2/12/2012 EPISTOLAIRE
I/ Ecrire à Dieu demeure un exercice difficile mais passionnant. Et ce, quelles que soient nos croyances.
Texte de FRANCINE
II/ Ecrire à un personnage célèbre, réel ou pas, en composant des accumulations.
Texte de IR
GRAND JACQUES
Texte de MARIE-HELENE
Cher Monsieur Bocuse,
Texte de FRANCINE
Texte de FRANCINE
Ah Dieu, que le temps m‘a semblé long ! Deux
jours ! Deux jours sans nouvelles de toi, sans un signe, sans ta
lumière….. Et ce matin, enfin, le
bruissement des feuilles m’indiquent ton retour.
Eh vous là, les oiseaux, ne chantez pas si
fort ! Le souffle divin est si léger…
Ah Dieu, mon Dieu, pourquoi tant de misères, tant
de haines dans les cœurs ?
Je t’avais parlé de ma voisine qui me pourrit la
vie avec sa cuisine à l’huile. Comment se fait-il que tu la laisses
faire ? Qu’elle s’embrase avec sa friture ! Je me réjouis déjà du
spectacle ! Et bien non. Tu me prives de ce plaisir infime….. Cette
cancaneuse enrubannée avec sa permanente en choucroute…
Oh je sais, tu es un homme, du moins tu es venu
sous cette représentation, mais ne te laisse pas amadouer. Les entourloupes
enamourées de cette pimbêche ne sont que
miroir aux alouettes.
Un cycliste, il ne manquait que ça, un acharné de
la pédale ! Ah Dieu, dis-moi qu’il va se gameler !
Non je ne suis pas mesquine, tu sais bien que tous
ces gens m’indiffèrent….
Regards-moi, je suis là. Hier j’ai cueilli des
fleurs des champs, oui et aussi des lilas chez la voisine (on ne peut rien te cacher !) mais
c’était pour te faire un bouquet de senteur. Cette puanteur de la gent humaine
infecte le bon air que je respire…
Si seulement on pouvait se retrouver seuls, toi,
moi, enfin libérer, sans contrainte, sans peur du regard narquois de ces
imposteurs qui disent te respecter.
Dieu, que mon cœur saigne quand le canon tonne et
que s’entretue cette horde de tarés qui dégénèrent la terre, ta terre, où le
jardin des merveilles m’était destiné….
Les enfants sont désolants. Tu as du avoir un
moment d’égarement, ce n’est pas possible, tu n’as pas pu créer de tels
monstres !
La voisine rentre du marché. Je vois du chou dans
son panier. Tu te venges, c’est ça. Tu veux qu’elle le fasse cuire fenêtre
ouverte pour que je sente combien j’ai été méchante en me plaignant de sa
cuisine.
Cette nuit j’ai rêvé de toi, de ta grandeur, de ta
chaleur… La tiédeur de ton souffle sur mon visage, la douce clarté qui me
frôlait les cheveux… La musique légère des mots que tu me chuchotais à
l’oreille… Toute une nuit bercée entre
tes bras… Ah Dieu quel délice ! Quelle paix dans ma pauvre tête
tourneboulée par cette vie si laide, si rêche, si dangereuse.
Le jour décline, reste encore un peu… Ton temps
n’est pas compté. Je ne t’ai pas encore raconté ma visite chez ma tante Anne,
cette vieille sorcière qui n’en finit pas de mourir et qui s’accroche à la vie
comme un naufragé sur le radeau de la Méduse. Elle ne sent pas bien bon et son
dentier claquebaude. La famille…..
Je te quitte pour aujourd’hui. Je vais mettre une
fleur séchée dans ma page gribouillée.
Je t’espère et je t’attends, mon Dieu, mon infini,
mon frère de cœur, mon confident…
Que la peste emporte ma voisine, je compte sur toi.
Avec tout mon amour.
Texte de MONIQUE
C’est bien pour faire plaisir à Virginie mais me demander
d’écrire à Dieu c’est me demander beaucoup d’imagination. Il y a longtemps
qu’il est sorti de mon univers mais notre chère Animatrice nous assure qu’on
est là pour s’amuser. Donc, amusons-nous !
D’abord comment vous (ou tu ?) appeler : cher
Dieu, cher Monsieur, chère illusion ? J’opte en toute simplicité pour
« Bonjour ! ».
