07/11/08 Liponymie


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"Il y a des mots dont la tête ne me revient pas, je les élimine"
La mise en mots, Elsa Triolet


Quand la restriction est source d'ouverture !




Texte de Catherine Lanos

Capturer la voix des paroles ; grain de voix engrammé dans l’émoi (les mois !). Emprisonner le souffle et le métamorphoser. Déposer la langue de l’autre, la langue primitive, symbolique, symbolisée sur l’imaginaire silencieux de la page blanche. Incarnation. Laisser libre cours à ses émotions en écoutant le travail du corps dans la langue. Nommer au plus près l’écart de sa trace vive. Corps à corps inconscient, calligramme défait en quête de sillage, solitude, voyage, chemins de traverse, capture énigmatique, buissonnière. Vacances, carte -postale griffonnée an bords de plage. Emois, douceur, fugue vers l’île déserte. Territoire secret couché dans le cahier rouge fermé à clef et ouvert en cachette. En attente de quoi ? De confidences, de rébellion, d’innocence.
Puis entrer en mouvement, larguer les amarres, se laisser devancer, donner vie, ouvrir le cœur, les sens là où le monde s’éprouve et s’interroge. Dire oui à la lumière qui entre à flot. Tenter d’approcher sa texture, secouer ses ombres, la laisser palpiter et s’exprimer avec de l’encre ourlée en calligramme bleu -rêve… sans trop y arriver. Faire part d’une absence à une autre absence dans cette présence/absence de ce qui est et n’est pas tout à la fois. Savoir combien il est difficile de figurer ce qui ne se représente pas, l’émotion, la beauté, la joie, mais aussi, la peur, la folie, la perte, la mort. Accepter dans le secret alchimique, textuel, combien il est difficile de nommer l’indicible… innocence ! Accepter de laisser de côté sa toute puissance, jouer, se faire désir, rire, inventer, bousculer, fabriquer du vivant, cheminer dans l’inexploré, pénétrer l’inattendu. Oser se saisir de la forme, plutôt se défaire dans la forme, forcer sa chorégraphie murmurante - vie mort vie-, rendre palpable,chevaucher ses rêves, enchanter l’étymologie, cheminer vers la liberté et les profonds secrets qui meuvent les êtres. Et surtout lire…
Bref, tenter d’approcher, et montrer ce qu’on rate toujours dans cette figuration , l’inaccessible réel d’une forme qui échappe et nous devance Capturer la voix des paroles….



Texte de Dominique Bohler

Ces hiéroglyphes qui couvrent les murs, dessinent leurs arabesques sur les livres et emplissent le paysage de mon enfance ! Ces signes, ces drôles de dessins minuscules ou gigantesques ! Que veulent-ils dirent ?
Mon entrée a l'école primaire me révéla le secret. L'interprétation de ces symboles, entraperçus jusqu'alors comme incompréhensibles, permit à mon esprit de s'éclairer.
L'initiation s'avéra longue et fastidieuse. Mais mon entendement s'affina avec le temps. Le plaisir sans cesse renouvelé de la découverte ! La magie de la main qui se délie, qui s'autorise. La délectation de la composition d'expressions propre ou influencée par d'autres, m'ouvrit une porte : La porte du bonheur ! Me sentir enfin incluse dans un monde intelligible...




Texte de Nathalie Lotito

Ma vraie première approche de cet art remonte à la petite
enfance.
Sur un tableau non noir mais vert foncé je fais connaissance
avec la calligraphie. Des jambes qui doivent descendre deux
lignes en dessous de la ligne principale, d’autres qui montent
deux lignes au dessus. Et puis des ronds tout simples ou avec
des petites queues, des bâtons avec des points, des boucles
avec des chapeaux, toutes sortes de formes qui m’interpellaient
et me fascinaient.
A mesure que le temps passait, je compris que ces formes
pouvaient se mettre ensemble pour devenir un vocable puis
une formule. Je trouvais tout ceci plutôt ludique. Des termes
qui se succèdent pour faire naître un texte, puis se transformer
pourquoi pas en livre. Je sentais que peu à peu je m’installais
dans un univers littéraire. Exit les formules de maths et de
chimie qui me donneraient, c’est sûr, mal à la tête.
Aujourd’hui, des années plus tard, l’amour pour l’orthographe
demeure.



Texte de Mistraline

L'unique chose qui me tienne et me raccorde au lien perdu comme un ombilic qui perdure _ source fragile qui s'écoule de mes blessures, de mes désirs _ syllabe après syllabe, voyelles entrechoquées de consonnes, virgules et points qui ponctuent sporadiquement, ce cri de l'encre, chant de plume ou rhapsodie de l'inconscient ...

Voilà la source qui nourrit mes pensées quand la pointe frémit avant de s'élancer, glisser, tanguer ou ... trébucher. Question de flux, d'inspiration, qui sait ?
La source se tait, se tarit parfois, tout en bafouilles, en gribouilles, impuissantes et frustrées.

Atteindre ce territoire peuplé de symboles et de croyances, y laisser parfois vagabonder ses sentiments le temps d'un blues matrilinéaire.

Le poids de mes épaules me suffit, le reste, je le sculpte grossièrement, je le décortique, l'affine et le cisèle pour retirer la moelle, et avancer à grands pas, ratures après ratures.
On parle de postérité, de trace, de témoignage, j'aperçois, l'exigence d'un art de l'expression.
Pourtant ce que jamais je ne pourrais dire peut s'exprimer à mon insu entre les lignes d'un canevas littéraire.

Acquérir des armes affûtées, piquer au vif, convaincre et conquérir mais aussi caresser, troubler et attendrir. Autant de pouvoirs dans une seule action qui relie l'esprit à nos émotions.






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