20/05/2013 Lipstick
Ecrire sur le thème d'un petit objet, à priori insignifiant :
Il paraît que c'est l'objet le plus vendu en temps de crise !
le rouge à lèvres !
Que
faut-il en déduire ? Que le rouge à lèvres est une arme de destruction
massive ? Un remède à la morosité ambiante ? Une coquetterie
futile ?
Racontez
votre découverte du maquillage et du rouge à lèvres en particulier. Que se
passait-il quand nous peignions nos lèvres, comment percevions-nous
le regard des autres ?
1840 : premier
rouge en tube de la maison Guerlain intitulé : Ne m’oubliez pas
14/18 - Les garçons
sont à Verdun, sous les bombes. Les femmes en profitent et s'émancipent : elles
conduisent, fument et se peignent la bouche en rouge. Un geste chargé de
sous-entendus, un interdit jusqu'alors seulement osé par les actrices, les
prostituées et les demi-mondaines.
1928 : premier
rouge longue tenue en France : Rouge Baiser élaboré par le chimiste Paul
Baudecroux.
Texte de SUZANNE :
Enfant, j’adorais me déguiser, empruntant non seulement les vêtements de ma mère que je détournais parfois de leur usage initial, mais également ses chaussures à talons hauts. Ces quelques centimètres supplémentaires qui me faisaient une démarche gauche par manque d’habitude, me semblaient le comble de la féminité. Je n’étais pas sur le tapis rouge de Cannes, mais à l’instar des vedettes actuelles, je déambulais devant ma mère avec un air de supériorité, ondulant des hanches, la nuque droite, n’hésitant pas à poser sur son conseil un dictionnaire sur la tête, comme le font les mannequins, pour avoir un port de reine.
Mais ce défilé ne pouvait avoir lieu sans passer auparavant par le cérémonial du maquillage, c’est-à-dire me « farder » selon l’expression de l’époque. Sous le regard bienveillant de ma mère, qui voyait poindre en moi à cette occasion seulement, un brin de féminité, je déposais tout d’abord sur mon visage avec sa douce houppette, un nuage éthéré de poudre. Ensuite j’utilisais un ustensile barbare qui me fascinait, pour courber mes cils. Un trait de crayon noir pour accentuer mon regard et la touche finale : le rouge à lèvres. Ma mère l’essuyait d’abord avant de me le tendre.
Texte de MISTRALINE :
Enfant, j’adorais me déguiser, empruntant non seulement les vêtements de ma mère que je détournais parfois de leur usage initial, mais également ses chaussures à talons hauts. Ces quelques centimètres supplémentaires qui me faisaient une démarche gauche par manque d’habitude, me semblaient le comble de la féminité. Je n’étais pas sur le tapis rouge de Cannes, mais à l’instar des vedettes actuelles, je déambulais devant ma mère avec un air de supériorité, ondulant des hanches, la nuque droite, n’hésitant pas à poser sur son conseil un dictionnaire sur la tête, comme le font les mannequins, pour avoir un port de reine.
Mais ce défilé ne pouvait avoir lieu sans passer auparavant par le cérémonial du maquillage, c’est-à-dire me « farder » selon l’expression de l’époque. Sous le regard bienveillant de ma mère, qui voyait poindre en moi à cette occasion seulement, un brin de féminité, je déposais tout d’abord sur mon visage avec sa douce houppette, un nuage éthéré de poudre. Ensuite j’utilisais un ustensile barbare qui me fascinait, pour courber mes cils. Un trait de crayon noir pour accentuer mon regard et la touche finale : le rouge à lèvres. Ma mère l’essuyait d’abord avant de me le tendre.
Avec
une certaine fascination, je faisais coulisser ce petit bâton rouge
cerise, tapi au fond de son étui doré,
suffisamment mais pas trop, avant de m’enduire les lèvres de cette crème
colorée au goût sucré. Je commençais par la lèvre supérieure, la tendant
légèrement, afin d’en dessiner délicatement le contour. Puis j’enduisais plus
largement la lèvre inférieure, sans oublier de l’uniformiser par un lent
mouvement de massage d’une lèvre sur l’autre.