Autant que je « vous » (je n’arrive pas à le
tutoyer, curieux non ?) le dise tout de suite : j’ai un passé banal
mais lourd : religion festive pendant ma jeunesse, doute de plus en plus
affirmé mais empreinte judéo-chrétienne indélébile !
Souvent, je vous imaginais furieux de voir ce que l’église
de Pierre était devenue au cours des siècles. Attention, je fais une confusion.
Je suis sensée écrire à Dieu et pas à son fils ce grand corps malade comme on
en voit tant de nos jours, incapables de s’intégrer à une société marchande et
partant « on the road » comme le raconte Jack Kerouac. Et, justement,
ce serait plutôt au fils de Dieu que j’ai envie d’écrire. Puisqu’on nous fait
avaler que « ressuscité », il serait à la droite du Père, il lui
transmettra.
J’aurais aimé ton (tiens je tutoie plus spontanément le fils)
avis sur tes quatre redoutables concurrents : Darwin, Freud, Voltaire,
Rousseau. Ils ont alimenté mes doutes qui se sont lentement transformés en
regrets puis en tolérance.
Sauf pour le côté répétitif du chapelet (comme celui des
versets du Coran ou la lecture de la Torah). J’ai fait l’expérience de choisir
une phrase simple du genre « je suis
heureuse d’être au monde »
et de la répéter des dizaines voire des centaines de fois. Une douce euphorie
s’empara de moi comme quand, j’imagine, on fume un joint. Cette façon de faire
nie la connaissance. Pour moi c’est un lavage de cerveau stalinien.
Mais je ne veux pas te décourager et te dire que tu as
prêché dans le désert car la survie des diasporas grâce aux pratiques
religieuses de leur pays natal m’a toujours posé beaucoup de questions.
A ton actif également, et toujours à ma plus grande interrogation,
tous les sujets à la fois dérisoires et admirables que la peinture, la musique,
la littérature ayant pour sujet ta vie et tes malheurs !
Ne crois pas qu’il soit facile d’être athée. Mes quatre
auteurs préférés ne sont pas des modèles de vie et leurs textes ont beaucoup
vieilli.
Reste ma grande interrogation : A QUI PARLER ?
Texte de MARIE-HÉLÈNE
Cher Dieu,
Cher Dieu,
Tu
te rends compte ? C’est bientôt ton anniversaire ! Quels sont les
cadeaux que tu vas nous faire cette année ? Ah mais non, je me trompe, tu
n’es pas le Père Noël, tu es Dieu. Depuis le temps que nous discutons tous les
deux, j’aurai du m’en rendre compte.
Je
te plains quand même. Tout seul là-haut, perdu dans le ciel, à regarder tes
ouailles courir les magasins afin de t’honorer et te souhaiter une belle année
supplémentaire. Je t’imagine avec un sac à main en croco et une montre en or au
poignet. Ça va, ce n’est pas trop dur ?
Tu
n’en as certainement rien à faire, pour toi seule compte la réconciliation des
peuples, seul compte le bonheur de l’humanité, seule compte la préservation des
espèces. C’est ce que tu veux nous faire croire. A propos comment va l’ami
Karl ? Il fume toujours ?
Je
te remercie de la belle journée d’hier. Grand soleil froid, sourire des
passants, joie des enfants. Mais ça, c’était hier. Aujourd’hui il pleut. Et je
présume que le tonnerre c’est toi, toi qui n’est pas content de ceci, de cela.
Comme je te comprends !
Oh,
attends ! Pupuce, ma douce colombe, a faim. J’ai oublié de lui donner son
os de seiche à ronger.
Hier
j’ai mis un gros cierge à la cathédrale, le plus gros ! Je ne te dis pas
le prix, 2€50 ! Le cierge ! Et foi grasse pour le curé après la messe
de minuit. Tu l’as vu ma lumière ? Tu n’es pas complètement aveugle, quand
même.
Tu
me fais penser à Merlin l’Enchanteur, tu tournes en rond les deux bras en l’air, une baguette magique
dans chaque main, mais tu as perdu les formules.
Cher
ami, je dois te laisser. Mon copine Virginie passe me prendre dans cinq minutes
pour faire les derniers achats.
Allez
à plus tard, ou peut-être à jamais, tu verras bien.
Bisous.
Thérèse
II/ Ecrire à un personnage célèbre, réel ou pas, en composant des accumulations.
Texte de IR
GRAND JACQUES
Je te confie aujourd’hui - mon ami - puis-je te nommer ainsi après tant d’années de partage, de séduction, d’émotion?
