feutrés, j'avance sur le chemin frileux qui déroule la toile rude de ses gravillons.
L'oreille tendue, le nez en alerte, mon regard jauge le
moindre buisson, pénètre la plus petite cachette. Le ciel dresse le drapeau
étoilé de la nuit bien loin au dessus du monde. La lune se masque d'un nuage et
fonce un peu plus le silence des ténèbres.
Soudain mes narines, chatouillées par le thym écrasé,
arrêtent mon élan. Mon poil se hérisse, mes yeux transpercent le silence de la
nuit, statufié j'attends. Mes oreilles, enfin rassurées par le murmure léger de
l'herbe, se détendent doucement et m'entraînent vers mon but.
Comme un roi, auréolé de lune il trône au beau milieu de la
clairière. Le fier panache de ma queue dit tout mon bonheur, mes petites pattes
griffues s'accrochent prestement à son sauveur. Me voilà enfin à l'abri de mes
terreurs nocturnes, lové dans le nid douillet de ses bras majestueux.
Texte de FRANCINE :
….. A pas feutrés, j’avance sur le chemin frileux. L’air
galbé transpire de moiteur âcre sourde. Mon corps se tétanise en liane de
granit. Mon regard assouvit la gorge qui palpite. Le cœur transit d’effroi
frissonne de lave froide. Doucement les doigts glissent sur l’anguleux rocher.
De mystiques fragrances s’échappent de la nuit. L’astre se décompose porcelaine
diaphane, sa lumière claire et haute noie le marécage. Sous l’ombre épaisse et bruissonnante des
arbres protecteurs soudain ma main s’élance et happe le néant. Le collet vide
et creux s’effare, se disperse. Les doigts tâtent le vide.
La promesse s’enfuit, ventre à terre, poil humide, sous
l’accueillant feuillage qui l’engloutit en cavales sonores.
Texte d’ANNE-SOPHIE :
L'air humide s'accroche à mon manteau frissonnant. Le chemin
chaloupe au rythme de mes pas lents, j'espère croiser l'ivresse de la peur dont
l'odeur me chatouille et me submerge. La proie n'est plus très loin,
le tressaillement de sa trace parcourt mon échine famélique. L'amusement
labyrinthique s'accélère, la proie est là, elle attend, tapie dans la froideur
de sa dernière heure.
Mon corps souple et agile se glisse, se contorsionne au gré
de mon excitation. L'obscurité hypnotique est ma compagne de route, fébrile.
Seule l'onde de ma faim me trahit et déchire l'épaisseur du silence.
Et puis enfin, tu apparais, foudroyé par le feu de ma douce
violence. Sans bruit, dans un élan superbe et glacial, la morsure se fait
nette, brûlante, géniale.
Je goûte à la chaleur euphorisante de ma chasse
paisible.
Je suis le chat de la peur, tu étais le lapin de l'envie.
La terre fume sous le ciel limpide, les étoiles aguicheuses
font scintiller leurs yeux dans la nuit endeuillée. Une odeur se répand comme
la rumeur d’un festin...
Tout mon sang tambourine car la faim me dévore. La gueule
ballante, la narine curieuse et l’œil aux aguets, je me faufile vers le
sous-bois inquiet. Le fumet appétissant me happe sans sommation. Je sens le
vent fiévreux qui flirte avec les cimes, les racines lascives enlacées à la
terre et les herbes qui plient sous mon poids. Mon flair fouille l’air, mes
oreilles captent tous les murmures du silence et mes poils se hérissent
d’impatience.
Mon repas gît quelque part, tous mes sens s’en repaissent.
Où est donc cette pitance opportune ? L’odeur entêtante du
lièvre vient me narguer sans vergogne. Mes pattes affamées accentuent la
cadence ; je me rapproche, l’odeur se fait meilleure. D’un bond, me voilà
sur l’asphalte. Il est là mon festin, il m’attend, personne n’y a touché et
plus rien ne compte à présent. Foi de goupil, il est temps de se remplir l’estomac !
Quand blêmit l’aube, l’étoile farouche impose sa présence,
elle brille bas dans la nuit exsangue; repu, je gravis le sentier
solitaire.
2/ Panorama : voyager à partir d'une photo
Texte d’ANNE-SOPHIE :
Texte de FRANCINE :
Texte de JOËLLE :
Cimes plantées dans un lac, manteau de roche paré de verdure
sillonné par un vent mordant, il semble que l'on flirte avec le toit du monde.
Seuls les baisers de quelques nuages effleurent les sommets. Kirkefjord, en
Norvège, où seule la nature est votre amie, le vent un amant. Comme tout amour
passionnel ou impossible, "je crois que le vent peut vous faire
prisonnier. ou vous libérer". Imprévisible et insolent, il prête à la
nature sa force prodigieuse car sa "bourrasque catabatique peut frapper à tout
moment, même par beau temps", et rendre vulnérable et insignifiant le plus
grands des alpinistes.

Seuls quatre habitants vivent adossés à l'enfermement
de cette immensité pour ne laisser envahir qu'un évident et fabuleux
sentiment de liberté.