D’un air satisfait, mais un peu surprise, je contemplais ce visage
inconnu dans la glace et vérifiais que mes dents ne portaient aucune trace de
rouge à lèvres. J’étais hypnotisée par cette bouche vermeille. Je n’étais plus
une enfant, j’étais devenue une femme… mais au fond de moi, je ne le souhaitais
pas.
Des
années plus tard, j’ai essayé à plusieurs reprises de remettre un rouge à
lèvres de couleur incarnat, y compris à la trentaine, période qui pour moi
représente la femme dans toute sa plénitude,
mais je ressentais à chaque fois un malaise. Je me retrouvais
certainement face à cette inconnue de mon enfance.
Si
notre regard est le miroir de notre âme, notre bouche est l’entrée principale de
notre corps, son accès secret. C’est par elle que le nourrisson s’alimente,
exprime sa quête d’amour ou sa colère. Par son intermédiaire, nous testons les
aliments que nous acceptons d’avaler,
nous exprimons nos sentiments, nos besoins, nos rejets.
La
couleur du rouge à lèvres est un révélateur de notre tempérament , rose pâle
sur des lèvres pincées, mutiques, rouge flamboyant sur une bouche séductrice,
aguicheuse qui excite le regard des hommes, rouge mutin pour les adolescentes
et brun orangé sur des lèvres sereines qui acceptent les regards sans
ostentation.
Effrayée
par les « Bimbos » aux lèvres siliconées qui n’ont plus rien d’humain, ou
les femmes outrageusement fardées, je leur préfère de loin, les femmes dont le
maquillage est si discret, qu’il en
paraît naturel.
Texte de MISTRALINE :
Trop liquide, la bouche est aspirée, trop mat, la
bouche est inanimée.
J’ai toujours vu du rouge à lèvres à la maison ; sur
les pulls de ma mère, les oreillers, les serviettes éponges, les bols, les
verres, les couverts et bien entendu sur la bouche de mon beau-père. Au réveil,
elle portait toujours la trace de son Yves St Laurent de la veille. ‟Rouge Eveil”, gourmand comme
une fraise en plein champ.
Dès sept ans, je m’initie au rouge à lèvres. Quatre petits
échantillons font mon bonheur. Un rouge mat, terre de Sienne, un rouge pivoine
brillant, un rose fuchsia pimpant et un rouge sang, torride. Lorsque je me
rends au centre commercial avec du rouge, il me passe des lèvres aux joues
sitôt que je croise un garçon. Ils me regardent avec un tel aplomb ! Je me
sens plus nue qu’habillée. A croire que ma bouche envoie des messages à mon
insu. Les femmes désapprouvent ce ‟Rouge Lolita” qui aiguise la
prunelle des hommes.
Sans rien anticiper, je ne porterais plus de rouge à
partir de la puberté. Période ‟Rouge Dégoût”, j’opte pour
des oranges dorés, des bruns caramélisés, lumineux et chauds.
Viennent les années lycée, j’adopte le crayon pour
redessiner mes lèvres, leur inventer une moue, leur donner du charnu, sans
atteindre encore le ‟Rouge Pulpeux”. ‟Rouge Boudeur”, je verse
dans les teintes lie-de-vin, chocolat, prune, palette de ‟Rouges Dark”. Je crayonne,
je trace, je m’applique à délimiter une terre sacrée : ma bouche.
Changer de région, c’est changer de code ; en quittant mon Gard natal pour l’Ardèche,
je vais découvrir que plus le milieu est rural, plus le rouge à lèvres est
désigné comme l’apanage des putains ou des poufiasses… ‟Rouge Lubrique”, je réponds
à la controverse par la provocation : sublime rouge aubergine, ourlet
gracieux et bouche en cœur : je signe ma différence.
J’ai toujours aimé dessiner et peindre. Peu importe qu’il
s’agisse d’une toile, d’un format raisin ou de mon visage, j’aime tracer des pleins,
des déliés, jouer avec la perspective, colorer et sublimer les supports.
J’ai toujours vu ma mère se maquiller et ma grand-mère se pomponner. Je suis presque sûre que la première chose demandée par ma mère après son accouchement, c’est son rouge à lèvres. Je suis pour ainsi dire née avec !
J’ai toujours vu ma mère se maquiller et ma grand-mère se pomponner. Je suis presque sûre que la première chose demandée par ma mère après son accouchement, c’est son rouge à lèvres. Je suis pour ainsi dire née avec !
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