Chacune de tes notes, chacun de tes mots, remplit mon puits d’envies, de rêves, d’images que tu devines, taquines, assassines. Chacun de tes trésors, de tes déchirements, de tes étonnements, de tes découragements me surprend, me colle, me relève, me sommeille, me remplit, me construit, me ravit, me rassure, me réduit, me voyage, me ravage, me raconte ce que je suis.
Tour à tour bercée, révoltée, confiante, parfois perdue souvent trouvée, je t’ai savouré et compris dans ce labyrinthe de mots mêlés où l’honnêteté, l’intensité sont de mise!
Tes vainqueurs, tes vaincus, pitoyables, ridicules, impossibles, énormes, petits, humiliants, humiliés, convoités, isolés, abandonnés, rêveurs, aimants, magnifiques, lumineux qui créent le kaléidoscope qui rigole ma vie.
Ce cadeau mérite un merci!
Ta Mathilde qui n’est jamais partie
Texte de MARIE-HELENE
Cher Monsieur Bocuse,
Je
vous prie, je vous supplie, je vous implore, je vous conjure de lire cette
lettre.
J’ai
un problème que vous seul pouvez résoudre. Un gros, un gras, un étouffant
problème. Comme vous, j’ai un restaurant. Mais vous êtes un génie et moi, une
truffe.
Toute
la journée je cisaille, j’émince, je filète, je trousse, je larde, je bride,
j’émulsionne, je flambe, je spatule, je caramélise, j’aplatis, je fouette les
blancs, la crème, les sauces, je rôtis, je moule, je mouille, je réduis,
j’aromatise, je sale, je poivre, je rate, je râle, je brûle, je carbonise, en
un mot je fais comme vous, je cuisine.
Aussi,
je ne comprends pas pourquoi rien ne fonctionne. Le chiffre d’affaire, le
nombre de couverts, le poids des matières premières, rien ne grossit. A part
moi. J’ai pris dix kilos en deux mois. Je déteste mettre à la poubelle ces
magnifiques salades, carottes, aubergines, courgettes, pommes de terre,
tomates, je déteste diluer dans mon évier ces sublimes sauces, grand veneur,
caramel, béchamel, hollandaise, béarnaise, crevettes, vinaigrette, aurore,
ravigote. Alors je finis tous les plats !
Je
ne peux penser que le problème puisse venir de mon serveur. Bien qu’il fasse un
service la semaine dernière en patins à roulettes, ce bel homme, grand, mince,
souriant, affable, aimable, légèrement drogué, aviné et maladroit reste
toujours très professionnel et ne renverse que rarement les plats. Il n’insulte
jamais les clients. Enfin, il ne le fait pas tous les jours ni à chaque
service.
Je
ne sais plus à quel saint me vouer. Je
me tourne vers vous pour une fervente prière. Que puis-je faire ? Que
dois-je faire ?
En
attente de votre réponse, cher Monsieur Bocuse, je vous supplie de lire cette
lettre.
Ratatouille
Texte de FRANCINE
Mon cher Monsieur Météo,
Je vous prenais pour un homme avisé, un être doué
de conscience, respectueux et digne. Un homme de sciences, de recherche,
d’études. Un homme que nul ne prendrait jamais en défaut, fiable et honnête.
Le mouvement incessant des éléments que dame nature
mit à votre disposition, le souffle du vent, le flux et le reflux, le soleil au
zénith, la courbe de la lune, les nuages voyageurs et la profondeur des
cieux…..
Cher Monsieur Météo, je vous envoie cette bafouille
pour me plaindre du comportement de votre grenouille.
Comment cette rainette, cette roussette, cette
crapaude, ce batracien, cet amphibien, ce têtard, cet avorton, cet animal
gluant aux pattes digitales. Comment, que dis-je, pourquoi, pour quelle raison,
au nom de quoi, de qui, de quelle croyance peut-on apporter foi, se fier, se
prédire, s’exclamer, s’estomaquer, s’époumoner, se glorifier, s’esbaudir, se congratuler,
se mystifier même du fait que Mademoiselle daigne s’élever, s’accrocher ou
grimper les barreaux de la petite échelle dans son bocal transparent.
Cher Monsieur Météo, ne m’en veuillez pas, mais je
pense sincèrement que votre prévision devient indécise et sans doute désuète.
Mettez votre grisette à la retraite et optez pour vous reconvertir sur un site
de météo en ligne.
Alizée Cumulonimbus
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