Lumière rougeoyante, terres abruptes, le lac apaise
l'épaisseur vertigineuse de ces jeunes montagnes nées d'un lointain séisme.
Comme les vêtements sur un fil, Kirkefjord vous épingle le
regard, vous traverse de son souffle et retient prisonnière un petit coin de
votre âme.
Texte de FRANCINE :
Fuyant les hautes eaux de ma
Virginie occidentale, j’abandonne la chemise blanche et le confort de ma
maison. La route et l’inconnu me chantent, sirènes traîtresses, à découvrir
d’autres saisons.
Le ciel clair et pur cisèle les
crêtes de calcaire qui s’élancent en vagues successives à l’assaut des pics
majestueux dominant fiers et inaccessibles le paysage de blancheur immaculée.
Enfin abrupte et
resplendissante une ligne cassante dressée sur la Terre de la Reine Maud. Sur
le manteau glacé et instable, tel un insecte dans l’univers, mes pas
s’enfoncent et se libèrent pour atteindre la paroi. Sur ma droite un couloir
ombreux se déroule vers le col. Puis l’escalade de la roche aiguisée me
conduisant au Nirvana. Mes pieds glissent sur la pente. L’immensité avale sa
proie.
Le sable et la neige me brûlent
les yeux quand je sors la tête pour hurler « à l’aide ».
Les vaisseaux désertiques et
inhospitaliers crient vers les cieux leur solitude froide. Immobiles beautés de
pierre les géants éternels toisent avec arrogance le voyageur téméraire.
L’atmosphère lisse résonne du
fragile équilibre des griffes minérales lacérant le céleste voile. L’azur
miroite et borde jalousement les croches squelettiques agrippant le firmament.
Désolation merveilleuse les
cristaux recouvrent l’incident. Plénitude harmonie force et déesse unique la
tour de Bertha conserve son mystère.Texte de JOËLLE :
Juchés sur leur petit cheval Islandais, ils avancent. Face à
eux la montagne d'or, saupoudrée de sucre glace, s'élance vers un ciel
métallique et s'y confond. Le lieu est sauvage et inhabité. Les plaques de
glace laissent encore apercevoir la roche volcanique recouverte de lichen doré.
Dans quelques jours, ce paysage aura complètement changé et
l'union du ciel et de la terre éclatera dans une même couleur. Les feux
d'artifice des aurores boréales feront flamboyer la longue nuit polaire, l'étau
glacial enserrera les cimes, gèlera cascades et ruisseaux et le silence
occupera tout l'espace.
Le couple pourrait aujourd'hui s'offrir et chauffer
n'importe quelle maison du monde, mais leur vie est ici et ils n'en imaginent
même pas une autre.
Le long sommeil de l'hiver va commencer, mais quel spectacle
à son réveil!
Sous le feu du soleil la mer de glace aux reflets bleus
profonds va se craqueler en une multitude de petits icebergs. Les chutes d'eau
vont chanter à tue-tête en sautant des sommets, la terre va se rider d'une
multitude de ruisselets, les cailloux crachés par les volcans vont renaître et
parsemer la plaine de leur teinte noire et or, enfin, les plages de sable
sombre vont accueillir les phoques fatigués de leurs ébats glacés.
Pourquoi quitter tout ça?
Pays étrange et envoûtant où le paradis rencontre l'enfer
dans un rude combat d'où aucun n'est jamais ressorti gagnant.
Texte d'EVELYNE :
Oiseau
de pierre
Sur
le sommet, majestueux, il trône - oiseau
de pierre, décor du Queensland, reine figée au regard millénaire. Elle veille sur
une canopée fossilisée, une mer de bouquets verdoyants, serrés contre ses
flans, armada bourgeonnante autour du navire amiral. Pas le moindre signe de
chemins, sentiers ou paysages. Du vert à perte de vue. Seul cet oiseau de
pierre émergeait blotti dans un nid de verdure.
Au
cours de cet été australien, poussée par un souffle exotique, j’avais rejoint
l’équipe d’Environnement International : embarqués dans une montgolfière au
départ de Sydney et déposés au sommet de la montagne-oiseau.
La
descente dans les éboulis de pierre et les arbustes secs s’annonçait difficile.
Trois jours de glissades contrôlées, d’arrêts fréquents pour des relevés
scientifiques et de bivouacs improvisés pour atteindre notre but.
Elle
s’étendait sur le sol, devant nous, sorte de boue mauve et humide : preuve
des rejets toxiques de l’exploitation de la vallée. Prélèvements, photos….une récolte
fructueuse.
De
retour en ville nous attendait un réel parcours périlleux-celui là !-
dévoiler la face cachée de l’oiseau de pierre.
3/ Voyager avec les vents
Figures imposées : allitérations et assonances.
FRANCINE
:
Triste Galerne en
baderne terne
Armani
l’Harmattan arme ses battements
Autant
l’Autan blanc est haut autant l’Autant noir est bas
EVELYNE :
Dzhari ;
bizarre hasard du Sahara
Harmattan ;
matte les nattes
Elésien ;
vient venté l’été en Méditerranée
Foeh
souffle de feu
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